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en suspension, qui jouent un rôle prépondérant; du côté de la mer, ce sont les vents régnants, les tempêtes, les courants lit

toraux.

Suivant que l'on considérera les causes d'une situation défavorable comme permanentes ou comme temporaires, les moyens à employer pour y remédier seront très différents et pourront entraîner des conséquences très importantes.

Dans l'espèce actuelle, la situation résulte de deux causes principales : l'une, permanente, consiste dans l'avancement progressif de la terre vers la mer; l'autre, temporaire, est variable suivant le régime du Danube.

Pendant des années où le niveau des eaux ne s'élève que rarement au-dessus d'une cote moyenne, c'est-à-dire quand les eaux ne sont pas trop chargées d'alluvions, on se trouve dans la période la plus favorable et une profondeur suffisante, supérieure même à celle qui est nécessaire, peut être entretenue par des dragages. Le courant des eaux claires entraîne, en effet, vers la mer une partie des matières en suspension et ajoute son action à celle des dragages.

Au contraire, pendant la période des grandes crues les dépôts sont considérables; les diverses forces en jeu, même aidées par des moyens artificiels, deviennent insuffisantes pour faire disparaître les dépôts et rétablir intégralement la situation ancienne. On se trouve alors en présence d'un avancement continu contre lequel il n'est pas pratiquement possible de lutter avec succès et un moment arrive où il faut nécessairement adapter les ouvrages à la nouvelle situation.

Ce moment est-il arrivé à Soulina ?

Le fait que la profondeur de 23 pieds 1 /2 vient d'être constatée à nouveau pourrait conduire, à défaut d'examen plus approfondi, à l'hypothèse que, peut-être, vient-on de traverser une de ces périodes où la coïncidence d'événements défavorables a produit une situation temporaire dont on a le droit d'envisager la fin.

S'il en était ainsi, un effort exceptionnel de dragages serait à réaliser et l'on se retrouverait, après le passage d'une période critique, dans la situation satisfaisante dont on avait joui auparavant pendant de longues années.

Tel n'est pas le cas à notre avis.

Toutes les constatations que nous avons pu faire, tous les renseignements que nous avons recueillis nous démontrent que l'on est arrivé au terme d'une évolution qui nécessite autre chose qu'un effort momentané. Rester dans la situation actuelle serait s'exposer aux pires déconvenues.

Il n'y a d'ailleurs rien d'imprévu dans cette situation.

Sir Charles Hartley, l'éminent auteur des travaux de Soulina, l'avait annoncée dans ses rapports de 1857 et de 1871, et M. Voisin Bey, dans son important mémoire de 1892, rappelle que Sir Charles Hartley n'avait jamais dissimulé l'éventualité, qui pourrait se présenter tôt ou tard, de devoir prolonger les jetées au fur et à mesure du progrès des atterrissements. Il est vrai que, dans ses rapports de 1893 a la Commission européenne, Sir Charles Hartley s'approprie la fin du mémoire de M. Voisin Bey qui contient le passage suivant :

« Et la conclusion finale de tout ce qui précède, touchant les mouvements qui s'opèrent dans les fonds sous-marins, au nord, en face et au sud de l'embouchure, c'est que l'on peut légitimement espérer que, pendant de longues années encore, la passe continuera de se maintenir en bon état sans qu'il soit besoin de prolonger les jetées. »

Ceci a été écrit il y a trente ans : on ne peut donc pas dire que l'auteur s'est trompé; mais seulement que les longues années qu'il escomptait sont révolues.

Il eût été certainement opportun d'envisager plus tôt les mesures à prendre ; les événements, qui ont bouleversé le monde, n'ont pas permis de le faire; mais ce serait s'endormir aujourd'hui dans une sécurité trompeuse que de rester sans agir devant une situation pleine de menaces.

Dans son mémoire précédemment cité, M. l'Ingénieur président de la Commission européenne signale la grande cause générale de la situation actuelle : c'est-à-dire l'avancement du delta du Danube vers la mer. En étudiant les causes secondaires, on pourra prendre des mesures de nature à retarder considérablement l'encombrement de la bouche de Soulina; mais on ne pourra

jamais soustraire cette parcelle de l'immense delta au sort de l'ensemble dont le destin est immuable.

Parmi les causes, que nous appelons secondaires, on relève, dans le même mémoire, les suivantes :

Du côté du fleuve.

