Page images
PDF
EPUB

cienne, tant du côté paternel que du côté maternel; elles portaient une croix, suspendue à un cordon, soit en écharpe, soit en sautoir, en signe de leur noblesse et de leur institution; elles étaient également décorées du titre de Comtesses; la plupart d'entre elles n'étaient point engagées par des vœux solennels, et elles pouvaient résigner leurs prébendes, et se marier.

Elles chantaient tous les jours, au chœur, l'office canonial, avec l'aumusse, revêtues d'un habit ecclésiastique qui leur était particulier : elles pouvaient porter, le reste du jour, un habit séculier pour aller en ville: elles logeaient chacune séparément; mais cependant, leurs logemens étaient renfermés dans un même enclos.

L'origine des chanoinesses nous est venue d'Orient : c'étaient des femmes dévotes et pieuses qui avaient soin de la sépulture des morts, et qui, dans leurs convois, chantaient des psaumes avec les acolytes.

Dans l'Occident, on appela chanoinesses des filles vivant en communauté, à l'imitation des chanoines réguliers. Certains auteurs prétendent que cet institut a commencé sous le règne de Pépin, en 755; mais, dans le concile de Verneuil, il n'est parlé que de moinesses ; et on ne commença à trouver quelques vestiges de chanoinesses que dans un canon du concile de Francfort, tenu en 794.

C'est dans le concile de Châlons-sur-Saône, tenu en 813, que cet institut s'est introduit dans les formes: on y donna des réglemens que devaient suivre celles qui se disaient chanoinesses. Le concile d'Aix-la-Chapelle, en 816, leur fit des réglemens plus commodes; ils consistaient à faire vœu de continence, à ne point.

sortir de leur clôture; mais à posséder des biens et à pouvoir hériter.

Dans la suite, les chanoinesses régulières se relâchèrent, ne couchant plus dans le même dortoir, ne mangeant plus dans un même réfectoire, se donnant la liberté de sortir, et enfin même se dispensant de faire vœu de continence: on ne les appela plus que chanoinesses séculières. Les conciles, les Papes et les Evêques ont fait, en divers temps, des réglemens tendant à rétablir ces congrégations dans le bon ordre et la régularité.

Plusieurs écrivains ont mis au nombre des Ordres fondés pour les femmes, celui de la Cordelière, que Anne de Bretagne, Reine de France et veuve de Charles VIII, institua, disent-ils, en 1498, pour se déclarer affranchie des lois et du joug du mariage; d'autres disent, au contraire, pour consacrer l'affection qu'elle portait à son époux. Elle fit faire un collier d'argent entrelacé qu'elle mit à l'entour de ses armes, en forme d'écharpe, avec cette devise: J'ai le corps délié. Ce cordon fut distribué aux dames de la cour; pour le recevoir, il fallait être d'une haute noblesse.

La cordelière sert, depuis ce temps, à décorer l'extérieur de l'écu des armes des veuves; quelques auteurs font remonter à l'an 1470 l'origine de la cordelière, et l'attribuent à Louise de la Tour d'Auvergne, veuve de Claude de Montagu, qui en fit usage avant Anne de Bretagne.

CHAPITRE XXX.

DES CHEVALIERS - BOURGEOIS ET DES CHEVALIERS
EN MARCHANDISES.

Lorsque la chevalerie commença à obtenir de la considération parmi les Princes chrétiens, la plupart des villes voulurent que leurs magistrats fussent honorés de la dignité de Chevaliers, afin qu'ils eussent plus d'autorité. Ainsi, dans les lieux où le peuple s'était rendu le maître à l'exclusion des nobles, on éleva à la dignité de Chevaliers, des bourgeois, des marchands, etc., etc., On vit bientôt cette chevalerie se répandre en France, en Italie et en Allemagne, de sorte qu'au temps du concile de Constance, presque tous les députés des villes, qui s'y trouvèrent, étaient chevaliers.

