Page images
PDF
EPUB

Pourquoi donc, depuis 1830, malgré toutes les vacances opérées dans la Cour royale de Paris, n'y avait-il eu, sur cinquante et plus, que deux conseillers-auditeurs promus? Pour faire rendre justice aux conseillers-auditeurs, ils n'était pas besoin d'une loi il suffisait de rappeler au garde des sceaux, leurs longs services, leurs droits incontestables. Ainsi le prétexte d'équité s'évanouissait complétement.

Restait le prétexte de nécessité. Mais à quel moment proposait-on d'augmenter le nombre des magistrats de la Cour royale de Paris? C'est lorsqu'on avait augmenté la compétence des justices de paix, augmenté le chiffre des sommes pour lesquelles les tribunaux de première instance jugent en dernier ressort ; c'est lorsqu'on ne pouvait déterminer encore l'influence qu'aurait cette innovation sur la juridiction du tribunal d'appel.

MM. Hébert, Martin (du Nord), de Peyramont, reproduisirent, en faveur du projet, les raisonnements du rapport. On passa à la discussion des articles qui furent adoptés, à l'exception de l'article 4, ainsi conçu :

« Le nombre des substituts du procureur-général, près cette Cour, est réduit à dix.

>> Pour arriver à cette réduction, il ne sera pas pourvu à la première place de substitut du procureur-général qui sera vacante. >>

Le gouvernement, ne voulant pas créer de place nouvelle, compensait par là la nomination d'un cinquième avocatgénéral par la suppression d'un substitut. Mais, appelé au sein de la commission, M. le garde des sceaux adhéra aux motifs qui la déterminaient à maintenir le nombre actuel des substituts.

L'ensemble de la loi fut voté le 4 avril à la simple majorité de 179 votants contre 177.

La Chambre des pairs adopta la loi sans discussion, dans sa séance du 29 mai.

Projet de loi sur la police du roulage et des messageries. Le 12 avril, la Chambre des députés commença la discussion du projet de loi sur la police du roulage et des messageries. Cette matière était une de celles qui depuis douze ans avaient le plus occupé l'administration et les Chambres. A la Chambre des pairs, elle avait déjà subi trois fois l'épreuve de la discussion publique à la Chambre des députés, elle avait été soumise à l'épreuve de quatre commissions. L'administration avait profité de ces ajournements successifs pour se livrer à de nouvelles études, pour instituer des commissions spéciales: elle avait pu profiter d'un rapport remarquable de M. Théodore Ducos, sur le projet soumis à la Chambre, dans la session de 1841 (Voy. les Annuaires de 1841 et 1842); des expériences avaient pu être ordonnées et dirigées sous les yeux d'un habile officier d'artillerie, M. Arthur Morin : aujourd'hui, pour la cinquième fois, la question revenait à la Chambre dans un état de maturité qui permettait de compter sur une solution définitive.

Pour l'intelligence de la discussion, il pourra être utile de donner ici un résumé rapide des résultats obtenus par les expérimentations nouvelles. Ainsi, on avait reconnu que la largeur des jantes, au-delà d'une certaine limite, douzé centimètres, par exemple, n'a plus d'avantage pour la conservation des routes, et que les jantes étroites à poids égal par centimètres de largeur, ne sont pas plus nuisibles que les jantes larges, pourvu qu'on s'arrête à une limite de six à sept centimètres. Il avait été aussi constaté que les voitures suspendues et conduites au trot pouvaient, sans dommage pour les routes, porter les mêmes poids que les voitures suspendues et allant au pas; que la division des chargements sur plusieurs trains ou véhicules était essentiellement favorable à la conservation des routes. Enfin, on avait déterminé l'influence que le diamètre des roues exerce sur la pression du véhicule, et, par conséquent, sur la dégradation de la voie. Ces résultats, entièrement négligés par les législa

tions précédentes, pouvaient se formuler ainsi : sur deux voitures, à égalité de poids et de jantes, celle qui est montée sur les plus grandes roues est la plus roulante et la moins nuisible aux chaussées.

Le projet de loi était la consécration de ces nouveaux résultats. Il se proposait le double but de protéger la voie publique, par un ensemble de combinaisons mieux entendues, et d'affranchir l'industrie d'entraves inutiles. C'est ainsi qu'il encourageait la division des chargements et l'emploi des voitures légères. C'est ainsi qu'il fixait le minimum de largeur de jantes à sept centimètres pour les voitures à quatre roues.

Le projet ne contenait pas le tarif des chargements, tarif que le gouvernement s'était réservé d'établir provisoirement par ordonnance. La commission (M. Th. Ducos en était, cette année encore, le rapporteur), avait voulu combler cette lacune en introduisant dans la loi un tarif auquel le gouvernement avait consenti.

