Page images
PDF
EPUB

marchands, hôteliers, et autres pareils, qui pouvaient entretenir des chevaux. »

Les auteurs de l'Art de vérifier les dates, au règne de Charles VIII, disent : « On avait fait, sous les règnes précédens, des Chevaliers - ès - lois. On fit, sous celui-ci, des Chevaliers-ès-marchandise. » Lettres de Bernard Abzat, lieutenant-général au duché de Guyenne pour le Duc de Bourbon : « Savoir faisons que pour le << bon rapport qui fait nous a esté de la personne de Jacques Marce, bourgeois et marchand de la ville de Tulle, l'avons passé Chevalier à l'office de marchan« dise, et nous a faict serment audict Seigneur en tel «< cas accoustumé, en présence de plusieurs maistres « Chevaliers en marchandise, et païé les droits et de<< voirs accoutusmés. Fait à Bergerac, le 16 jour de « novembre, l'an mil quatre cent quatre-vingt et trèze (Baluze, Hist. Tutel., pr. coll. 787—788.) »

[ocr errors]
[ocr errors]

CHAPITRE XXXI.

DES ÉCUYERS.

Divers historiens prennent l'étymologie de ce nom dans le mot écu, scutum, dont on a fait scutarius, scutifer, parce que les Écuyers portaient à la guerre et

dans les tournois les écus ou boucliers des Chevaliers, ou bien dans le mot ÉCURIE, scuria, parce que

les

écuyers avaient soin des chevaux et gouvernaient les écuries de leurs maîtres. D'autres auteurs pensent qu'ils prennent leur origine d'une sorte de gens d'armes qui, sous l'empire romain, combattaient avec des écus ou boucliers, et qu'on nommait scutarii; l'écu était alors d'une si haute importance parmi les armures, qu'on punissait ceux qui en faisaient l'abandon, parce qu'il formait une espèce de rempart, à l'armée, contre les traits ou l'attaque des ennemis. Ces scutarii avaient la garde du prétoire, et étaient sub dispositione magistri officiorum.

Les Gaulois avaient aussi des écuyers qui servaient les grands à la guerre, et qui, en tout temps et en tout lieu, même à table, se tenaient derrière leurs maîtres, avec leur écu et leur lance.

Tacite, dans son livre des Maurs des Germains, assure que, quand un jeune homme était en âge de porter les armes, quelqu'un des Princes, ou bien le père, ou un parent du jeune homme, lui donnait, dans l'assemblée de la nation, un écu et un javelot: Scuto frameáque juvenem ornant. Ainsi, il devenait scutarius, ce qui relevait beaucoup sa condition; car, jusqu'à cette cérémonie, les jeunes gens n'étaient considérés que comme membres de leur famille ; ils devenaient ensuite les hommes de la nation. Ante hoc domus, pars mox reipublicæ. Ce fut sans doute de là qu'en France, ces écuyers furent appelés gentilshommes: Quasi gentis homines.

Les Français, à l'imitation des Romains, des Gaulois et des Germains, conservèrent cette institution; nos anciens capitulaires nomment arma patriæ la lance et

l'écu que portaient les écuyers, et disent d'eux, lib. 3, cap. 22: Nullus ad mallum vel placitum, nisi arma patriæ, id est, scutum et lanceam portet, c'est-à-dire, que, dans les grandes assemblées nommées malles ou plaids, ils devaient y paraître armés de la lance et de l'écu.

Ils furent aussi appelés armiger, armigeri, parce qu'ils étaient tenus d'avoir soin des armes des Chevaliers et de les leur présenter au moment du combat, soit dans les batailles, soit dans les tournois; et ils remplissaient auprès d'eux les mêmes fonctions que les écuyers gaulois envers les Chevaliers gaulois.

dit :

Le P. Ménestrier, en parlant de nos écuyers, « C'étaient des gentilshommes qui faisaient le service « militaire à la suite des Chevaliers, avant que de par<< venir eux-mêmes à la dignité de Chevaliers.

