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>> breuses maisons un dépôt considérable de grain, avait >> refusé de payer l'impôt sur le braz: lorsque les taxa>>teurs se présentèrent pour visiter les greniers et dres>> ser les cotes personnelles, il fit sonner les cloches et >> fermer les églises. » En donnant beaucoup d'explications pareilles, l'auteur nous ferait mieux comprendre « l'anarchie » qui régnait dans la «< Liége républicaine » quand elle revivait << son âge d'or ».

Autre exemple de sobriété extrême -- ou, si l'on veut, de parcimonie de détails explicatifs. Nous sommes en août 1682. M. Huisman, d'après des documents inédits, nous dit que «<les corporations d'artisans, du moins les plus violentes, ont usurpé toutes les attributions du >> conseil de l'hôtel de ville et que le gouvernement est >> passé ainsi aux mains de la foule des rues, des voleurs » de carrefour, des désœuvrés » (p. 173 du mémoire). Notre curiosité est excitée..... M. Huisman s'arrête.

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L'auteur donne tort au pouvoir central. C'est son droit, et ce n'est certes pas nous qui lui ferons un grief d'être ici subjectif. Comme nous disait un des professeurs de M. Huisman, avec qui nous causions de son travail, chaque auteur met dans sa construction historique sa personnalité. L'essentiel est que les faits qu'il présente soient exacts et complets, et sous ce rapport (nous y reviendrons) l'auteur est à l'abri de tout reproche. Les appréciations personnelles peuvent se rectifier grâce à l'examen des faits. Dans une question semblable peuvent percer quelques préférences. Si M. Huisman les montre parfois un peu trop, c'est juvénile ardeur et péché véniel.

Seulement et c'est toujours l'inconvénient des rapprochements hasardés que nous signalions au début de ce rapport M. Huisman a trop songé aux temps modernes.

Nous nous attendions à voir dans ce travail des allusions plus nombreuses aux luttes que les Liégeois du XVe siècle eurent à soutenir contre des princes non moins <«< despotes » que Maximilien de Bavière. Ici les rapprochements n'eussent point été hasardés. Le prince-évêque de 1684 est dans la tradition de la Maison de Bourgogne. Charles le Téméraire, dont on s'est obstiné si longtemps, nous ne savons pourquoi, à faire un prince féodal, avait les mêmes visées monarchiques que Maximilien de Bavière. A près de deux cents ans de distance, c'est le même travail d'unité gouvernementale que les deux souverains poursuivent, aux dépens d'institutions qui avaient fait leur temps et de privilèges qui autorisaient plus d'abus qu'ils ne favorisaient de progrès.

La figure de Maximilien-Henri ne se détache pas bien nettement du tableau que M. Huisman tracé de son règne et de son époque. Sauf, peut-être, au jour de la vengeance cruelle qu'il exerce sur les révolutionnaires liégeois, elle reste dans la pénombre. Ses laboratoires de chimie ou d'alchimie de Bruhl et de l'abbaye de SaintPantaleon paraissent prendre son temps bien plus que les questions sociales qui travaillent la ville de Liége ou les graves problèmes d'équilibre européen qui se débattent autour de sa principauté.

Par contre, les figures des princes François-Égon et Guillaume-Égon de Fürstenberg, qui jouèrent un rôle important dans les événements de ce temps, ont du coloris et du relief. Celle surtout de Guillaume-Egon, dont le nom est inséparable des transformations du régime municipal de Liége consacrées par le Règlement de 1684, comme il est inséparable des intrigues diplomatiques où il servit Louis XIV avec un dévouement qui faillit lui coûter la vie,

qu'il expia par cinq ans de captivité dans les prisons de l'Empire (p. 114), mais qui lui valut de larges compensations de toute espèce. M. Huisman a tracé de ce Protée fertile en combinaisons politiques comme en galanteries, et dont les passions furent aussi vives que l'intelligence, un portrait fort curieux.

C'étaient les travaux consacrés par L. Ennen aux États rhénans, qui avaient attiré l'attention de M. Huisman sur les Fürstenberg. Pour compléter les indications d'Ennen, il se livra à des recherches patientes dans les archives et les bibliothèques de Cologne, de Dusseldorf et de Strasbourg: il poussa même jusqu'à Donaueschingen, où le château des Fürstenberg lui révéla des particularités qui offrent un vif intérêt.

