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Voilà la première interprétation qui résulte du texte de l'édition d'Hérold, suivie par Eccard.

Mais s'il faut lire comme dans le texte de Baluze (rédaction de Charlemagne).

«Si quis sagbaronem qui puer regius fuerat, occiderit, XIIм den. qui faciunt solid. ccc, culp. judi» cetur; si quis sagbaronem qui ingenuus est et se sagbaronem posuit, occiderit, XIIIIм den. qui faciunt solid. » DC. culp. judicetur.

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Il en résultera que le sagbaron libre, et en fonctions était l'égal du grafion; que l'un était exclusivement magistrat, et l'autre administrateur et chef militaire.

M. Guizot n'a pas cherché à expliquer cette difficulté; Savigny, dont l'opinion est embrassée par Meyer, pense que ces sagbarons étaient des comtes nommés par le Roi, lorsque ces charges étaient encore remplies par le vœu du peuple, et que le changement dans la constitution qui se fit à l'époque où les Rois s'attribuèrent exclusivement le droit de nommer à tous les emplois, a fait disparaître cette charge.

Mais le texte de la loi, et se sagbaronem posuit, semble résister à cette interprétation, d'ailleurs ingénieuse. Cependant on peut encore la défendre, car il y avait des sagbarons parmi les officiers domestiques du Roi, puer regius.

Sous Clovis, toutes les magistratures étaient à la nomination du peuple. L'exercice permanent des fonctions judiciaires devait être pénible et dangereuse chez les Franks, nation turbulente, ayant toujours les armes à la main. On leur devait des garanties particulières.

Comme le Roi était le chef de la justice, il est naturel de penser que ces magistrats aient été tirés de sa maison; mais tant qu'ils étaient sous la vassalité

du Roi, ils ne jouissaient pas de la plénitude de leurs droits.

Du reste, rien n'indique que la dignité de sagbaron ait péri avant celle de grafion, puisqu'on les trouve toutes deux dans la rédaction de Charlemagne. Les historiens en ont peu parlé, parce qu'ils se servaient des dénominations romaines.

Il ne paraît pas, quoiqu'on ait écrit à ce sujet, que le grafion rendit la justice; il était plutôt l'exécuteur des jugemens; c'est ainsi qu'il en est parlé au tit. XLVII, art. 2, et tit. LIII. Il était chargé de la convocation des ratchimbourgs, (titre LII, art. 2.) Dans ce cas la réquisition de juger s'adressait non à lui, mais aux ratchimbourgs qui seuls étaient passibles du déni de justice. Il recevait le fredum, c'est-à dire les amendes attribuées au Roi (tit. Lv). Aussi la loi des Ripuaires l'appelle juge fiscal.

La loi salique parle encore de ratchimbourgs, de centainiers, et de tungman; comme aucune composition particulière n'était affectée à leur dignité, c'est une preuve que ces magistratures étaient peu élevées, et que la nation était avare de priviléges.

Le tungman (tunginus) paraît être un dixainier ou le chef de dix familles; par conséquent cette dignité est celle qui se rapproche le plus de celle des maires de nos communes rurales. Si elle était plus concentrée, c'est que l'organisation des Franks, était principalement militaire; ils réunissaient les fonctions. civiles.

Il en était de même des centainiers; et c'est peut-être à cause de leurs habitudes purement militaires, qu'ils étaient assistés de ratchimbourgs, et que, pour juger les questions difficiles, on avait institué la cour des sagbarons.

Le tungman et le centainier tenaient le mallum ou l'assemblée publique; car tout se faisait collectivement; et l'assemblée générale n'avait pas un autre nom.

On y traitait de toutes les affaires de justice, et d'administration, des mariages, divorces, etc.; mais il n'appartenait qu'à l'assemblée suprême de délibérer sur la paix et sur la guerre, et de faire des lois générales, comme aussi de prononcer sur les accusations de trahison et autres grands crimes contre la sûreté de l'état, et de prononcer sur les affranchissements.

Nos ancêtres étaient avares du sang humain, il était précieux chez une nation de guerriers qui avait toujours les armes à la main; pour tous les crimes même capitaux, on admettait une composition. On ne mettait à mort que les esclaves.