2

En France, ils prirent goût pour une sorte de fête qu'on nommait alors toupineure ou toupiniez: c'était leur tournoi. Ils y couraient au faquin, au pot cassé, au baril plein d'eau, au sac mouillé, se musquaient, et se livraient à certaines débauches.

Le P. Ménétrier fait mention de plusieurs de ces fêtes, dont l'une des plus célèbres se fit en 1670, à Neuville, à deux lieues de Lyon, où se trouvèrent vingt-une compagnies de Chevaliers de différentes villes: chaque compagnie était composée de deux cent soixante-un Cheva

liers. C'est le glorieux titre que prenaient les bourgeois, les marchands, les cabaretiers et tous ceux enfin qui étaient admis à ces réjouissances.

L'abus de faire des Chevaliers dans ces sortes de fêtes obligea le Roi Philippe-le-Bel de les défendre momentanément, par son ordonnance du 28 décembre 1312. Cette ordonnance nous apprend que ce n'étaient pas seulement les bourgeois, et autres personnes de pareille condition, qui se faisaient armer Chevaliers, dans ces prétendus tournois, mais aussi que les gentilshommes et les nobles, qui n'avaient pas l'honneur d'être agrégés à quelque ordre de chevalerie, se servaient de ces occasions pour ajouter le titre de Chevalier à celui de noble.

Il existait aussi en France certaines provinces où les bourgeois prétendaient être en possession, de temps immémorial, de pouvoir être armés Chevaliers les par Barons ou par les Archevêques, et de jouir des priviléges de la chevalerie sans la permission du prince. Ce droit était fondé sur une ancienne charte du Trésor royal, dont voici les termes: Notum facimus quòd usus et consuetudo sunt, et fuerunt longissimis temporibus observatæ et tanto tempore, quòd in contrarium memoria non existit, in senescalia Bellicadri, et in provincia, quòd Burgenses consueverunt à Nobilibus, et à Baronibus, et etiam ab Archiepiscopis, sine principis autoritate et licentiâ, impunè cingulum militare assumere, signa militaria habere et portare, et gaudere privilegio militari. Die Martis post octavam pentecostes anno Domini 1298 (Ex Charta et Cartophil. Regio scrinio ordinat. 1, fol. 227).

« Les marchands et les bourgeois, dit le P. Ménestrier, voulant se distinguer des artisans et du menu peuple, qui demeuraient avec eux dans les villes, ou qui habitaient la campagne, firent comme un nouvel Ordre de la noblesse civile, donnant le nom de roturiers et de vilains à ceux qui remplissaient ces professions; et pour se distinguer d'eux, ils s'établirent seuls capables de tenir les dignités populaires et municipales, se firent chefs des métiers, de la milice bourgeoise, des magistratures civiles, et demandèrent même quelquefois la chevalerie à leurs Seigneurs, et prirent la qualité de nobles et d'écuyers par la tolérance des Prin

ces. >>

« On voit, continue-t-il, des marques de cette chevalerie bourgeoise dans plusieurs anciennes villes d'Allemagne, des Pays-Bas, de France, d'Italie et d'Espagne, où ils avaient des priviléges particuliers. A Bourges, en Berry, il y avait, pour les bourgeois, une espèce de table ronde, composée de quatre Chevaliers et d'un chef, en 1486. En 1499, le nombre fut de vingtquatre. Ils s'assemblaient dans l'église des Carmes. >>

« Plusieurs Évêques, selon le même auteur, prétendirent avoir le droit de donner eux-mêmes la chevalerie aux Seigneurs de leur diocèse et à leurs autres vassaux. Et comme ils étaient obligés de soutenir des guerres privées, où tous leurs vassaux et sujets devaient les servir, les nobles à cheval, les bourgeois, et les gens de poeste, comme on les nommait alors, à pied, n'ayant pas toujours assez de vassaux nobles pour faire une cavalerie considérable, ils firent Chevaliers les bourgeois,

« PreviousContinue »