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» Au casier judiciaire, c'est à peine si l'on relève quelques condamnations prononcées pour faits d'usure à charge d'Israélites, alors que, cependant, un assez grand nombre de condamnations pour faits de l'espèce ont été prononcées par les tribunaux depuis une vingtaine d'années.

>> Ceux qui, dans l'agglomération bruxelloise, prêtent de nos jours, à peu près ouvertement, de l'argent surtout aux employés, et même aux officiers de l'armée, à des taux tout à fait usuraires, ne sont pas des Israélites. >>

J'ajouterai que j'ai autrefois, quand j'étais membre du parquet, poursuivi des marchands d'argent qui prêtaient à un taux d'intérêt plus élevé que le taux légal. Ces usuriers appartenaient, au moins nominalement, à la religion chrétienne. C'étaient de mauvais chrétiens, sans doute, mais ce n'étaient pas des Juifs.

Sous ce rapport, aussi bien que sous les autres rapports, il y a aujourd'hui égalité complète entre les Juifs et les non-Juifs.

24. La conclusion de cette étude, c'est qu'il faut pratiquer la justice envers les Juifs aussi bien qu'envers les sectateurs des autres cultes, les traiter, non comme des pourceaux, mais comme des hommes; non comme des étrangers ou des ennemis, mais comme des frères et des concitoyens.

C'est le plus sûr moyen de mettre fin aux exactions qu'on leur a reprochées autrefois et qui étaient la conséquence forcée de la misérable condition juridique à laquelle on les avait réduits.

L'histoire est-elle une science? par Ch. De Smedt, correspondant de l'Académie.

L'histoire est-elle une science? Ce titre lui fut déjà, semble-t-il, contesté par Descartes. Ne parvenant pas à faire entrer la certitude historique dans le cadre de son système, il trouva tout simple d'éliminer l'histoire de la nomenclature des sciences. Mais son opinion n'a guère eu d'écho. Du reste, il ne l'a énoncée qu'indirectement, en passant, et sans y appuyer (1).

(1) On peut voir chez Descartes un dédain pour l'histoire dans ce fait que, parlant si souvent des méthodes à suivre pour acquérir la science, il ne fait jamais mention de l'histoire et de ses procédés spéciaux. Mais je n'ai rencontré qu'un seul texte où il semble nier formellement que l'histoire puisse être appelée une science, et un de mes amis, à qui les œuvres de Descartes sont assez familières, n'a pas été plus heureux que moi. Le texte auquel je fais allusion se lit dans un opuscule latin incomplet, attribué à Descartes, mais qui n'a été connu que longtemps après sa mort; l'opuscule porte pour titre : Règles pour la direction de l'esprit. La troisième de ces règles est énoncée sommairement en ces termes (je donne la traduction de V. Cousin): «< Il faut chercher sur l'objet de notre étude, non pas ce » qu'ont pensé les autres, ni ce que nous soupçonnons nous-mêmes, >> mais ce que nous pouvons voir clairement et avec évidence, ou » déduire d'une manière certaine. » Suit le développement : « Nous » devons lire les ouvrages des anciens... pour connaitre les bonnes » découvertes qu'ils ont pu faire... » Mais aussitôt il est recommandé de se mettre en garde contre les erreurs qui pourraient se glisser ainsi dans notre esprit, et aussi de ne pas mettre trop de confiance dans l'autorité de ces écrivains, d'autant plus qu'ils sont très souvent

Dans ces dernières années, la question a été posée directement et bruyamment, et a été bruyamment résolue dans un sens négatif. Par suite, elle trouble et elle est de nature à troubler beaucoup d'adeptes, et surtout de jeunes adeptes, des études historiques. Je voudrais essayer de les rassurer.

Les études historiques, telles qu'on les a toujours considérées et définies jusqu'ici, ont pour objet les faits remarquables du passé, personnes, événements, institutions, mœurs, comme nous pouvons les connaître par les souvenirs et les vestiges qu'ils ont laissés dans les monuments écrits ou non écrits.