Mais le Frank qui ne pouvait payer le prix de la composition, qui, par conséquent, ne pouvait plus s'entretenir comme guerrier, était mis à mort, à moins que ses parens ne vinssent à son secours (Voy. le tit. LXI, art. 3 de Chrenechruda).

Le supplice usité était la corde (tit. LXIX); mais quand il s'agissait de prononcer sur la vie d'un Frank, pour une accusation extraordinaire, c'était l'assemblée de la nation qui prononçait. A la vérité le tit. xxi, ne parle que du Roi; mais il ne dit pas que le Roi seul est juge. « Si quis apud regem accusaverit;» et nous aurons occasion de remarquer en parlant du supplice de Brunehault et d'autres, que l'assemblée nationale en délibérait.

« Si verò tale crimen ei imputaverit, unde mori debuisset dit la même loi.

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Donc on ne se rachetait pas toujours d'une accusation par une composition. Il paraît qu'on distinguait dès-lors les crimes privés des crimes publics.

Dans le tableau que nous donnerons des assemblées tenues sous les premiers successeurs de Clovis, nous ferons voir qu'elles étaient absolument indépendantes, et que plus d'une fois elles rejetèrent les propositions de la couronne.

Aussi les Rois mérovingiens, ayant acquis un grand pouvoir et de grandes possessions, cessèrent-ils bientôt de réunir ces assemblées; mais ces détails appartiennent à notre seconde période. Contentons-nous pour le moment d'indiquer les attributions des diverses assemblées locales (1) et cantonnales, d'après le texte de la loi salique. Celles-là n'étaient pas redoutables, et elles continuèrent de subsister jusques fort avant sous la seconde race.

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Le titre 1o prouve que les citations, devant la justice souveraine de l'assemblée générale, se faisaient par les ordres du prince (legibus dominicis); de même c'étaient le tungman et le centainier qui convo quaient le mallum, dont ils avaient la présidence (tit. XLVII, art. 1o, et tit. XLIX).

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Ils y siégeaient avec leurs boucliers, armes défensives, ce qui prouve, d'abord l'existence de mœurs guerrières, et ensuite la nécessité, où quelquefois le juge était de résister aux attaques du justiciable mécontent.

Tout porte à croire que les assistans siégeaient aussi

en armes.

Ces assemblées particulières se réunissaient fréquemment, comme on le voit par le tit. XLVIII, où il s'agit d'un Frank qui veut quitter son canton et se faire inscrire dans un autre.

Cela ne pouvait se faire sans l'assentiment de l'assem

(1) La loi salique, tit. 1", art. 3, et tit. L, les appelle Pagi.

blée locale; on le conçoit bien. Au moment où l'on aurait voulu se mettre en campagne, les centaines et dixaines eussent été désorganisées, et on n'aurait pas pu remplir les cadres.

Il était si important de maintenir cette règle, que la loi faisait intervenir le grafion, pour expulser celui qui n'avait pas rempli les formalités, et qui pour cette violation était puni d'une forte amende.

Les tungmans ou centainiers ne pouvaient rien faire sans l'assistance de trois hommes (tit. déjà cité); de même le grafion était obligé de se faire assister de sept ratchimbourgs (tit. LIII).

On recourait directement de l'assemblée locale du tungman ou du centainier au Roi (tit. XLIX), et cela s'appelait recourir au mallum légitime.

Il paraît qu'on pouvait s'adresser indistinctement à l'assemblée du tungman, ou à celle du centainier, et même au grafion duquel le bourg relevait; lequel grafion était alors tenu de convoquer ses ratchimbourgs (tit. LIII).

Ces ratchimbourgs paraissent avoir rempli des fonctions analogues à celles de nos jurés; mais comme les peines étaient civiles, ils étaient juges civils du fait, comme les sagbarons l'étaient peut-être du droit. Ils étaient chargés d'évaluer les indemnités (tit. LIII, art. 3).

Ils participaient réellement au jugement (tit. LIX); ils avaient le droit d'ordonner la terrible épreuve par l'eau bouillante (ibid). L'appel de leurs décisions ne pouvait être porté qu'au Roi (ibid). On pouvait attaquer leur jugement comme n'étant pas conforme à la loi salique, c'est-à-dire par voie de cassation; et alors ils étaient condamnés chacun à une amende de quinze solidi; la partie qui succombait dans ce pourvoi, était à son tour

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