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points difficiles d'un tracé ou d'un travail; il indiquait et expliquait sur place les solutions à adopter, et ce, après avoir soigneusement recueilli et pesé les avis de ses subordonnés. Tous ses anciens collaborateurs sont unanimes à dire qu'on ne pouvait l'accompagner sur le terrain sans être frappé de la netteté et de la précision de ses instructions ainsi que de la facilité avec laquelle il savait trouver la solution heureuse et économique pour adapter les ouvrages au terrain rencontré.

Ainsi que nous l'avons dit, son service de constructions s'est étendu sur une longueur considérable comprenant les lignes d'Auxerre à Gien (91 k.), de Tréguères à Clamecy (76 k.), d'Avallon à Nuits-sous-Ravières (40 k.), de Tamnay à Château-Chinon (23 k.), de Cosne à Clamecy (61 k.), de Bourges à Gien (84 k.), d'Argent à Beaune-la-Rolande (71 k.), de Bourges à Cosne (67 k.).

Ces lignes 'furent toutes conçues et exécutées par M. LETHIER et ses collaborateurs, avec une unité de vues remarquable, et l'on peut aujourd'hui constater l'heureux effet produit par l'application, dans la construction des ouvrages d'art, des deux principes adoptés par eux grandes lignes bien dessinées et masses convenablement réparties. Ils sont toujours simples, presque sans décoration et d'un prix de revient peu élevé, eu égard aux difficultés du terrain.

Les lignes de Bourges à Cosne et de Gien à Argent nous semblent mériter une mention toute particulière, et nous en rappelons ciaprès les caractéristiques et les difficultés.

Ligne de Bourges à Cosne. Sa longueur est de 67 k. 062,40, et les dépenses d'infrastructure se sont élevées à 12.492.000 fr. soit 206.000 fr. par kilomètre. Dans toute la région traversée se rencontrent de mauvais terrains, tels que les argiles à silex de l'Eocène, les marnes à ostracées, les argiles de Myennes et le Kimméridien. Des travaux de consolidation importants ont dû être exécutés pour assurer la stabilité de la voie ferrée dans certaines tranchées ou remblais, et les résultats obtenus par M. LETHIER ont été des plus satisfaisants.

Les ouvrages d'art sont nombreux et variés.

Nous citerons les viaducs de Thauvenay, de Monteréol, de l'Etang,

de Saint-Satur, de Moultonneaux, et surtout le grand pont métallique qui franchit la Loire et sa vallée submersible, au moyen de 14 travées de 57,96 de portée entre les axes des appuis; sa longueur totale est de 826 mètres entre culées.

Ligne de Gien à Argent. -- Sa longueur totale est de 22 k. 957, et les dépenses se sont élevées à 5.316.000 francs correspondant à 242.463 francs par kilomètre.

Du kil. O au k. 2 et du k. 7 au k. 23, la ligne traverse des argiles à silex de la Sologne; d'intéressants travaux de consolidation des tranchées et remblais ont été exécutés avec un plein succès.

L'ouvrage important de la ligne est celui qui traverse le val de la Loire; il se divise en 3 parties:

Viaduc de rive droite (quinze arches en plein cintre de 16 m. d'ouverture);

Pont métallique sur la Loire (cinq travées droites de 54 m. 30 et deux de 43 m. 65);

Viaduc de rive gauche (trente arches elliptiques de 16 m, quinze de 15 m, quinze de 14 m, et dix de 13m).

Le viaduc de rive gauche est particulièrement satisfaisant comme aspect, grâce aux heureuses proportions des arches dont l'ouverture varie avec la hauteur des piles.

Ce trop bref résumé ne peut donner qu'une idée bien raccourcie de l'œuvre de M. LETHIER, en tant que constructeur, et nous devons ajouter que, lorsqu'en 1895, le Gouvernement en le nommant Inspecteur Général le chargea de la Direction du Contrôle du Midi, ce choix fut unanimement approuvé par ses collaborateurs heureux de voir, malgré le regret que leur causait son départ, leur chef aimé et estimé promu au grade supérieur.

C'est en cette qualité qu'il fut chargé, par M. Turrel, Ministre des Travaux publics, de se mettre en rapport avec les propriétaires du canal du Midi et d'étudier sous quelles conditions cette ligne de navigation pourrait devenir libre, au moyen d'une indemnité de rachat. Il devait, en même temps, s'efforcer d'amener la Compagnie des Chemins de fer du Midi à s'entendre avec l'Etat sur les conditions de l'abandon de la concession du canal latéral à la Garonne,

et de la transmission immédiate des droits que la Compagnie pouvait exercer, à cette époque, sur l'exploitation du canal du Midi.

Le 16 octobre 1896, il fut appelé, par la confiance du Gouvernement, à la Direction des Chemins de fer, au Ministère des Travaux publics et, pendant 3 années, y montra que ses qualités d'administrateur étaient à la hauteur de la réputation qu'il s'était acquise comme constructeur au cours de sa carrière toute de labeur et d'activité.

En particulier, en ce qui concerne le rachat du canal du Midi, il put continuer une œuvre qu'il connaissait déjà parfaitement. Il prépara, par de laborieuses négociations, le projet de loi approuvant la double convention passée entre le Ministre et les Compagnies intéressées, ayant pour but le retour à l'Etat du canal du Midi, l'indemnité de dépossession devant être constituée par un titre de rente perpétuelle, dont le montant serait fixé par une commission arbitrale. Cette convention prenait soin de sauvegarder les pensions dues au personnel du canal du Midi.

