Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE XLVII.

DES NOMS ET SURNOMS.

par

Le mot nom, qui vient du latin nomen, sert à désigner à l'esprit des êtres ou objets déterminés l'idée précise de leur nature, et, dans la matière que je traite, il doit être considéré comme l'appellation distinctive des familles, et des personnages de l'un et de l'autre sexe qui les composent.

Les noms propres, chez toutes les nations, n'ont été appliqués aux individus qu'à raison de leurs qualités personnelles ou de leurs vices, de leurs défauts, de leurs difformités, de leurs passions et de leurs professions, ou de leur position dans le monde.

Chez les Hébreux, Adam signifiait homme de terre rouge, parce qu'il fut formé du limon de la terre; Abel, rien, parce qu'il n'eut point de lignée; Seth, résurrection, parce qu'il fut choisi pour réparer la perte d'Abel;

Mathusalem, Dieu de mort, parce que toute sa génération était vouée au déluge; Lameth, frappant, parce qu'il tua Caïn; Jacob, supplantateur, etc., etc. (1).

Chez les Grecs, le mot Alexandre, Akavos, signi

(1) Je ferai observer, cependant, que, tous ces noms n'ont pu être donnés immédiatement lors de la naissance, mais seulement après la consommation des faits qu'ils expriment; car, autrement, ils seraient des noms de prédestinés; et il eût été

;, de

fiait vir auxiliator; celui de Philippe, piriwing, amator equorum; d'Aristote, de A Tinos, ad optimum finem; Afrique, d'a pizz, sine frigore; Naples, Niárokig, de wing-rông, nova urbs.

Chez les Romains, Lucius signifiait cùm luce natus, né au point du jour : d'autres auteurs en font dériver la source des Lucumons, originaires d'Étrurie. Tiberus, né auprès du Tibre; Servius, né esclave. Ces peuples accumulaient souvent jusqu'à trois ou quatre dénominations, qu'ils distinguaient en prænomen, nomen, cognomen et agnomen.

Le prænomen se mettait toujours le premier. C'était le nom individuel de chaque enfant d'une même famille, et souvent il tirait sa signification d'une circonstance particulière de la naissance ou de la jeunesse de celui-ci. On ne le donnait aux garçons que lorsqu'ils prenaient la robe virile, et aux filles quand elles se mariaient. Les frères étaient ordinairement distingués par le prénom, comme Publius Scipion et Lucius Scipion.

Le nom nomen, proprement dit, était commun à tous les descendans d'une même maison, gentis, et à toutes ses branches : Julii, Antonii, étaient probablement les noms propres du premier auteur de ces maisons: c'est ce qu'on appelait le nom de la famille.

Il se plaçait immédiatement après le prénom. Le cognomen, surnom, était fondé, 1o sur les qualités de l'ame, dans lesquelles étaient renfermées les

difficile de tomber aussi juste et aussi souvent cette opinion, qui n'est que la mienne, s'étend également sur les noms de nos premiers Rois francs, dont je parle page 519. Il serait à désirer que quelque savant s'occupât d'éclaircir cette matière.

vertus, les mœurs, les sciences, les belles actions. Ainsi, Sophus marquait la sagesse; Pius, la piété; Frugi, les bonnes mœurs; Nepos, Gurges, les mauvaises; Publicola, l'amour du peuple; Lepidus, Atticus, les agrémens de la parole, etc,. etc.; 2o sur les différentes parties du corps, dont les imperfections étaient désignées par les surnoms: Crassus qui signifiait l'embonpoint, Macer, la maigreur, etc., etc.