C'est à ces études et à leurs résultats immédiats que MM. Brunetière et Lacombe en France, M. Lamprecht en Allemagne, pour ne citer que les noms les plus conprétendent refuser le caractère de science. Tout au plus les deux derniers veulent-ils leur accorder cette dignité lorsqu'elles sont conduites à un point où elles abandonnent le terrain de l'histoire proprement dite

nus,

en désaccord entre eux. « Mais mème, continue le philosophe, quand » tous seraient d'accord, il ne nous suffirait pas encore de connaitre >> leur doctrine; en effet, pour me servir d'une comparaison, jamais >>> nous ne serons mathématiciens, encore bien que nous sachions >> par cœur toutes les démonstrations des autres, si nous ne sommes » pas capables de résoudre par nous-mêmes toute espèce de pro» blème. De même, eussions-nous lu tous les raisonnements de >> Platon et d'Aristote, nous n'en serons pas plus philosophes, si nous »> ne pouvons porter sur une question quelconque un jugement » solide. Nous paraitrions, en effet, avoir appris, non une science, >> mais de l'histoire. » OEuvres de Descartes, publiées par V. Cousin. Paris, 1826, t. XI, pp. 209-211.- OEuvres philosophiques de Descartes, publiées par L. Aimé-Martin. Paris, 1838, p. 479.

pour entrer dans des considérations qui relèvent plutôt du domaine de la philosophie.

Assurément, on peut être sans peine amené à se rallier à leur manière de voir lorsqu'on a commencé par admettre l'idée qu'ils se sont faite de la science. Ce n'est pas ici le cas de dire: In cauda venenum. C'est à la tête de la théorie qu'il faut surtout prendre garde. Si on la laisse passer, on verra aussitôt tout le corps se glisser à sa suite.

Ainsi, suivant M. Lacombe, «on appelle science un ensemble de vérités, c'est-à-dire de propositions énonçant qu'il y a une similitude constante entre tels et tels phénomènes (1) ». En partant de cette définition et après être convenu «< pour la clarté, la commodité des explications,... de dénommer différemment l'acte vu comme unique et le même acte vu dans sa similitude avec d'autres », et d'appeler « l'un Événement, et l'autre : Institution (2)», il est tout naturel d'aboutir à cet axiome : <«<< Nous pouvons à présent conclure l'événement, le fait historique, vu par l'aspect qui le rend singulier, est réfractaire à la science, puisque celle-ci est d'abord constatation de choses similaires (5). »

Malheureusement, aucun historien jusqu'ici ne s'est douté de ce principe élémentaire. Aussi ont-ils tous fait

(1) De l'histoire considérée comme science, par P. LACOMBE, inspecteur général des bibliothèques et des archives. Paris, 1894, in-8°, XVI-415 pp., p. 2.

(2) Il est bon de remarquer que le mot Institution, ainsi défini, n'a pas rigoureusement la même signification que dans le langage habituel des historiens; il peut, du reste, souvent désigner la même chose que dans son sens ordinaire.

(3) Ouvrage cité, pp. 9-10.

fausse route et « la méthode préconisée en histoire estelle juste le contre-pied de la méthode employée par les savants (1) », c'est-à-dire par ceux qui font de la science comme l'entend M. Lacombe. Ceux-ci, les biologistes, par exemple, vont du général au particulier. Les érudits (2), au contraire, « s'enfoncent dans le spécial, sans aucune connaissance générale qui soit l'analogue de la biologie (5) ».

M. Lamprecht n'est pas moins radical que M. Lacombe. Comme lui, il pose en principe fondamental que la science ne s'attache qu'à ce qui se présente comme le résultat d'une comparaison, comme un type général. Ce principe doit s'appliquer à toutes les sciences, aussi bien à celles qui ont pour objet le monde spirituel qu'à celles qui s'occupent des propriétés de la matière (4). Il ne peut donc être question, dans la science historique, que fort secondairement d'étudier les personnages et les faits singuliers en eux-mêmes, et, dans tous les cas, cette étude doit supposer, comme un point de départ et comme un fondement indiscutables, la certitude reconnue de tous les résultats acquis par la voie purement scientifique, c'est-à-dire par la voie de comparaison (5).

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(1) Ouvrage cité, p. 6.

(2) L'érudit, dans la terminologie de M. Lacombe, est « l'homme qui découvre les faits du passé, les rapproche, les rétablit dans >> leur ensemble et leur suite » (Ibid., p vi). En d'autres termes, c'est l'historien qui ne fait que de l'histoire et non de la science sociale, dans le sens moderne du mot.

(3) Ouvrage cité,
p. 7.

(4) Was ist Kulturgeschichte? dans la DEUTSCHE ZEITSCHRIFT FÜR GeschichtswisseNSCHAFT, Neue Folge, I. Jahrg., 1896-1897, pp. 84-85. Die historische Methode des Herrn von Below. Berlin, 1899, pp. 14,

48.

(5) Die historische Methode des Herrn von Below, pp. 14-15, 49.

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