La Chambre vota sans discussion la première partie de l'art. 1er, d'après lequel aucune voiture ne peut circuler sur les routes royales ou départementales avec des roues à bandes de moins de sept centimètres de largeur, si elle est à deux roues, et de moins de six centimètres, si elle est à quatre roues. Mais, outre les routes royales et départementales, il y a encore les chemins vicinaux de grandes communications qui, à la faveur de la loi de 1835 (voy. l'Annuaire), ont pris et continuent de prendre un développement considérable. L'importance et l'étendue de ces lignes vicinales ne permettaient pas de les abandonner sans defense à la circulation du roulage. D'autre part, on avait craint de contrarier, par un changement trop brusque, les habitudes prises, les convenances et les nécessités locales. Le gouvernement et la commission avaient pris un moyen terme qui consistait à laisser les autorités locales juges de l'avantage qu'elles peuvent trouver à soumettre ou à soustraire

1

leurs chemins à l'application de la loi nouvelle : une ordonnance royale y pourvoirait sur la demande et l'avis motivé du conseil général. Tel était l'objet de la disposition qui formait la seconde partie de l'art. 1or.

M. Dezeimeris proposa d'assimiler les chemins de grande communication aux routes royales et départementales, et de leur appliquer la prescription absolue de la loi. L'auteur de cet amendement, et deux membres qui l'appuyèrent, MM. Vivien et Dufaure, invoquèrent des considérations théoriques, fondées sur l'avantage d'établir une règle uniforme et générale pour tout le territoire.

De leur côté, M. le ministre des travaux publics et le rapporteur, M. Ducos, signalèrent la difficulté de soumettre à une règle absolue des localités différentes par les usages, la nature du sol et des agents employés dans les attelages.

La Chambre rejeta l'amendement et adopta l'art. 1er, dans son ensemble.

L'article 2 de la loi, article qui contient le tarif des chargements, fut l'occasion d'un amendement longuement développé par M. Billaudel. L'honorable orateur proposait de changer la base même du tarif et de la remplacer par la limitation des chargements, d'après le nombre des chevaux.

La chambre rejeta l'amendement de M. Billaudel, ainsi que celui de M. Couturier, qui proposait de supprimer complétement le tarif (14 avril). La Chambre adopta (15 avril) l'ensemble de l'article 2, sans modifications importantes.

L'article 3 limite le poids des voitures d'après la largeur des bandes, du nombre et le diamètre des roues : les autres articles jusqu'à 8 inclusivement, tous réglementaires ou affectés au pesage, furent adoptés après quelques hési tations et quelques discussions peu sérieuses (17 avril).

L'article 12 établissait les limites dans lesquelles les règles établies par la loi nouvelle seraient appliquées aux véhicules destinés à l'usage de l'agriculture. Le gouvernement

et la commission, tout en reconnaissant la convenance et la nécessité de favoriser l'agriculture, n'avaient cependant pas Voulu l'affranchir entièrement de la règle générale; mais ils proposaient une combinaison qui avait pour effet de dispenser les véhicules agricoles des conditions relatives à la largeur des bandes et au diamètre des roues, quand le chargement n'excédait pas un poids déterminé; et, d'autre part, de les exempter de la formalité du pesage, quand ils remplissaient les conditions déterminées relativement à la largeur des bandes, au diamètre des roues et au nombre des chevaux attelés.

M. Darblay proposa à cet article un amendement qui avait pour but d'affranchir absolument les véhicules agricoles de toutes conditions. Cet amendement, combattu par le gouvernement et par M. Ducos, organe de la commission, fut adopté par la Chambre. C'était là la première modification importante faite au projet.

Un des derniers articles fut l'occasion d'un débat assez important, car il touchait à la division des pouvoirs et au fondement de nos institutions. Il s'agissait de savoir si les contraventions et les délits commis en matière de roulage continueraient à être jugés, comme jusqu'alors, par la juridiction administrative, ou s'ils seraient jugés par les tribunaux ordinaires : en d'autres termes, s'ils seraient portés devant les conseils de préfecture ou devant les tribunaux de police correctionnelle. Le gouvernement et la commission voulaient maintenir et consacrer la juridiction administrative.

MM. de la Farelle et Fouteste proposaient de la remplacer par la juridiction du droit commun.

M. Just de Chasseloup-Laubat traita la question de principe avec toute l'étendue et toute la force que peuvent donner l'expérience et l'étude approfondie de la matière.

Y avait-il de bonnes raisons pour changer ce qui existe depuis quarante ans, et pour introduire dans notre droit

« PreviousContinue »