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S'il n'a pas vu cela, c'est qu'il était bien peu observateur. Ou bien, le pressentait-il? Et alors...! Marie-Thérèse connaissait bien le prince, et s'en défie, on l'a rappelé. Cette défiance maternelle doit suggérer de la prudence dans les éloges donnés au voyageur de 1781. Ce n'est d'ailleurs pas seulement aux Pays-Bas que Joseph essuya des mécomptes dans ses projets et ses goûts. Il s'était épris de Frédéric II et l'on peut estimer qu'il eût pu placer plus judicieusement ses sympathies impériales. En bien comme en mal, il semble apprécier inexactement les hommes.

Que Marie-Thérèse ait, elle aussi, on l'a rappelé, pris des mesures qui, même au point de vue ecclésiastique, ont comme une teinte anticipée de Joséphisme, je n'en disconviens pas, quoique le procédé fût assurément différent. Marie-Thérèse n'a pas résisté toujours à certains conseillers (1) et à une tendance assez forte dans certains milieux lettrés de ce siècle. Elle était aussi autoritaire par tradition, ce qui la penchait dans le même sens. Cette remarque ne rend que plus importante l'expression de crainte qu'elle manifeste dès le début à l'égard des dispositions de Joseph.

J'ai dit ma pensée quant aux idées mêmes du prince, mais question de doctrine à part, je ne vois rien dans le Mémoire qui me le montre plus habile que je ne le croyais. Mon opinion ne change pas; et s'il est malchanceux, ce qu'il a bien reconnu lui-même, je demeure en droit de croire qu'il fut aussi maladroit. A-t-il eu de

(1) Marie-Thérèse a eu aussi d'autres faiblesses, et il est triste de voir comment elle a lutté contre sa conscience, par exemple dans les affaires de Pologne.

bonnes intentions? Qu'il en ait eu en certains actes, en certaines réformes; qu'il ait eu le désir de s'instruire; qu'il s'en soit donné la peine, c'est possible. Au surplus, ce n'est pas là matière d'histoire politique, et on ne gouverne pas avec de bonnes intentions, mais avec de bonnes lois.

Je ne vais pas analyser le mémoire que M. Hubert nous soumet. Le premier commissaire s'en est chargé d'une façon étendue. J'ai fait mes réserves au sujet des appréciations; d'autre part, je ne dispute pas les félicitations à la persévérance laborieuse de notre collègue de Liége, qui a parcouru les importants dépôts d'archives d'Europe pour reconstituer l'itinéraire de Joseph dans les Pays-Bas, et mettre au jour une série de documents qui en jalonnent les étapes des renseignements les plus variés. Sous le bénéfice des réserves que j'ai formulées, je me rallie à la proposition qui est faite à la Classe d'insérer dans ses Mémoires le travail de M. Eugène Hubert. >>

Rapport de M. Paul Fredericq, troisième commissaire.

« L'analyse si complète et si vivante qu'en a faite le premier commissaire, me dispense de revenir sur le contenu du Mémoire présenté par M. le professeur Eugène Hubert.

Le second commissaire a formulé des réserves de doctrine sur les tendances de Joseph II et il y a ajouté un jugement défavorable sur le fils de Marie-Thérèse. Je comprends fort bien ces réserves et cette appréciation. Joseph Il est de ces personnages historiques sur lesquels

les hommes se diviseront longtemps encore, de la meilleure foi du monde.

Par acquit de conscience, on me permettra d'exprimer à mon tour mon opinion. Pour ma part, je pense que l'heure de la justice historique sonnera tôt ou tard pour Joseph II et que le jugement final lui sera, en somme, favorable. Quoi qu'il en soit, ce n'est que par des travaux du genre de celui que M. Hubert nous soumet, que la vérité historique se dégagera un jour des préjugés des admirateurs et des détracteurs.