Alluvions d'après les observations faites les quantités d'alluvions débitées, en moyenne par an, par le bras de Soulina seul, auraient été :

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Répartition des débits : alors qu'en 1856 on constatait que le débit total du Danube se répartissait à :

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on aurait trouvé dans le jaugeage effectué en 1913:

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Enfin un jaugeage effectué le 20 juillet 1921 (niveau de l'eau à Toultcha+1.64 au-dessus de l'étiage) a donné :

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Les atterrissements devant la bouche de Kilia ont formé, par rapport à la bouche de Soulina, un vaste cap qui protège cette

dernière contre l'action des tempêtes de la région du nord. Une preuve de cette protection nous a été donnée par cette déclaration que le feu de la jetée Nord qui était très souvent couvert autrefois par les paquets de mer, dans les gros temps du Nord, n'était plus jamais atteint par les embruns.

Or, l'action combinée du courant du fleuve et du courant littoral donne lieu à une résultante qui conduit les dépôts vers le sud où ils forment un banc; l'accroissement de celui-ci repousse peu à peu le courant du fleuve vers le nord, tandis que les vents régnants font descendre les alluvions de la branche de Kilia vers Soulina. Les deux atterrissements marchant l'un vers l'autre devaient fatalement se réunir si les forces qui retardaient jusqu'ici cette jonction venaient à diminuer ou à s'orienter autre

ment.

Comme ce sont principalement les tempêtes d'hiver de la région du Nord qui, agissant énergiquement sur le banc du Sud, empêchaient autrefois ce banc de s'étendre, la réduction de leur intensité a atténué leur action bienfaisante. D'autre part, le courant littoral, dont l'action avait contribué pour une grande part au succès des travaux, s'est trouvé reporté vers le large, laissant ainsi aux alluvions, apportées par le fleuve, la possibilité de se déposer au droit de l'embouchure.

Les modifications de la situation des fonds devant le delta ressortent des plans qui ont été annexés au présent rapport.

On y constate que le creusement de la plage Nord de Soulina qui avait été l'une des conséquences les plus remarquées des travaux de Sir Charles Hartley a fait place à un comblement progressif qui s'est particulièrement accentué de 1914 à 1915, et se continue encore en ce moment.

A l'heure actuelle, au lieu d'avoir un chenal menacé seulement par le Sud, on a un sillon creusé à travers un banc de sable très fin sur plus de 2 km. 1 /2 de longueur.

III. MOYENS A EMPLOYER.

Pour remédier à la situation actuelle, indépendamment de certaines mesures accessoires, dont il sera parlé plus loin, deux procédés se présentent : le premier, celui qui a été envisagé dès l'origine par l'auteur même des travaux, consiste dans le prolongement des jetées, avec exécution, bien entendu, de dragages comme il a été fait depuis 1894; avec le second procédé, on se bornerait, sans toucher aux ouvrages fixes actuels, à maintenir un chenal à la profondeur voulue au moyen seulement de dragages intensifs.

Les perfections apportées dans les engins de dragage ont conduit à la généralisation de l'emploi de ces engins pour l'entretien des profondeur des accès des ports maritimes et il n'est plus un ingénieur qui conseillerait de se reposer uniquement sur l'existence d'ouvrages fixes pour le maintien de ces profondeurs sans aucun recours aux dragages. Mais il en est qui, s'appuyant sur les succès obtenus par les méthodes de dragages, prohibent systématiquement l'établissement des jetées et conseillent l'emploi exclusif des dragues.

les

Comme en toutes choses les solutions extrêmes ne sont pas meilleures. Il est certain que l'introduction systématique des dragages dans l'entretien des profondeurs des chenaux d'accès a permis d'aborder des problèmes que l'on aurait autrefois considérés comme pratiquement insolubles; mais de là à repousser, dans tous les cas, la construction des jetées, il y a place pour une juste mesure.

Les considérations théoriques que l'on peut faire valoir en faveur de ce juste dosage entre l'emploi des dragages et la construction d'ouvrages fixes ne seraient peut-être pas aussi bien à leur place ici qu'un exemple tout à fait typique.

Le chenal de Port-Saïd se présente, au point de vue des phénomènes exclusivement marins, sous un aspect tout à fait semblable à celui de Soulina.

Pendant longtemps on a discuté devant la Commission con

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