«

<< La fonction des écuyers était d'être assidus auprès « des Chevaliers, et de leur rendre certains services à « l'armée et dans les tournois. Ils portaient les armes <«< du Chevalier, jusqu'à ce qu'il voulût s'en servir. Ils << étaient à pied ou à cheval, suivant que le Chevalier allait lui-même. Ils n'avaient pas le droit de se vêtir <«< aussi magnifiquement que les Chevaliers; et de quel« que naissance qu'ils fussent, quand ils se trouvaient << avec les Chevaliers, ils avaient des siéges plus bas qu'eux et placés un peu en arrière; ils ne s'asseyaient point à table avec eux, fussent-ils Comtes ou Ducs. « Un écuyer qui aurait frappé un Chevalier, si ce n'é<< tait en se défendant, était condamné à avoir le poing « coupé. >>

[ocr errors]

Le fils même d'un Chevalier de haut parage, lorsqu'il n'était qu'écuyer, devait se soumettre à en remplir

toutes les fonctions, dans quelque classe d'écuyer qu'il fût placé; ces classes se divisaient ainsi : l'écuyer du corps, l'écuyer de la chambre, l'écuyer tranchant et l'écuyer de l'écurie, qui était chargé de dresser les chevaux à tous les usages de la guerre; il avait sous lui d'autres écuyers plus jeunes, auxquels il faisait faire l'apprentissage de cet exercice.

L'Écuyer tranchant, toujours debout dans les festins et dans les repas, était occupé à couper les viandes, avec la propreté, l'adresse et l'élégance convenables, et à les faire distribuer aux nobles convives.

L'Écuyer de la chambre, ou Chambellan, avait inspection sur la vaisselle d'or et d'argent destinée au service de la table.

L'Écuyer du corps était attaché particulièrement à la personne du maître; il l'accompagnait presque partout, portait sa bannière à l'armée, criait le cri d'armes de son Seigneur, et faisait les honneurs de sa maison dans les cérémonies d'éclat.

On appelait Écuyers d'honneur ceux à qui les chevaliers donnaient en garde, pendant le combat, les prisonniers de guerre qu'ils faisaient. Ces écuyers d'honneur défendaient leur patron: c'est ce que fit SaintSéverin, à la bataille de Pavie, en combattant vaillamment devant François Ier. Cet usage, qui depuis s'est restreint aux écuyers de nos Rois, ne subsistait plus, même à leur égard, du temps de l'historien Brantôme: à peine les anciens en avaient-ils conservé la tradition.

D'autres écuyers veillaient à la panneterie et à l'échansonnerie : ils avaient soin de préparer les tables, de donner à laver, avant et après le repas, de disposer

tout ce qui était nécessaire pour les divertissemens qui suivaient les festins, de servir ensuite les épices, les dragées, les confitures, les liqueurs, qui, sous PhilippeAuguste et ses successeurs, étaient les clairets, le piment, le vin cuit, l'hypoxas (ou hydromel), et les autres boissons qu'on nommait le vin du coucher. Ces écuyers conduisaient enfin les étrangers dans les appartemens qu'ils leur avaient eux-mêmes préparés.

On rencontre les noms des plus illustres maisons parmi les pages, les écuyers, et même les domestiques inférieurs des Chevaliers ou Seigneurs qui pouvaient ne valoir pas mieux, et peut-être valoir moins du côté de la naissance. Le mérite seul décidait du choix qu'on faisait de celui à qui l'on s'attachait. Comme sa maison était une école où l'on venait s'instruire, on ne considérait que la valeur, l'expérience et l'habileté dans l'art militaire du maître dont on voulait recevoir les leçons. Ce fut sans doute ce motif qui détermina Antoine de Chabannes à entrer page d'abord dans la maison du Comte de Ventadour, et ensuite dans celle de la Hire; et jusqu'au quinzième siècle, on vit les plus grands Seigneurs, les hauts Barons, et même les Princes du sang royal, se décorer du titre d'écuyer dans leur jeunesse, et jusqu'à ce qu'ils fussent admis à l'Ordre de chevalerie.

Nul, s'il n'était Chevalier, n'osait combattre un Chevalier. La loi était conforme à cet usage: elle n'accordait point à l'écuyer le duel ou gage de bataille contre le Chevalier. Néanmoins, comme les Chevaliers, abusant de leurs priviléges, et sûrs de l'impunité, auraient pu commettre des violences et des injustices au préjudice

« PreviousContinue »