Le surnom était divisé en cognomen et agnomen ; le premier était destiné à caractériser une branche particulière de la maison, familia: ainsi, les Scipion, les Lentulus, les Dolabella, les Scylla, les Cinna, étaient autant de branches de la maison des Cornelii. Le cognomen distinguait une branche d'une autre branche parallèle de la maison: il était toujours un terme significatif des vices ou des perfections propres de ceux qui le portaient. L'agnomen caractérisait une subdivision d'une branche; il était pris ordinairement de quelque évènement remarquable, qui distinguait le chef de la division ou de la subdivision. Scipio était un surnom, cognomen, d'une branche cornélienne; Africanus fut un surnom, agnomen, du vainqueur de Carthage, et serait devenu l'agnomen de sa descendance, qui aurait ainsi été distinguée de celle de son frère, qui aurait porté le surnom Asiaticus.

Les surnoms se plaçaient après le nom.

Les noms romains finissaient généralement en us, et quelques-uns en a, comme Catilina, Sylla, Cinna, Dolabella, etc.

Quant aux esclaves, ils n'eurent d'abord d'autre nom que le prénom de leur maître un peu changé, comme

que

Lucipores, Marcipores pour Lucii, Marci pueri, c'està-dire esclaves de Lucius ou de Marcus. Dans la suite, on leur donna tantôt des noms grecs, tantôt des noms latins, ou tirés de la langue de leur nation ou de quelévènement. Dans les comédies de Térence, on les nomme Syrus, Geta, etc., etc., et dans Cicéron, Tiro, Laurea, Dardanus. Lorsqu'on les affranchissait, ils prenaient le nom propre de leur maître, et y ajoutaient pour surnom le nom qu'ils portaient avant leur liberté. Ainsi, lorsque Tiro, esclave de Cicéron, fut affranchi, il s'appela Marcus Tullius Tiro.

La plupart des esclaves prirent aussi leurs noms des villes municipales dans lesquelles ils avaient reçu leur affranchissement.

Les noms gaulois avaient aussi une signification déterminée, et finissaient généralement en ch, que les auteurs latins, et particulièrement César, ont rendus par tels que Vindex, Vercingetorix, Ambiorix, Segenax, etc.

X,

Les Francs d'au-delà de la Loire, du moins pendant les siècles voisins de leur établissement dans les Gaules, avaient l'usage de porter plusieurs noms, à la manière des Romains; mais communément les Francs de l'Austrasie n'en avaient qu'un.

Nous venons de dire que les noms romains et gaulois avaient une terminaison fixe. Ceux des Francs, au contraire, eurent cela de particulier, qu'ils n'étaient reconnaissables par aucune sorte de terminaison. Ils étaient pris dans la langue vulgaire, et avaient toujours une signification analogue aux qualités morales et physique des individus qu'ils désignaient, ou à quelques

faits remarquables qui leur étaient relatifs. Ainsi : Waramond, Pharamond, signifie homme véritable. Hlod ou Hlodio, Clodion, célèbre.

Mero-wig, Mérovée, éminent guerrier.

Hilde-rik, Childeric, fort ou brave au combat.
Hlodo-wig, Clovis, célèbre guerrier.
Theode-rik, brave ou puissant parmi le peuple.
Hlot-her, Clotaire, célèbre et éminent.

Karle, Charles, robuste.

Hug, Hugues, intelligent.

Henden-Reich, Henri, vaillant.

Sous cette première race, comme on voit, les noms des Francs devaient être fort difficiles à prononcer, à écrire, et de là vient leur corruption.

Les familles n'avaient pas encore, à cette époque, de noms distinctifs ou patronymiques; les individus seulement portaient ce que nous appelons le prénom ou nom de baptême, et ce nom propre changeait à chaque génération.

Le titre xxvi du cinquième paragraphe de la loi Salique nous fait connaître que les parens s'assemblaient pour donner un nom au nouveau-né la neuvième nuit ; car les Gaulois, les Germains, les Francs et les autres peuples du Nord ne comptaient que par nuit, ne connaissant point encore l'année solaire.

On célébrait ces nominations par de grandes réjouissances de familles, et l'on donnait au nouveau-né un nom agréable à tous les parens, à peu près comme à présent encore on reçoit celui du parrain.

Charles Ier, en ajoutant à son nom l'épithète de Magne, introduisit, en quelque sorte, la coutume de

« PreviousContinue »