Page images
PDF
EPUB

tablir une liberté de la presse, modérée, et la suppression de la censure.

A Stettin, la diète eut à s'occuper, dans ses séances des 19, 20 et 31 mars, d'une série de pétitions d'un intérêt général; ses résolutions ne s'accordèrent pas avec celles prises par les autres diètes provinciales. Il s'agissait d'abord d'une pétition au roi, pour le prier d'ordonner une interprétation libérale de l'instruction de la censure du 31 janvier de cette année; elle fut rejetée à l'unanimité, parce qu'il n'existait pas encore de motifs pour faire une pareille demande. Une réclamation du rédacteur du bulletin de la bourse, au sujet des entraves que la censure apportait à sa publication, et sa demande de l'intervention d'une loi de la presse donnant plus de garanties, n'eurent pas plus de succès. Une pétition du gérant de la Gazette du Rhin, pour l'intervention de la diète, relativement au rappel des mesures adoptées contre ce journal, fut écartée. Deux propositions concernant la publicité des séances des conseillers municipaux furent repoussées à une forte majorité. Une proposition relative à la publicité des délibérations de la diète fut rejetée à l'unanimité. Une pétition relative à l'extension de la représentation de la fortune mobilière de la diète fut également re poussée.

Mais si, en Pomeranie, les propositions libérales n'étaient appuyées que par les membres de la bourgeoisie, il n'en était pas de même dans les autres États. Celui de Posen fit, par exemple, diverses propositions sur la question constitutionnelle. L'assemblée des États y vota une adresse au Roi, par laquelle elle protestait contre la situation qui a été faite au grand-duché comme membre intégrant de la monarchie Prussienne. La réponse da Roi qualifia le vœu des États d'attentatoire à l'unité et à l'intégrité du royaume. Le Roi terminait son rescrit en exprimant l'espoir que ses fidèles États s'éleveraient désormais à une meilleure appréciation des choses.

Au reste, c'est toujours dans les provinces rhénanes qu'il faut chercher le foyer des idées nouvelles. C'est là que sont restés des germes vivaces de liberté, semés par la conquête et par l'organisation françaises. Ces institutions apportées par la France, les populations rhénanes les ont adoptées comme un bienfait et les conservent aujourd'hui comme un privilége. Elles eurent à les défendre, cette année. Les États repoussèrent à l'unanimité un projet tendant à changer les lois criminelles qui ne sont autre chose que les codes français. Le bon sens allemand applaudit à cette résolution toute nationale (22 juin).

La publicité des débats, la liberté de la presse, l'extension et la sincérité de la représentation nationale, tels sont les vœux partout exprimés dans les provinces rhénanes. Ainsi, dans la séance de la diète provinciale de Dusseldorf (20 mai), un député donna lecture de la proposition suivante :

Présenter à S. M. le Roi une pétition pour le prier de vouloir bien développer les institutions d'Etat, en ce sens que les commissions qui devront être convoquées tous les ans ou à certaines époques fixées auront le droit :

1° De délibérer sur toutes les matières législatives ayant pour objet les droits relatifs et absolus des citoyens et le règlement des impôts; 2° de faire des pétitions; de fixer le réglement concernant les travaux législatifs.

On put même voir se reproduire ici un vou dont la satisfaction n'a pas encore été accordée à la France. Ainsi, à Dusseldorf, (2 juin), il fut donné lecture d'une proposition ayant pour objet de faire admettre les capacités parmi les éligibles.

La diète avait prié le Roi de vouloir bien lui accorder un sténographe, et de lui permettre de censurer elle-même le compte-rendu de ses séances. Le Roi répondit dans les termes les plus formels à ces deux demandes. S. M. déclara, en effet, que les comptes-rendus des séances ne seraient point soumis à la censure.

A Berlin même (4 février) fut agitée la question de la publicité des débats : la publicité absolue ne fut rejetée qu'à la majorité de 58 membres contre 45, dans l'assemblée des délégués de la ville.

Enfin, arrive en dernier lieu une pièce qui mérite au plus haut degré de fixer l'attention: c'est une pétition qui fut adressée (27 mars) par un grand nombre des habitants de Koenigsberg à leurs États, pour les prier de demander au Roi une extension de l'institution des États. Cette pétition, dont les considérants sont vraiment graves et le langage élevé, était ainsi conçue :

• Dans le recès de la diète du 3 septembre 1840, S. M. le roi a promis à son peuple fidèle un développement de la constitution des États. C'est le devoir des États de seconder le roi dans cette noble entreprise. C'est le devoir des citoyens d'appuyer les États en exprimant librement leurs vœux. Les soussignés signaleront les vices suivants de la Constitution :

» 1o La propriété foncière, et notamment la propriété ¿qnestre jouit d'une représentation plus étendue que la propriété des bourgeois et des paysans. La publicité manque aux délibérations des États. L'unité des provinces prussiennes et l'intérêt général ne sont pas représentės. Par la loi du 22 mai 1815, S M. Guillaume III a promis au peuple prussien des ÉtatsGénéraux, institution qui n'est nullement remplacée par les commissions, qui n'ont ni le droit de pétition, ni le droit de contrôle sur les dépenses de l'État. Les soussignés désirent qu'une diète générale soit convoquée pour solliciter du roi les réformes nécessaires, et surtout l'exécution de la loi du 22 mai 1815.

