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DE

L'ANCIENNE FRANCE.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA NOBLESSE CHEZ LES ANCIENS.

Dès que les divers peuples du monde furent régis par des lois sociales, il devint nécessaire de confier l'administration de la justice, du gouvernement, et la conduite des armées, à des hommes qui par leur intégrité, leur sagesse et leur bravoure, s'étaient placés au-dessus de la masse commune, et par conséquent rendus dignes d'être les chefs de ceux qui avaient été leurs égaux. Il se forma donc chez toutes les nations policées, une classe première qui constitua les notables, et servit de souche à ce qu'on appela depuis noblesse, chez les anciens et les modernes. Car, quoique tous les hommes soient universellement de même espèce et de même condition dans les principes de la nature, il y a, néanmoins parmi eux certains avantages particuliers qui servent à les distinguer dans la société civile; et l'on doit nécessairement accorder plus de respect, d'estime et d'affection à ceux qui par leurs vertus, leur capacité et leur dévouement sans borne aux intérêts de la patrie, méritent d'être éle

vés au rang des citoyens les plus recommandables, qu'à ceux qui, restés dans la foule, se sont livrés à la manutention des choses ordinaires, ou qui, frappés d'ignorance, sont réduits constamment à ne jamais sortir de leur condition, trop heureux encore lorsque ceux-ci n'encourent pas le blâme de la société par des vices ou de coupables passions !.

Les peuples les plus anciens nous montrent tous une noblesse; elle est signalée chez les Hébreux par ce passage du Deutéronome: Tulique tributis vestris viros sapientes et NOBILES, et constitui eos principes, tribunos et centurios, etc.

Chez les Israélites, on considérait comme nobles ceux qui par leur mérite étaient distingués du commun; ils furent établis princes des tribus pour gouverner le peuple; l'ancienne loi reconnaissait une sorte de noblesse aux aînés des familles, et à ceux qui étaient destinés au culte des autels et à l'administration des temples.

Thésée donna chez les Grecs la première idée de la noblesse; il sépara le peuple d'Athènes en deux classes, et distingua les nobles des artisans, choisissant les premiers pour être chefs de la religion, et les déclarant seuls capables d'être élus magistrats.

Solon, autre législateur d'Athènes, et issu du sang des Rois, donna à sa patrie un nouveau gouvernement, basé sur les principes d'une démocratie tempérée; il sut encore la mitiger par l'établissement de cinq cents sénateurs; mais trouvant trop d'obstacles à établir une parfaite égalité entre les citoyens, il laissa les dignités, les commandemens, les charges et les honneurs aux no

bles et aux riches, qui en avaient toujours été en possession. C'était du corps de la noblesse que se tiraient les Archontes, les juges de l'Areopage, le Sénat des cinq cents, enfin tous les grands magistrats et les généraux d'armée. Solon ne laissa au peuple que les charges lucratives et peu honorables, avec le droit de suffrage dans les assemblées.

Il y avait aussi à Athènes un ordre de Chevaliers; pour y être admis, il fallait avoir trois cents mesures de revenu, et pouvoir être en état de nourrir un cheval de guerre.

Chez les Romains, la noblesse dut son origine à Romulus. Ce prince, dans le premier partage qu'il fit de ses sujets, régla entre eux les rangs, les honneurs et les emplois. Il forma le corps de la noblesse de personnes distinguées par leur mérite, leurs services et leurs richesses; il leur donna le nom de pères, et en forma un sénat ou conseil public de la nation. Tout le reste de la nation s'appela peuple (plebs); c'est de là que vint dans la suite la distinction de patriciens et de plé béiens.

Mais ensuite, le fondateur de cette république choisit dans son armée trois cents des plus braves et des plus vaillans, pour être auprès de sa personne, et lui servir de gardes. Ceux-ci firent l'ordre des Chevaliers, qui tenaient le second rang entre les sénateurs et les plébéiens. Ils furent nommés Celeres, ou à cause de leur vigilance dans la garde du Roi, et dans la conservation de la république, ou parce que le premier préfet des chevaliers s'appelait Fabius Celer.

Tarquin-le-Superbe augmenta les Chevaliers jus

qu'au nombre de six cents. Après que ce roi, à cause de ses violences et de son orgueil insupportable, eut été chassé de Rome, Junius Brutus choisit trois cents chevaliers pour réparer le sénat, presque entièrement détruit, et ils prirent place parmi les sénateurs.

Dans la suite, Caïus, frère de Tibère, et quelque temps après Lucius Drusus, tribun du peuple, confondirent en quelque sorte l'ordre des Sénateurs avec celui des Chevaliers. Il y eut encore plusieurs changemens dans l'ordre des Chevaliers. On le divisa en plusieurs classes, et on leur donna divers noms. Les plus illustres furent ceux qu'on appela, Petræ, Fabiani, Augusti. Ces derniers furent institués par l'empereur Néron.

Par succession de temps, les descendans des premiers Sénateurs, qu'on appelait Patriciens, étaient les seuls qui fussent habiles à être nommés Sénateurs, et conséquemment, à remplir toutes les dignités et charges qui étaient affectées aux Sénateurs, telles que celles des sacrifices, les Magistratures, enfin l'administration presque entière de l'État. La distinction entre les plébéiens et les patriciens était si grande, qu'ils ne prenaient point d'alliance entre eux, et quand tout le peuple était convoqué, les Patriciens étaient appelés chacun par leur nom et par celui de l'auteur de leur race, au lieu que les Plébéiens n'étaient appelés que par Curies, Centuries ou tribus.

Les Patriciens jouirent de ces prérogatives tant que les Rois se maintinrent à Rome; mais après l'expulsion de ceux-ci, les plébéiens qui étaient en plus grand nombre que les patriciens, acquirent tant d'autorité qu'ils

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