Page images
PDF
EPUB

ecclésiastique. Quant à l'affaire des dix-neuf régicides qui s'étaient rendus volontairement, il fut accordé aux lords qu'on leur ferait le procès pour crime capital; et aux communes, l'on n'exécuterait pas la sentence sans un acte subséquent du parlement, qui serait passé expressément à cette fin.

que

Le plus grand nombre accueillit ce pardon ́ général comme un bienfait dont l'effet devait être d'apaiser les dissensions et de rétablir la tranquillité; mais la plupart des cavaliers le reçurent avec des murmures et des plaintes. Il trompait leurs plus chères espérances; il les laissait victimes de leur fidélité, sans redresser les torts commis envers eux, et sans soulager la pauvreté à laquelle ils avaient été réduits; tandis que souvent leurs voisins, plus heureux, continuaient à vivre dans le luxe et à jouir tranquillement de leurs richesses nouvellement acquises, fruit et récompense de la révolte et de l'injustice. « On peut, s'écriaientils, en toute vérité l'appeler «un acte d'oubli et d'indemnité ; » mais l'oubli est pour la fidélité, et l'indemnité pour la trahison. »

70 Leur mécontentement fut jusqu'à un cer tain point adouci par l'événement tragique qui suivit. Depuis bien des années, on avait inculqué avec soin dans l'esprit de Charles que,

comme fils, il ne pouvait jamais pardonner le meurtre de son père, et que, comme souverain, il ne pouvait conniver à l'exécution publique d'un roi. Punir les régicides était, à son avis, un devoir sacré et indispensable; et les exceptions, ordonnées par le dernier acte lui fournirent une ample carrière pour exercer sa justice ou satisfaire sa vengeance. Il est vrai qu'une mort naturelle en avait déjà placé vingtcinq hors des atteintes de tout tribunal terrestre, et dix-neuf avaient passé la mer pour se dérober au sort qui les menaçait dans leur patrie. (1) ...Mais il en restait encore vingt-neuf, tous, en prison; et parmi eux plusieurs étaient

(1) Trois de ces derniers, Whaley, Goff et Dixwell, se réfugièrent à la Nouvelle-Angleterre, où ils passèrent leur vie dans la crainte continuelle d'être découverts par les officiers du gouvernement. Il existe un récit intéressant de leurs aventures dans l'Histoire de la baie de Massachuset, par Hutchinson, et dans l'Histoire de «ces très illustres et héroïques défenseurs de la liberté,» publiée par Ezra Styles. S. T. D. LL. D., président de Yalc-Collége, Hartford, Etats-Unis, 1794. Trois autres, Corbet, Okey et Berkstead, furent arrêtés en Hollande, à la demande de Downing, et livrés par les Etats, qui voulaient expier la manière dont, ils avaient traité le roi pendant son exil. Ils furent exécutés en vertu de l'acte d'attainder, le 19 avril 1662. Ludlow, III, 82; 62; Procès d'Etat, v, 1301-35; Pepys, 1, 252, 8. D'autres cherchèrent un asile en Suisse, où ils se crurent toujours exposés à être assassinés par les émissaires soudoyés de la cour d'Angleterre. Ludlow, 111, 113-134

souillés du sang du feu roi, et semblaient aussi criminels au parti royaliste que les plus coupables de leurs complices. Les fugitifs furent condamnés par un acte du parlement; les prisonniers furent mis en jugement devant une cour de trente-quatre commissaires.

La composition de cette cour était de nature à exciter la curiosité des spectateurs, et à exaspérer les malheureux accusés. On avait dû s'attendre à voir des « cavaliers » siéger pour le procès de ceux qui avaient conduit le feu roi à l'échafaud; mais à côté du chancelier, de Southampton et de Nicholas, étaient assis Manches ter et Robartes, deux des généraux du parlement,Say et Hollis,chefs parlementaires, Atkins et Tyrrel, juges parlementaires, Monk et Montague, deux des lords de Cromwell, et Cooper, un de ses plus fidèles conseillers. Si ces hom mes n'avaient pas trempé les mains dans le sang du roi, ils avaient eu une grande part aux évé nemens qui avaient amené sa mort, ou avaient puissamment soutenu les différens gouverne→ ment révolutionnaires qui avaient exclu du trône son fils et successeur. Pour de pareilles offenses, ils se seraient vus, en d'autres circonstances, forcés de plaider pour leur vie; mais ils avaient fait des professions de repentir, et avaient été choisis pour remplir cette tâché pé

nible, afin de prouver en même temps l'étendue de la clémence royale, et la sincérité de leur conversion.

La plupart des prisonniers cherchèrent à obtenir leur grâce en avouant leur crime avec douleur et sincérité; les autres alléguèrent, pour se justifier, 1o qu'ils n'avaient eu aucune inimitié personnelle contre la victime royale; 2o qu'ils avaient regardé sa mort comme un acte solennel de justice nationale; 3° qu'ils avaient agi sous la sanction de l'autorité qui exerçait alors le pouvoir suprême dans la nation. La cour refusa d'écouter le second moyen de défense; et quant au premier, il fut répondu qu'en justice le fait prouvait suffisamment l'inimitié; et, au troisième, qu'une assemblée irrégulière et illégale de vingt-six personnes, qui prétendaient représenter les communes d'Angleterre, ne pouvait pas être regardée comme «<l'autorité suprême dans la nation. »

[ocr errors]

Ils furent tous déclarés coupables, et condamnés à mort; mais il fut sursis à l'exécution de ceux qui s'étaient rendus volontairement, d'après l'acte d'indemnité; et leur sort fut soumis à la décision subséquente du parlement. Les dix destinés au supplice furent Harrison, Scot, Carew, Jones, Clements, et Scroop qui avaient signé l'ordre fatal; Cook, qui avait fait

tre,

les fonctions d'avocat général pendant le procès; Axtèle et Hacker, deux officiers militaires qui gardaient le roi captif, et Péters, le minisdont l'éloquence bouillante et impétueuse avait si souvent servi à préparer et à soutenir les acteurs de cette grande tragédie. Le langage de ces hommes, devant la cour et après leur condamnation, offrit des traits du fanatisme le plus exalté. Pour prouver la justice de leur cause, ils en appelèrent aux victoires que le Seigneur avait données à leurs épées; à leurs bibles où il était enjoint de répandre le sang de l'homme qui avait versé celui de ses semblables; à l'esprit de Dieu, qui avait témoigné à leur esprit que le supplice de Charles Stuart était un acte nécessaire de justice, une action glorieuse, dont le bruit s'était répandu parmi la plupart des nations, "'et une reconnaissance solennelle de la haute suprématie que le roi du ciel exerce sur les rois de la terre.

Des sentimens semblables les animèrent et les soutinrent sur l'échafaud. Lorsqu'on leur dit de se repentir, ils répondirent «qu'ils s'étaient déjà repentis de leurs péchés, et qu'ils étaient sûrs du pardon; mais qu'ils n'osaient pas se repentir de la part qu'ils avaient eue à la mort du feu roi, car se repentir d'une bonne

« PreviousContinue »