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M. le ministre de l'intérieur, après avoir soutenu le projet du gouvernement par des raisons déjà connues de la Chambre, combattit l'amendement, par la raison qu'il serait également funeste aux deux industries, le sucre colonial rencontrant dans le sucre indigène une concurrence fâcheuse, et le sucre indigène lui-même ne supportant qu'avec peine la dure condition qui lui serait faite. On serait forcé d'en venir à l'élévation de la surtaxe, et avec cette élévation disparaîtrait la seule limite qui puisse arrêter la hausse du prix.

M. Dumon (l'un des auteurs de l'amendement) regardait la suppression non-seulement comme injuste, mais même comme n'atteignant pas son but, puisqu'à la guerre du sucre indigène et du sucre colonial succéderait celle du sucre colonial et du sucre étranger.

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L'amendement devait-il maintenir dans sa situation présente le sucre indigène? Non. M. Dumon ne le pensait pas. Il entraînerait certainement la destruction d'un certain nombre de fabriques, la suppression d'un certain nombre d'usines; mais cela était une suite nécessaire des choses. Beaucoup de fabricants ne pouvaient même supporter le statu quo s'ils ont attendu, c'est en vue de l'indemnité. Ce n'est pas l'amendement, c'est la force des choses qui détruira certaines sucreries indigènes. Les fabriques qui pouvaient résister résisteront.

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Après une réponse de M. Gauthier de Rumilly, rapporteur, qui déclara qu'à ses yeux l'amendement de la minorité de la commission était une suppression sans indemnité, la majorité de la commission, par l'organe de son rapporteur, déclara qu'elle renonçait à l'art. 4 du projet présenté par elle, article ainsi conçu :

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<< La décroissement de la production donnera lieu à une réduction correspondante dans le droit de 5 francs pour 5 millions de kilogrammes, jusqu'au minimum de 30 fr. >>

Après cet incident, l'article proposé par MM. Passy,

Muret de Bort et Dumon fut soumis au vote de la Chambre; cet article était ainsi conçu :

<< Le droit de fabrication sur le sucre indigène, établi par la loi du 18 juillet 1837, sera porté progressivement au même taux que le droit payé à l'importation des sucres des colonies d'Amérique.

» A cet effet, à partir du 1er août prochain, ce droit sera augmenté, pendant cinq années successives, de 5 fr. par an sur le sucre indigène, au premier type et de nuances inférieures. >>

Cet article était destiné à remplacer les six premiers articles du projet du gouvernement, et les art. 1, 2, 3 et 4 du projet proposé par la commission. Le premier paragraphe de l'amendement fut adopté; c'était le maintien de la production indigène. Le second paragraphe en réglait les conditions d'existence.

M. Beaumont (de la Somme) fit accepter par la Chambre un amendement qui reculait au 1er août 1844 le point de départ pour l'aggravation de la taxe.

Par l'adoption de l'article, tout le projet du gouvernement avait été implicitement rejeté. Il n'en était pas de même du projet de la commission. L'art. 5 et les dispositions relatives à la glucose subsistaient. Dans la séance du 19,la commission déclara s'être entendue avec le ministre des finances, pour réduire de trois à deux les types déterminés pour la classification des sucres indigènes : ces catégories étaient rendues communes aux sucres coloniaux, et la prohibition de l'importation pour les sucres raffinés demeurait maintenue.

M. Jollivet n'en soutint pas moins un amendement qui avait pour objet de réduire à un seul type tous les sucres des colonies françaises; mais M. le ministre des finances ayant prouvé que cette proposition était encore moins favorable aux colonies, l'amendement ne fut pas appuyé.

Les articles subsistant de la commission et le nouveau droit à établir sur la glucose (espèce de sirop concret, tiré

de la fécule de pomme de terre) furent adoptés sans opposition sérieuse. L'ensemble du projet fut ensuite mis au scrutin secret et adopté par 286 boules blanches contre 97 noires (nombre des votants, 383, majorité absolue, 192).

A la Chambre des pairs, M. Rossi, rapporteur, annonça (20 juin) que la commission s'était ralliée au système de l'égalité des droits à établir par progression en quatre années. L'honorable pair concluait, en conséquence, à l'adoption pure et simple.

Dans la discussion générale commencée le 26 juin, M. d'Audiffret et M. Gautier (de la Gironde), peu rassurés sur la situation créée par le système de la commission, proposaient un ajournement, comme moyen d'en appeler de la décision de la Chambre des députés. M. le baron Thénard s'opposait à cette demi-mesure, et considérait la loi nouvelle comme la meilleure qu'on pût faire dans les circonstances présentes. M. le baron Charles Dupin acceptait la loi, plutôt par résignation que par sympathie.

M. d'Harcourt, partisan du système d'égalité, y trouvait cet avantage qu'il ne tue pas le sucre indigène du premier coup.