Avec une activité inlassable, M. LETHIER documenta les rapporteurs du projet à la Chambre des Députés et au Sénat. La loi fut promulgée le 27 novembre 1897, et il eut postérieurement à suivre les travaux de la Commission arbitrale et à préparer les instructions ministérielles à donner au représentant de l'Etat.

Rentré, le 24 janvier 1899, dans le cadre ordinaire des Inspecteurs généraux des Ponts et Chaussées, il prit successivement les 2o, 3o et 1° Inspections du service ordinaire.

En 1903, tout en restant chargé de la 1re Inspection, il fut nommé Inspecteur général de 1re classe, et, peu après, désigné pour présider la 4o section du Conseil général des Ponts et Chaussées (Chemins de fer d'intérêt général).

Il y trouva de nombreuses occasions de faire apprécier, de même que dans les délibérations du Conseil, ses remarquables facilités d'assimilation, la netteté de ses vues et la promptitude de son jugement.

C'est surtout dans la 1re Inspection, — qu'il a conservée de 1901 à 1909, c'est-à-dire jusqu'à sa mise à la retraite, qu'il eut à s'occuper des questions intéressant la Route. En effet, la 1re Inspection

comprend Paris et les 3 départements qui l'entourent: Seine, Seineet-Oise et Seine-et-Marne, c'est-à-dire ceux dans lesquels la circulation routière est particulièrement intense et ceux aussi qui ont particulièrement à souffrir de la circulation des automobiles, de plus en plus nombreuses.

Les Ingénieurs en chef des 3 départements n'avaient cessé, depuis plus de dix années, de signaler à M. le Ministre des Travaux publics les graves dommages que subissaient les Routes natonales du fait des nouveaux modes de locomotion, et M. l'Inspecteur général LETHIER avait, en toute occasion, appuyé ces doléances de sa haute autorité.

C'est pourquoi, quand, sous l'inspiration de M. CHARGUERAUD, Conseiller d'Etat, Directeur des Routes, de la Navigation et des Mines au Ministère des Travaux publics, M. Louis BARTHOU, Ministre des Travaux publics, des Postes et des Télégraphes, décida de provoquer la réunion à Paris d'un Congrès international de la Route, il ne crut pas pouvoir faire un meilleur choix, pour présider les travaux de la Commission d'Organisation, que d'associer dans un commun effort M. l'Inspecteur Général LETHIER avec MM. BALLIF, Président du Touring-Club de France, et de ZUYLEN de NYEVELT, Président de l'Automobile-Club de France.

M. LETHIER a su grouper autour de lui toutes les bonnes volontés, tous les défenseurs de la Route et, grâce à leur concours et en particulier, à l'appui des représentants de la Ville de Paris et du département de la Seine, le succès couronna ses efforts et ceux de la Commission d'organisation, et le 1er Congrès de la Route s'est ouvert à Paris, le 12 octobre 1908, devant une affluence exceptionnellement nombreuse. 28 Gouvernements s'y sont fait représenter officiellement, et les 2.411 membres inscrits étaient de 33 nationalités différentes. Les membres présents à Paris dépassaient 1.600, montrant ainsi toute l'intérêt que soulevaient les questions posées et témoignant mieux que le feraient tous les discours et tous les écrits, que le 1er Congrès de la Route venait à son heure. M. LETHIER, aussi bien dans les discussions techniques qu'au cours des réceptions de toute espèce, sut faire apprécier par tous, avec son affabilité souriante, sa connaissance approfondie des choses de la Route. Aussi, lorsque le jour de la clôture du Congrès, quelques membres, et non des moindres, proposèrent de créer une

Association Internationale Permanente chargée de réunir les Congrès futurs, l'Assemblée plénière le désigna-t-elle par acclamation comme Président du Bureau exécutif. Il lui semblait que nul n'était mieux qualifié pour étudier avec les Gouvernements, les Associations et les Techniciens de tous les pays, les moyens à employer pour maintenir une collaboration intime et féconde entre tous ceux qui s'intéressent aux choses de la Route.

M. LETHIER n'a pas hésité à accepter cette lourde tâche, et, sous sa forte direction, le Bureau, exécutif a pu, le 29 mars 1909, faire approuver, par la première Commission Internationale Permanente, le règlement définitif de l'Association. En même temps, il proposait à la Commission de décider que le 2o Congrès de la Route serait tenu à Bruxelles, au cours de l'Exposition Universelle qui devait y avoir lieu en 1910.

Dès l'année 1909, les divers Gouvernements commençaient à envoyer leur adhésion officielle et définitive à l'Association et, au 31 mai 1911, elle comptait 29 Etats, 191 collectivités et 752 membres individuels. Le Gouvernement français ne pouvait qu'être heureux des résultats obtenus par M. LETHIER et ses collaborateurs et, lors de la promulgation du projet de loi accordant un certain nombre de décorations dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur aux organisateurs du 1er Congrès, M. LETHIER fut promu au grade de Commandeur.

Son zèle pour les intérêts de l'Association allait toujours croissant, et c'est avec ardeur qu'il s'était mis au travail en vue de la réunion du 2o Congrès, fixée au 31 juillet 1910.

Le succès a encore cette fois répondu à ses efforts et, lors de l'ouverture du 2o Congrès, la Commission permanente a pu, avec un légitime orgueil, se féliciter des progrès réalisés dans la situation morale et financière de l'Association.

Malheureusement, son Président n'a pas survécu à ce triomphe. Profondément atteint, dès le mois de mars 1910, du mal qui l'a enlevé, il s'est éteint le 1er septembre, emportant l'affectueuse estime de tous ceux qui l'ont approché. Son nom restera toujours attaché à la fondation de l'Association, et les générations futures garderont

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