M. Hubert, qui est très sobre de commentaires, a laissé parler les faits en dépouillant des centaines de documents puisés à toutes les sources accessibles. Il a produit ainsi une étude absolument neuve, établissant à l'évidence, me semble-t-il, que le voyage de Joseph II dans les PaysBas en 1781 constitua une enquête consciencieuse et approfondie; que les contemporains, quoique déroutés par l'extrême simplicité des allures de leur souverain, la prirent tout à fait au sérieux; que nous devons en faire de même, maintenant que nous savons par le menu les peines que Joseph II se donna dans chaque ville visitée par lui pour découvrir les abus, et la somme énorme de travail qu'il fournit ensuite à Bruxelles pour coordonner et approfondir ses connaissances avec l'aide de tous les spécialistes de l'administration centrale; que cette façon de comprendre et de remplir ses devoirs de souverain des Pays-Bas mérite le respect de ceux même qui condamnent ses tendances; en un mot, que le voyage de Joseph II dans notre patrie ne ressemble en rien à la caricature amusante qui est admise couramment dans nos manuels d'histoire nationale et dans beaucoup d'ouvrages plus sérieux.

Je crois que M. Hubert a rectifié ainsi un point très important de la carrière si controversée de Joseph II.

Je me rallie donc volontiers à l'avis des deux premiers commissaires qui s'accordent à vous proposer l'impression du remarquable travail de M. Hubert, dans les Mémoires de l'Académie. »

La Classe vote l'impression du travail de M. Hubert dans le recueil in-4° des Mémoires couronnés et Mémoires des savants étrangers.

COMMUNICATIONS ET LECTURES.

Remarques critiques sur les œuvres philosophiques d'Apulée (seconde série); par P. Thomas, membre de l'Académie.

Dans la première série de ces Remarques (1), j'ai utilisé l'excellent manuscrit de Bruxelles (B) que Rohde avait signalé en 1882 à l'attention des savants. L'étude répétée de ce manuscrit m'a fourni de nouvelles corrections et suggéré de nouvelles conjectures. On verra que des leçons reçues par les anciens éditeurs et écartées trop dédaigneusement par Hildebrand et par M. Goldbacher sont confirmées par l'autorité de B. Ailleurs, il a suffi de pren

(1) Voir Bull. de l'Acad. roy. de Belgique, 3e sér., t. XXXV, n° 6, pp. 993-1012, 1898.

dre le texte de B et d'y apporter de très légers changements pour rétablir des passages corrompus. En quelques endroits, où B n'était d'aucun secours, j'ai dû tenter l'émendation meo Marte.

DE DEO SOCRATIS.

I (p. 5, l. 5-6) : Ordiri tamen manifestius fuit a loci dispositione.

M. J. van der Vliet (1) propose de changer fuit en fuerit «Non carpit orator Platonem propter parum luculentam argumenti ordinationem (fuit fuisset), sed magistri sententiam refert. Legendum igitur pro fuit fueRIT. Cette conjecture trouve un certain appui dans B, qui porte fuit ita loci: fueritaloci a pu être altéré en fuititaloci. Pour le subjonctif cf. p. 9, l. 11-12 : quod quidem mirari nequaquam congruerit; p. 11, l. 25-24 : neque enim pro maiestate deum caelestium fuerit, ut, etc.; p. 17, 1. 20-21 id potius praestiterit latine dissertare, etc. (2).

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:

I (p. 5, l. 17-20): sive illa (sc. luna) proprio seu (Rohde et Lütjohann : proprio sibi et) perpeti candore, ut Chaldaei arbitrantur, parte luminis compos, parte altera cassa fulgoris, pro circumversione oris discoloris multiiuga pollens speciem sui variat...

Cette phrase présente deux difficultés :

1° Quelle est la fonction de l'ablatif proprio candore?

(1) Mnemosyne, N. S., t. XVI (1888), p. 158.

(2) L'exemple cité par M. van der Vliet: Si Platonis vera sententia est facilius me audierit lapis quam Juppiter (c. V, p. 10, 1. 20-22), n'est pas très bien choisi.

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