Quant à M. Mathieu de la Redorte, il était partisan du système d'interdiction avec indemnité.

Après un résumé de la discussion par M. Rossi, rapporteur, le scrutin sur l'ensemble donna, sur 124 votants, 79 boules blanches contre 45 boules noires. La loi fut adoptée.

Chemin de fer de la Teste. On se rappelle que l'année dernière un projet de loi avait été présenté à la Chambre des députés, pour le soulagement par un prêt de la compagnie du chemin de fer de la Teste à Bordeaux. Ce projet avait été rejeté, ainsi que plusieurs autres qui excitaient peu de sympathies, et qui devaient engager l'État pour une somme assez considérable. Le projet reparaissait cette année, et il s'agissait d'un prêt de 2 millions à faire à la compagnie. Un intérêt de 3 pour 100 serait payé à l'État, après que les actionnaires au

raient reçu un dividende de 4. Un amortissement de 1 pour 100 serait prélevé au profit de l'État avant tout dividende.

Les motifs allégués en faveur du projet étaient ceux-ci : la ligne en question était importante, puisqu'elle avait porté, en 1841, 86,000 personnes et 16,000 tonnes de marchandises; elle avait donné une grande valeur à de vastes propriétés domaniales qui n'en avaient aucune, et notamment aux magnifiques forêts du littoral. Excellent instrument pour le défrichement des Landes, elle créait une richesse publique et privée, dont il était permis de lui tenir compte. Elle fournissait un écoulement aux produits de la pêche à laquelle se livrent les marins du bassin d'Arcachon, et par là contribuait à l'éducation de nos matelots. Elle était appelée enfin à rendre un service signalé au commerce international; car maintenant, avec un bateau à vapeur partant de la Teste, on pouvait, moyennant le chemin de fer, aller de Bordeaux à Saint-Sébastien et à Bilbao.

Et pourtant les revenus y dépassaient encore très-médiocrement les dépenses. La compagnie était endettée et avait épuisé son crédit. Ce chemin avait été entrepris à une époque d'illusion bien passée, et de toutes les associations autorisées alors, la compagnie de la Teste était à peu près la seule qui n'eût reçu postérieurement aucun subside.

La majorité se prononça, dans la commission, en faveur du projet ; mais, au jour de la discussion (15 mars), de nombreuses oppositions s'élevèrent; MM. Roger (du Loiret), Houzeau-Muiron et Lherbette voyaient là une proposition sans précédent. Jusqu'alors on avait accordé des secours aux compagnie spour achever leurs chemins: ici, on demandait un secours pour un chemin achevé. Il s'agissait de venir en aide à des spéculateurs malheureux, et M. Lherbette ne craignait pas de déclarer que parmi ces spéculateurs se trouvaient des membres de la Chambre. C'etait là un moyen de se ménager des influences politiques et parlementaires.

M. Duchâtel vint repousser ces insinuations et chercha à réduire la discussion à une simple discussion d'affaires, en reproduisant les arguments du rapport.

Après de longs débats, chacun des trois articles du projet fut adopté avec amendement, mais le scrutin sur l'ensemble donna pour résultat 166 boules noires contre 164 blanches. Ainsi, le projet était rejeté à la majorité absolue, c'est à dire à la pluralité de 2 voix.

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Louvre. La Chambre des députés eut aussi à examiner dans ses bureaux une proposition de M. Jaubert, concernant l'achèvement du Louvre. Cette proposition concluait à l'expropriation dans le délai de cinq ans des propriétés particulières comprises dans le plan d'achèvement ultérieur du Louvre. Une somme de treize millions cinq cent mille francs devait être affectée à ces dépenses. Les neuf bureaux refusèrent, à une grande majorité (7 mars), d'autoriser la lecture de cette proposition en séance publique. On reconnut généralement qu'il ne serait ni légal ni convenable de faire intervenir le ministre des travaux publics dans l'administration des domaines de la couronne; toutefois, les bureaux manifestèrent le vœu presque unanime de voir achever le Louvre. Le ministre des travaux publics, tout en déclinant la responsabilité d'une entreprise qui n'était pas dans ses attributions, combattit, non pas l'objet même de la proposition, mais le mode d'exécution et l'opportunité.

Palais-Bourbon.-Un autre projet était relatif à l'acquisition par l'État de la partie du Palais-Bourbon dont M. le duc d'Aumale est resté propriétaire, commelégataire unive rsel du duc de Bourbon. La nécessité de cette acquisition avait été reconnue par la Chambre des députés à plusieurs reprises et sans contestation: elle avait déclaré, dès 1840, qu'il y avait lieu à acquérir la totalité du Palais-Bourbon, sur estimation contradictoire et sauf l'allocation extérieure du crédit nécessaire. D'après l'estimation préalable des experts, la valeur de tout l'immeuble de l'ancien palais avait été portée à 5 millions en

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