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pulaires; on célébra en tout lieu le triomphe de cette cause avec toutes les démonstrations ordinaires de la joie publique ; et les armes de la république, ainsi que les autres emblèmes du républicanisme, furent exposés aux plus indignes outrages et réduits en cendres. Pour entretenir cette ardeur les royalistes firent répandre, dans des écrits distribués à bas prix, les portraits les plus flatteurs du nouveau roi. On le représentait comme un prince naturellement bon et de manières en-gageantes, d'un jugement sain, d'un caractère ferme, et surtout ayant pour le protestantisme l'attachement le plus inaltérable, attachement qui avait résisté à l'épreuve de la tentation, dans les circonstances les plus séduisantes et les plus difficiles. On ne saurait nier qu'il n'y eût quelque vérité dans cette peinture; mais la moitié du tableau était cachée: on aurait dû ajouter qu'il était d'un caractère facile, indolent, livré à la dissipation et aux plaisirs, et toujours prêt à négliger les affaires pour se livrer aux amusemens du bal ou jouir de la compagnie de ses maîtresses. Ses conseillers s'étaient persuadé que les égaremens de sa jeunesse seraient rachetés par les vertus de l'âge mûr. Mais il avait atteint sa trentième année sans être corrigé. Il avait, il est vrai, fait de

fréquentes promesses, s'était plus d'une fois arraché à l'esclavage de ses indignes liaisons, et avait montré dans des occasions importantes une énergie digne du prix brillant auquel il aspirait. Mais ces efforts n'avaient été que passagers; il était bientôt retombé dans ses premières habitudes, et avait recherché les plaisirs avec une nouvelle ardeur.

Cependant à son arrivée Charles ne se laissa point éblouir par la brillante perspective qui s'offrait devant lui. Il n'ignorait pas que son trône ne reposait que sur des fondemens peu sûrs; il voyait les dangers qu'il avait à éviter, les difficultés qu'il avait à vaincre; et il prit une ferme et, à ce qu'il crut, une inviolable résolution de consacrer toute son attention aux affaires du gouvernement, et de ne se laisser entraîner par aucun goût voluptueux à négliger les devoirs attachés à sa haute dignité. Les ministres se félicitèrent du changement qui s'était opéré dans les habitudes de leur souverain. Mais cette contrainte ne tarda point à lui devenir importune: il était tellement obsédé de difficultés par les réclamations continuelles des anciens royalistes et de ses nouveaux adhérens; il se trouvait tellement embarrassé par la multiplicité toujours croissante des affaires soumises à son examen, qu'il se dégagea peu

à

peu de ses entraves, et chercha des délassemens dans la société d'hommes spirituels, dissipés et dissolus. La conséquence en fut que non seulement il négligea ses devoirs, mais qu'il se laissa souvent prévenir contre les avis de son conseil, par les saillies et les sarcasmes de ses compagnons de débauche. (i)

Ce conseil présentait à un oeil observateurunassemblage singulier d'hommes appartenant à des partis différens, et professant des doctrines entièrement opposées. On voyait d'abord les deux princes du sang royal, Jacques et Henri, frères du roi, qui devaient cette distinction à leur naissance, et les quatre conseillers qui avaient possédé la confiance de Charles pendant son exil, Hyde le chancelier, Ormond lord Steward, lord Culpepper, maître des rôles, et le secrétaire Nicholas. Ensuite venaient le lord général, qui par sa conduite récente avait irrévocablement lié son sort aux destinées de la maison de Stuart, Morris, l'ami et le confident du général, et deux ou trois autres dont le principal mérite était la recommandation de Monk, fondée sur les promesses qu'il avait

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(1) Continuation de la vie de Clarendon écrite par luimême, 21, 49, 167; Oxford, 1759. Dans les pages suivantes je renverrai à cet ouvrage, sous le nom seul de Clarendon. Journal de Pepys, 37, 8 vol.

faites pendant la dernière révolution. On persuada à Charles d'adjoindre à ces deux classes tout ce qui restait des conseillers de son père avant la guerre; mesure qui, en introduisant dans le conseil un petit nombre d'hommes restés fidèles à la cause de la royauté, en fit admettre plusieurs qui avaient soutenu la cause du parlement contre celle de la couronne. Il est évident que le roi ne pouvait regarder un conseil ainsi composé qu'avec défiance pour une partie de ses membres, et aversion pour les autres. Un expédient fut ingénieusement imaginé par le chancelier sur son avis le conseil nomma un comité des affaires étrangères, composé de lui-même, d'Ormond, Southamp ton, du lord trésorier, de Monk, Nicholas et Morris. Ces membres s'assemblèrent pour examiner les relations de l'Angleterre avec les cours étrangères de l'Europe; mais ils profitèrent de ces conférences pour discuter et décider, à l'insu de leurs collègues, toutes les questions qui concernaient l'administration intérieure du royaume. A la vérité ces mêmes questions étaient ensuite soumises à l'examen du conseil entier; mais Charles avait déjà adopté l'avis du cabinet secret, et ceux qui étaient d'une opinion contraire se trouvaient ou réduits au silence les par des ministres favoris, argumens

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ou intimidés par la présence et l'autorité du souverain. (1)

Quant aux deux chambres, le roi n'eut qu'à parler, et ses désirs furent accomplis. Comme elles l'avaient rappelé sans lui prescrire de conditions, de même elles parurent vouloir mettre à ses pieds les libertés de la nation. Les « cavaliers » identifiaient leur triomphe avec l'élévation du trône; les presbytériens paraissaient devant le roi comme des pécheurs repentans qui désiraient effacer le souvenir de leurs fautes passées, et le petit nombre de ceux qui étaient sincèrement attachés aux principes républicains crurent prudent de se mêler à la foule pour échapper à l'attention, et de se faire l'écho des opinions de leurs collègues plus courtisans. Heureusement les conseillers du roi n'étaient pas dans la disposition, ou peut-être craignaient de profiter de l'enthousiasme général; et, dans quelques occasions, Charles lui-même daigna donner aux deux chama bres des leçons de prudence et de modération, (2)

Les plus importans de leurs actes peuvent

(1) Clarendon, 2, 27.

1

(2) Clarendon, 8, 9; Burnet, Hist. de son temps, 1, 270; Oxford, 1823.

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