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industries qui en relèvent. Des récompenses en primes, en bestiaux, en instruments, en livres seront décernées chaque année aux cultivateurs les plus habiles et les plus honnêtes, y compris les simples garçons de ferme. Un journal hebdomadaire, fondé ad hoc, servira de lien de communication permanente entre tous les membres de l'association. Toutes les dépenses seront couvertes par des souscriptions volontaires (24 fr. par an et un droit d'inscription de 6 fr. une fois payé). Le premier souscripteur est le roi, puis viennent les membres de la famille royale, des évêques, des ecclésiastiques de tout rang, des ministres, etc.

Il y a là une idée féconde. Peut-être cette institution contient-elle le germe d'une association agricole et industrielle où les divers peuples de l'Italie, sans rien changer aux délimitations territoriales que les traités ont consacrées, trouveront le moyen de resserrer les liens qui les unissent.

ÉTATS ROMAINS.

Trois causes principales de désordre agitent incessamment les légations: la misère, dont les progrès constants augmentent chaque jour le nombre des bandits; les doctrines subversives du communisme et les espérances folles du parti de la jeune Italie; enfin, et il faut le dire, les abus nombreux d'une administration qui n'est plus en rapport avec les idées et les besoins de l'époque. De tout cela est sortie encore, cette année, une de ces luttes inutiles et sanglantes qui entravent l'action du pouvoir sans faire faire un seul pas aux idées pratiques et sans avancer l'heure de la réforme.

Une conspiration qui avait des ramifications dans toute l'Italie centrale, dans l'Italie inférieure et sur les frontières de la Suisse, éclata au commencement du mois d'août dans la légation de Bologne. Des proclamations emphatiques ap

pelèrent le peuple italien à prendre les armes au nom des principes les plus exaltés du carlonarisme et du communisme.

On fit courir le bruit que les Français débarquaient à Ancône, et quelques malheureux jeunes gens, entretenus dans de dangereuses illusions par leur rapports avec les réfugiés politiques de Naples et de Paris, tentèrent, à la tête de quelques centaines de bandits et de contrebandiers, un mouvement bientôt réprimé par les carabiniers pontificaux et les troupes suisses. Après avoir échoué à Bologne, qu'ils avaient essayé de surprendre, les révoltés se dirigèrent sur Imola. Repoussés encore ils se dispersèrent dans les montagnes, où ils furent traqués par les volontaires.

Il est impossible de donner sur ces faits des détails certains. La presse italienne, en pareil cas, garde toujours le silence, et il n'est possible d'entrevoir la vérité qu'à travers les exagérations et les contradictions des feuilles allemandes et, entre autres, de la Gazette d'Augsbourg. Quoi qu'il en soit, les troupes de la Romagne durent être renforcées, ainsi que les garnisons autrichiennes de Rovigo, de Ferrare et de Vérone.

Le 25 août, le cardinal légat de la province de Bologne publia la proclamation suivante, de laquelle il résulte que, dans les divers combats livrés entre les séditieux et les troupes pontificales, il y avait eu un certain nombre de prisonniers, de morts et de blessés.

« Pendant que cette province ainsi que les autres légations limitrophes jouissaient du bien inestimable de la tranquillité publique, et bien que cette ville populeuse et éclairée ait toujours montré qu'elle appréciait ce bien en repoussant toute idée de désordre, quelques ́scélérats conçurent le perfide dessein d'exciter parmi nous des bouleversements (sconviogimenti), séduisant par de l'or et de folles promesses de rapine une poignée d'individus de la classe du peuple.

» Cette trame inique étant parvenue à la connaissance du gouvernement, l'arrestation des auteurs du complot fut immédiatement ordonnée : quelques Ann. hist. pour 1843. 23

uns sont tombés au pouvoir de la justice; d'autres sont contumaces ou se sont éloignés, et un petit nombre, enfin, s'est livré au parți désespéré de réunir une bande de gens égarės (traviati) et de se mettre à leur tête, infestant la partie montagneuse de la province.

» Le gouvernement, qui veille toujours pour garantir la tranquillité publique et les propriétés, se mit en état de comprimer toute tentative et envoya des forces pour détruire ceux qui s'étaient réunis dans la campagne, Ils ont, en effet, été chassés des lieux où ils s'étaient refugiés et où ils ont commis de sanglants et horribles délits. Poursuivis sans relâche sur les plus hautes montagnes, quelques individus ont été faits prisonniers, d'autres blessés et quelques uns tués; le reste s'est jeté sur le territoire toscan, où ils sont en partie tombés au pouvoir des forces du Grand-Duc.

› Bolonais, vous êtes témoins de ce que nous venons d'exposer. Vous êtes témoins du bon ordre parfaitement conservé dans l'intérieur de cette ville et dans les autres parties de cette province. Nous nous réjouissons de voir votre bon esprit en cette occasion, et votre indignation contre l'abominable projet d'une minorité tendant à troubler l'ordre et la paix du pays, et à ravager la propriété des citoyens paisibles. Nous sommes heureux que vous ayez été préservés de ces désordres, et nous avons maintenant la confiance que vous n'aurez plus rien à craindre.

