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tion était tracée à l'avance par les règlements sur la matière. Le décret impérial du 18 août 1810 interdit formellement la vente et le débit de tous les remèdes secrets, c'est-à-dire de tous les médicaments qui ne sont pas composés conformémentau Codex ou formulaire officiel, ou suivant les prescriptions doctorales rédigées pour les cas particuliers. D'où il suivait, continuait M. Barthe, que l'administration trouvait à la fois dans ce décret de 1810, et la définition des remèdes secrets, et la règle qui doit leur être appliquée. D'où il suivait encore que si l'administration se croyait forcée de délivrer des brevets à tous les charlatans qui en demandent, c'était par un scrupule mal entendu que les auteurs de l'amendement avaient bien fait de condamner.

La Chambre consultée rejeta le premier paragraphe et adopta le second, relatif aux préparations pharmaceutiques.

Une nouvelle scission se manifesta encore (2 mars) entre le gouvernement et la commission. Celle-ci proposait, de la part du gouvernement, un examen préalable, tandis que MM. les ministres du commerce, des travaux publics et de la justice repoussaient cet examen comme mesure préventive et illégale. En sorte que, comme le faisait remarquer M. Barthe, les rôles étaient renversés dans cette discussion la commission y combattait pour les droits du pouvoir et les garanties de la société, tandis que le gouvernement repoussait cette extension de pouvoir qu'on prétendait lui accorder.

L'examen préalable était parfaitement inutile, selon M. Cunin-Gridaine. S'il y avait déclaration mensongère ou danger pour l'ordre et la sûreté publique, si la religion du ministre était surprise, à cause du faux titre à l'aide duquel on aurait obtenu le brevet, d'après l'article 31 du projet, l'inventeur serait frappé d'interdiction et serait poursuivi par le ministère public.

M. le comte d'Argout voyait, dans l'examen préalable, une juridiction préventive monstrueusement accouplée à

une juridiction répressive. M. Teste allait plus loin et voyait là, non pas un cumul, mais une véritable opposition entre le pouvoir administratif et le pouvoir judiciaire.

M. Gautier, membre de la commission, admettait que, dans le cas où l'on considérerait l'invention comme une propriété, l'examen préalable deviendrait impossible. Mais, au point de vue de l'orateur et de la commission, l'invention, qui n'est qu'une idée, n'est la propriété de personne. L'inventeur ne la possède que tant qu'il la conserve en lui-même. Mais qu'il parle, et son idée tombe dans le domaine public. S'il veut l'exploiter seul, s'il veut un droit privatif, il sort du droit commun.

L'article du projet amendé par la commission fut successivement adopté dans toutes ses parties au vote par mains levées; puis, sur la demande de M. Charles Dupin, soumis dans son ensemble au scrutin secret, il fut rejeté à une majorité de 5 votes (60 boules noires contre 55 boules blanches.).

Après ce vote, la Chambre passa à la discussion de l'article qui consacre un délai de faveur de deux ans, pendant lequel le breveté seul ou les ayants droit pourront obtenir un brevet de perfectionnement. Ce système emprunté à la législation autrichienne semblait heureusement conçu pour donner à l'esprit d'invention la liberté et les garanties qui lui manquaient dans la loi de 1791.

Cette disposition cependant soulevait quelques scrupules dans l'esprit de l'honorable M. Gay-Lussac. Au reste, selon l'orateur, l'épreuve de la législation toute entière était faite depuis cinquante deux ans, et elle n'avait présenté aucun inconvénient dans la pratique.

L'article fut adopté par la Chambre (31 mars). Un résultat de cette disposition nouvelle était la position fàcheuse faite aux inventeurs qui, sous l'empire de la législation jusqu'alors en vigueur, n'auraient pris qu'un brevet à court délai, c'est-à-dire de 5 ans, pour ne pas payer une taxe dis

proportionnée avec les résultats encore incertains de leur invention. La loi de 1791 offrait une ressource pour ce cas, en autorisant la prorogation du brevet ; mais, aux termes de la loi nouvelle, les brevets ne pourraient plus être prorogés. Ainsi, les brevetés actuels à court délai se trouveraient frustrés en même temps, et de la prorogation autrefois possible, et de l'avantage du brevet provisoire accordé par la loi nouvelle : la commission proposait un moyen d'éviter cette injustice : c'était de réserver au gouvernement, pendant six mois encore après la prorogation de la nouvelle Joi, la faculté que lui donne la législation actuelle de proroger, dans des circonstances graves, jusqu'au maximum de quinze années, les brevets pris pour cinq ou dix ans.

M. le ministre du commerce combattit cette proposition. Il y avait là, selon M. Cunin-Gridaine, comme une prime d'encouragement accordée aux solliciteurs de brevets de prorogation.