⚫ 2o La réforme de l'instruction judiciaire est un besoin. Le ministre de la justice et les jurisconsultes les plus distingués, ainsi que les représentants de presque tous les peuples de l'Allemagne désirent le rétablissement de l'ancienne Constitution judiciaire, basée sur la publicité et les débats oraux. Il dépendra de la résolution des États, dans leur session actuelle, que ce palladium de la liberté civile, dont jouissent déjà nos concitoyens du Rhin, soit accordé aux autres provinces prussiennes, et ultérieurement à toute la patrie allemande. Dans cette conviction, nous demandons qu'une diète générale soit convoquée, pour déposer au pied du trône notre prière respectueuse, à l'effet d'obtenir l'introduction de la procédure publique dans les tribunaux. Les pétitionnaires se plaignent ensuite de l'état fâcheux de la presse, qui n'a point de garanties; elle dépend entièrement de l'arbitraire administratif. La censure étouffe toute liberté.

[ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

» Notre peuple, qui est dévoué a son roi et qui ne le cède à aucune autre nation sous le rapport de la modération et de la prudence, ne peut rester le seul dans l'Europe civilisée, qui n'ait le droit d'exprimer sa pensée que sous le bon plaisir d'un censeur. Nous prions les États de vouloir bien soumettre au Roi notre desir d'obtenir une liberté de la presse, réglée par les lois et dégagée de toute censure ou autre mesure préventive. »

L'exagération, l'importance même de ces tendances appelait la réaction. Aussi le gouvernement eut-il à s'occuper de la censure. Défense fut faite de reproduire les séances des diètes provinciales autrement que d'après le texte littéral de la Gazette de Prusse, et sans faire mention des opinions individuelles. Un ordre de cabinet concernant la censure des journaux et brochures parut le 4 février et fut bientôt suivi d'une instruction adressée aux censeurs sur la manière dont ils devaient exercer à l'avenir leurs fonctions (Voy., aux documents historiques, le texte de ces deux pièces officielles).

Il faut dire qu'aucune expression, dans ces deux arrêtés, ni dans une autre ordonnance publiée au Bulletin de Lois, en date du 9 juillet, ne manifestait la moindre colère contre les développements de la publicité. On ne pouvait y voir que la bienveillante et sage sévérité d'un Roi ami de l'ordre et ennemi de la licence. (1)

Un nouveau tribunal d'appel de censure établi par le gou

(1) A l'occasion des discussions sur la liberté de la presse, qui ont lieu maintenant en Allemagne, on ne lira pas sans intérêt la lettre suivante adressée par le comte de Podewilf, secrétaire intime de Frédéric II, au directeur de la police de Berlin. On y verra comment le grand roi entendait la liberté de la presse périodique:

Monsieur,

S. M. le roi m'a très-gracieusement ordonné de vous faire savoir qu'on doit laisser aux journalistes de cette ville de Berlin la liberté illimitée d'écrire tout ce qu'ils voudront de ce qui se passe ici, sans avoir besoin de se soumettre à la censure, parce que, comme S. M. l'a dit en propres termes, cela l'amuse, mais pourvu que les journalistes le fassent de manière à ce que les ministres étrangers ne puissent pas se plaindre, dans le cas où ils trouveraient dans les journaux de cette ville quelque chose qui leur dép lût. Les gazettes, afin de pouvoir se rendre interessantes, ne doivent pas être gênées. Ceci doit s'entendre surtout pour les articles sur Berlin, et, quant aux au tres puissances, cum grano salis, et avec grande circonspection. »

Ann. hist. pour 1843.

18

vernement commença ses fonctions en donnant raison à l'écrivain censuré contre les censeurs. Il s'agissait de la biographie d'un assassin de l'empereur Napoléon et, parmi les phrases supprimées que rétablit le tribunal d'appel, on en remarquait une qui renfermait en substance cette pensée: qu'il est permis de tuer un oppresseur.

Dans la sphère du conseil d'État, les travaux législatifs de l'année sont :

1° Une loi sur le divorce. L'ouverture de la discussion sur ce projet eut lieu le 22 janvier.

Le ministre de la justice, M. Savigny, s'attacha à en justifier les dispositions principales. Ce projet rencontra de vives et nombreuses oppositions. M. Grolman, premier président de la Cour royale, et M. Sethe, premier président de la Cour de cassation et d'appel près la province rhénane, le combattirent, ainsi que son altesse royale, le prince Albert de Prusse, lui-même. Bientôt le projet primitif disparut sous les nombreuses modifications qui y furent apportées.

2o Un nouveau code pénal. A la fin de janvier, le conseil d'État termina l'examen d'un projet de nouveau code pénal général pour tout le royaume. Ce projet avait été rédigé par la commission royale chargée, depuis 1825, de la révision de toute la législation prussienne. Parmi les mod ifications apportées aux lois pénales actuellement en vigueur, on remarque l'abolissement de la peine du fouet, de la flétrissure et de toute espèce de mutilation; la suppression de tous les accessoires destinés à aggraver la peine de mort, excepté à l'égard des parricides et des régicides; la substitution de la hache au glaive et à la guillotine.

3o Une loi qui détermine les cas qui entraîneront la perte de la noblesse, par exemple, la faillite ou la déconfiture financière et une participation quelconque, soit comme acteur, soit comme témoin, à un duel.

A propos de ce dernier objet, des règlements nouveaux furent établis concernant le duel entre militaires, et des

1

« PreviousContinue »