» Reposez-vous sur la vigilance du gouvernement et sur la force militaire qui a lulté d'ardeur pour vous délivrer de gens si pernicieux et si malfaisants. En même temps que nous prendrons en considération les victimes d'une simple séduction momentanée, nous abandonnerons à toute la rigueur de la justice les coupables de si graves délits.

» A cet effet, et d'après les instructions reçues du gouvernement supérieur, nous avons nommé et nommons une commission militaire chargée de juger les coupables sommairement et sans appel.

» Cette commission se composera des personnes ci-après nommées :

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» Le chevalier commandeur lieutenant-colonel Freddi, commandant les carabiniers des quatre légations, président.

Le chevalier lieutenant-colonel Allegrini, commandant les dragons pontificaux.

• Le chevalier capitaine Sampierri, commandant la compagnie des carabiniers de Bologne.

» Le chevalier capitaine Reswincki, commandant la compagnie des dragons.

» Le chevalier capitaine de la ligne, Martinelli, commandant le fort Urbain.

D

Bologne, 26 août 1843.

Le cardinal SPINOLA.

» Le secrétaire général CAMERRINI,

Le bruit s'était répandu qu'un mouvement insurrectionnel devait éclater en même temps à Rome et à Naples; mais il n'en fut rien, et les déploiements de forces faits de toutes parts, l'activité de la police, les arrestations exécutées parmi les complices présumés du mouvement furent les seuls indices de l'état des esprits.

Un conseil de guerre fut établi en même temps, sous la présidence du lieutenant-colonel Freddi, pour juger les coupables sommairement et sans appel. Parmi les chefs principaux de l'insurrection on citait un jeuné comte de Zambecirái, un certain Lambertini de Bologne, l'ancíen gendarme Roni et les frères Muratori, dont l'un, ayant le titre de docteur, était déjà, en 1831, impliqué dans un complot.

En dehors de ces dangers intérieurs, le gouvernement pontifical avait encore à poursuivre les négociations entamées avec le cabinet russé au sujet de la situation de f'église catholique en Pologne. Un nouveau fait avait encore aggravé cette situation: Ie transport à Saint-Pétersbourg de l'Académie catholique dé Wilna pouvait être considéré comme un nouveau coup porté à l'indépendance du clergé catholique en Pologne. Selon le gouvernement russe, il n'y avait là qu'une mesure administrative: c'était encore là un de ces efforts que fait à toute heure la diplomatie russe pour justifier, au moins en apparence, sa conduite au yeux du Saint-Siège. On alléguait également l'existence en Pologne de menées jésuitiques de nature à compromettre la sûreté intérieure de l'État.

Le Saint-Père n'en ressentit pas moins profondément cette nouvelle atteinte portée aux droits de l'Église catholiqué ét n'en persistait pas avec moins d'énergie à réclamer lá destitution de plusieurs évêques, la restitution des biens enlevés au clergé et des églises concédées aux grecs schismatiques, enfin, l'admission d'un nonce à Saint-Pétersbourg, avec liberté de correspondance.

A la fin de l'année, les négociations n'avaient abouti encore à aucun résultat.

Il réste à constater quelques faits d'administration intérieure. Ainsi, le droit d'asile attaché aux Églises et aux couvents, qui assurait souvent une impunité complète aux plus grands malfaiteurs, fut considérablement restreint (mars) par une ordonnanance législative portant que, dorénavant, la juridiction séculière pourra faire arrêter, en quelque lieu qu'ils se trouvent, sans acception de ceux appelés saints, tous les individus qui se seraient rendus coupables des crimes suivants: 1o destruction de reliques et d'images de saints; 2° insultes par paroles ou par voies de fait contre un ecclésiastique revêtu de son costume ; 3° lèsemajesté; 4° assassinats; vols commis sur les grandes routes, soit isolément, soit en complicité; 6° faux monnayage.

On regrette d'avoir à rapporter l'édit suivant concernant les israélites, et dont les dispositions plus que rigoureuses forment un étrange contraste avec les principes de tolérance presque universellement adoptés aujourd'hui. Voici les principales dispositions de ce curieux document:

Tous les Israélites résidant dans Ancône et Sinigaglia ne pourront plus recevoir des nourrices chrétiennes, ni recevoir à leur service des chrétiens, sous peine d'être punis conformément aux décrets pontificaux. Tous les Israélites devront vendre, dans un délai de trois mois, leurs biens, meubles et immeubles, sinon, ils seront vendus à l'encan. Aucun Israélite ne pourra résider dans une ville sans l'autorisation du gouvernement; en cas de contravention, ils seront renvoyés dans leurs ghettos respectifs. Aucun Israélite ne pourra coucher hors du ghetto; aucun israélite ne pourra entretenir des relations amicales avec des chrétiens. Les Israélites ne pourront faire le commerce d'ornements sacrés, ni de livres d'aucune espèce, sous peine de cent écus d'amende et de sept années d'emprisonnement. Les Israélites, en enterrant leurs morts, ne devront faire aucune cérémonie; ils ne pourront se servir de flambeaux, sous peine de confiscation. Ceux qui violeraient les édits ci-dessus encourront les peines de la Sainte-Inquisition. La présente mesure sera communiquée au ghetto, pour être publiée dans la synagogue. » Chancellerie de la Sainte-Inquisition,

24 juin 1843.

RAVICENZO SALMA,
» Inquisiteur-général. »

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