M. le marquis de Barthélemy, rapporteur, pensait que rejeter la proposition de la commission, ce serait donner une sorte d'effet rétroactif à la loi.

M. Villemain combattit l'amendement, par la raison que la loi en discussion créait un mode et des formes toutes nouvelles, et que rien ne pouvait être laissé à l'arbitraire.

Le scrutin secret sur l'ensemble de la loi donna pour résultat, sur 109 votans, majorité absolue 55, 95 boules blanches contre 14 boules noires. La loi était adoptée (31 mars).

Augmentation du personnel de la Cour royale de Paris. On se rappelle que, dans la dernière session, un projet de loi relatif au personnel de la Cour royale de Paris, avait été soumis aux deux Chambres. (Voy. l'Annuaire de 1842). En 1821 et 1825, par suite de l'accroissement des affaires, le personnel de la Cour royale avait été augmenté de douze conseillers auditeurs; en 1830, la place de conseillers auditeurs avait été supprimée; six extinctions avaient eu lieu depuis, et la Cour qui, en 1820, avait jugé 2,000 affaires de

plus qu'en 1821, pouvait craindre de se voir réduite, par suite d'autres extinctions, à un personnel bien moins considérable. En conséquence, le garde des sceaux proposait de porter à 60 le nombre de conseillers, actuellement de 54, et de ne pourvoir aux places nouvelles qu'au fur et à mesure des vacances qui surviendraient parmi les six conseillers auditeurs. En outre, pour donner une organisation définitive au parquet de Paris, le garde des sceaux proposait de créer une nouvelle place d'avocat-général, et de réduire de onze à dix le nombre de substituts du procureur-général. Ainsi, le véritable but de la loi nouvelle, ce n'était pas d'augmenter le nombre des magistrats attachés à la Cour royale de Paris, comme semblait l'indiquer le titre de la loi : c'était seulement de prévenir la réduction qui, par la force des choses, était sur le point de s'opérer dans ce corps ; c'était de le maintenir et de le fixer tel qu'il existe aujourd'hui. Du rapport très-remarquable de M. de Peyramont il résultait que, depuis vingt ans, le chiffre total des affaires portées devant la Cour royale de Paris a toujours été croissant, et que, pendant la même période, le nombre des magistrats composant la Cour, y compris les conseillers auditeurs, a toujours été supérieur à soixante, c'est-à-dire qu'il a toujours excédé le chiffre auquel il se trouverait réduit par l'extinction des six derniers titres de conseillers auditeurs. Il était donc raisonnable de ne pas diminuer le personnel de la Cour royale et de le maintenir tel qu'il existe, au moment même où l'on pourrait douter s'il n'était pas nécessaire de l'augmenter, pour le mettre en rapport avec l'accroissement des affaires.

Quant à la création d'un cinquième avocat-général, cette disposition était conçue dans le but d'assurer la bonne direction du service. D'après les lois organiques de l'ordre judiciaire, il doit y avoir, dans chaque Cour royale, autant d'avocats-généraux que de chambres civiles, et de plus, un avocat-général pour la chambre chargée de juger les appels

de police correctionnelle. Cette organisation, qui ne laisse rien à désirer pour les autres Cours, était devenue insuffisante à Paris. Les nécessités d'un service exceptionnel et permanent avaient forcé le procureur-général d'attacher un des avocats-généraux à la cour d'assises. Il en était résulté que, faute d'un avocat-général, le service de la Chambre des appels de police correctionnelle avait été confié à un simple substitut. La loi nouvelle avait pour but de pourvoir à cette lacune et de rentrer dans le vœu de la loi organique.

La discussion s'ouvrit, le 3 avril, à la Chambre des deputés.

M. Corne combattit le projet, comme renfermant deux choses très-mauvaises de leur nature, une aggravation des charges publiques et la création de places nouvelles. Quel moment choisissait-on pour une pareille mesure? Celui où la fureur des places était portée au plus haut degré, celui où notre situation financière nous interdisait toute augmenta. tion nouvelle de dépenses.

M. Dugabé pensait que si l'on augmentait le personnel de la Cour royale de Paris, il faudrait augmenter aussi celui des autres Cours royales, notamment de celle de Montpellier, où le nombre des magistrats est d'une insuffisance incontestable.

M. Odilon-Barrot contestait au projet de loi le caractère de nécessité actuelle et absolue, qui seul pourrait déterminer la Chambre à le voter.

Il y avait bien là aussi un principe d'équité que l'honorable orateur était loin de méconnaître. Des conseillers-auditeurs avaient été attachés aux différentes Cours royales de France; ils l'étaient à titre d'épreuve; ils devaient faire en quelque sorte, auprès de ces cours, leur éducation judiciaire. Or, il était arrivé que le principe de l'inamovibilité les avait saisis dans cette situation. Leur droit incontestable les appelait de préférence aux places vacantes.

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