D'ailleurs (et c'est là le grand, l'incontestable mérite de son travail), M. Huisman n'a reculé devant aucune fatigue, devant aucune exploration pour mener sa tâche à bonne fin. Il a vu les sources et il les a contrôlées avec soin et intelligence.

Il n'a négligé aucune des collections précieuses qui sont dans le grand dépôt de l'État à Liége archives du Conseil privé (dépêches, protocoles et liasses), archives du chapitre cathédral de Saint-Lambert (conclusions capitulaires), registres aux recès de la noble cité de Liége, registres des trois États (journées et États), recès et reliefs des bons métiers ; puis le fonds dit Secrétairerie d'État espagnole aux Archives générales du Royaume à Bruxelles; les registres des Fonds de Liége et de Cologne déposés aux Archives du Ministère des Affaires étrangères à Paris; à La Haye, les correspondances des résidents hollandais qui étaient accrédités près du gouvernement liégeois. Il a lu tout ce qui a paru sur cette époque histoires, 58

1899.

LETTRES, ETC.

chroniques, mémoires, opuscules, et aussi bien les publications (françaises, liégeoises, latines, flamandes et allemandes) du temps que celles d'aujourd'hui, depuis les pamphlets de Lisola et les lettres ou traités relatifs à la détention de Fürstenberg, jusqu'aux traités qui ont paru autrefois ou récemment dans nos collections (1); depuis les chansons qu'on chantait à Liége en 1676 et 1679 jusqu'aux conférences d'avant-hier et aux articles des revues d'hier (2); depuis les histoires générales du pays de Liége, écrites par MM. de Crassier, Henaux, Daris, jusqu'aux monographies spéciales de MM. de Borman et Balau (3).

L'auteur a été aussi complet et aussi consciencieux sous ce rapport qu'il est possible de l'être, et nous l'en félicitons sincèrement.

Un peu plus d'objectivité pour le fond, un peu moins de redondance pour la forme, et M. Huisman deviendra un de nos meilleurs historiens. >>

(1) POULLET, Les Constitutions nationales belges. LONCHAY, La principauté de Liége; La France et les Pays-Bas au XVIIe et au XVIIIe siècle; La rivalité entre la France et l'Espagne aux Pays-Bas.

(2) AM. DE RYCKEL, Le pouvoir civil des princes-évêques de Liége, 1891. (Conférence de la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liége.) H. VAST, Des tentatives de Louis XIV pour arriver à l'Empire. (Revue historiQUE, septembre-octobre 1897.) — A. MUNTZ, Louis XIV et les Fürstenberg en Alsace. (Revue nouvelle d'ALSACE-LORRAINE.)

(3) DE BORMAN, Les échevins de la souveraine justice de Liége, 1892. S. BALAU, Le cardinal de Fürstenberg et ses héritiers, seigneurs de Modave, 1894.

M. Kurth, troisième commissaire, déclare s'associer aux conclusions des rapports de ses deux confrères.

La Classe, se ralliant aux conclusions des rapports de ses trois commissaires, décide l'impression du travail de M. Michel Huisman dans le Recueil des Mémoires couronnés et autres mémoires, collection in-8°.

COMMUNICATIONS ET LECTURES.

Richilde et Hermann de Hainaut;

par Léon Vanderkindere, membre de l'Académie.

Tous nos historiens, sans exception, enseignent que Richilde était l'héritière légitime du comté de Hainaut et qu'elle le tenait de son père Régnier V. Il semble qu'il y ait là un fait acquis à la science; nul ne songe plus à le mettre en discussion. Depuis D'Oudegherst (1) au XVIe siècle, en passant par d'Outreman (2), Vinchant (3), Delewarde (4), De Vaddere (5), Desroches (6), Dewez (7),

(1) Annales de Flandre (1571), édit. Lesbroussart, I, 259.
(2) Histoire de la ville et du comté de Valenciennes, 1639, p. 96.
(3) Annales de la province et comté d'Haynau, 1648, p. 175.

(4) Histoire générale du Hainaut, 1718-1722, II, 291.

(5) Origine des ducs et du duché de Brabant (édit. de 1784), II, 265.

(6) Epitome historiae Belgicae, 1782, II, 266.

(7) Histoire générale de la Belgique, 1805-1807, II, 328 et suiv.

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