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ou les distractions ont duré un certain temps, au moins quelques heures. De là, comme le pensent assez communément les théologiens, le pénitent est obligé d'exprimer, autant que possible, le nombre des actes auxquels il a consenti, en disant le nombre de fois qu'il a renouvelé son consentement; et s'il ne peut le faire avec précision, il doit déclarer le temps pendant lequel les actes se sont multipliés, en faisant connaitre si les interruptions, sans parler de celles qui proviennent naturellement du sommeil, ont été rares ou fréquentes. Cependant il ne faudrait pas exiger cela, si tous les actes procédaient d'un même mouvement de concupiscence, parce que ces mêmes actes, quoique séparés par un court intervalle, ne constituent qu'un seul péché (1). »

7. II. Lorsque ces actes intérieurs procèdent tous d'un premier dessein, et tendent à la consommation du même crime, ils ne forment qu'un seul péché, tant que l'intention de laquelle iis dépendent n'est point ré voquée. Ainsi, celui qui, dans un mouvement de fureur et de vengeance, prend la résolution de tuer son ennemi, dispose tout en conséquence, va le chercher, l'attend, l'attaque, le combat, le frappe et le tue, ne commet qu'un péché, quoique peut-être, durant le temps qu'il a employé à le commettre, il lui soit survenu diverses pensées sur d'autres objets.

« De même, suivant plusieurs docteurs, il est probable que le voleur qui persévère, même pendant un temps considérable, une année, par exemple, dans l'intention qu'il a eue en volant, de ne pas restituer la chose volée, ne se rend coupable que d'un seul péché. La raison qu'on en donne, c'est que la détention volontaire n'étant point rétractée fait subsister virtuellement la première volonté (2). » (Ibid., n. 257, 258.)

Les actes intérieurs soutenus par les actions extérieures peuvent être interrompus de deux manières : 1° par la rétractation de la volonté, 2° par la cessation volontaire, ce qui arrive quand on abandonne librement le mauvais dessein qu'on avait formé. Si on le reprend de nouveau, on commet un nouveau péché.

8. III. « Les actes extérieurs sont moralement interrompus, quand ils ne tendent pas à l'exécution d'un fait principal, qu'ils ne se rattachent pas à un acte complet. Par exemple, si quelqu'un frappe son ennemi plusieurs fois, successivement et à différentes reprises, sans avoir l'intention de le tuer, tous ces coups sont autant de péchés, parce que chaque acte a sa malice complète et distincte. Idem dicendum de tactibus turpibus, adhibitis sine animo coeundi.

Mais les actes extérieurs peuvent se réunir à un seul acte complet et ne former qu'un

(1) S. Liguori, Instruct. pratiques pour les confeseurs, des Péchés, n. 50.

(2) S. Alphonse de Liguori, Theol. moral., de Peccatis, n. 40.

seul péché, en deux manières : 1° s'ils procèdent de la même impulsion, comme lorsque, dans le premier élan de la passion on réitère son acte, on frappe son ennemi plusieurs fois en même temps, on se permet plusieurs libertés criminelles sur soi ou sur un autre; 2° si les actes extérieurs tendent à la consommation d'un même crime, comme dans celui qui prend ses armes, cherche son ennemi, lui donne plusieurs coups et le tue. Ita etiam, si quis ad copulam consummandam præmittit tactus, oscula, et sermones, sufficit, si confiteatur tantum copulam obtentam. Utrum autem explicandi sint tactus qui statim copulam sequuntur? Respondetur negative, semper ac tactus (et idem est de complacentia quæ habetur de copula) statim post copulam habeantur, et non dirigantur ad novam copu lam consummandam: quia tunc verosimiliter tactus illi adhibentur ad primæ copulæ complementum (3).

« Mais les différents moyens extérieurs employés pour consommer le péché, comme sont les paroles obscènes, les voyages dans une maison de débauche, la préparation des armes pour assouvir une vengeance, et autres actes semblables, doivent être regardés comme autant de péchés distincts, quand le crime qui est l'acte principal n'a pas été consommé. On est obligé par conséquent de les faire connaître en détail à son confesseur. Item, si quis habens oscula, tactus, etc., noluisset ab initio copulam, sed postea ob libidinem auctam copulam perfecerit, non sufficit, si tantum copulam confiteatur ; tunc enim omnes actus tanquam distincta peccata debent explicari, quia cum in illis sistitur, quivis actus habet in se malitiam suam consummatam (4).» (Mgr Gousset, ibid., n. 258-260.) 2. Une seule action peut-elle produire plusieurs ac

les humains?

9. Souvent un seul acte viole plusieurs demande s'il y a réellement plusieurs actes droits et remplit plusieurs devoirs. De là on humains. Nous restreignons la question aux seuls actes peccamineux.

<< Suivant le sentiment le plus commun, dit Mgr Gousset (Théolog. mor., n. 261, 262), celui-là commet plusieurs péchés, 1° qui d'un seul coup donne la mort à plusieurs ; 2 qui par un seul discours scandalise ou diffame plusieurs personnes; 3° qui par le même vol fait tort à plusieurs; mais cela ne s'entend pas du cas où quelqu'un volerait les biens d'un monastère, d'un chapitre, d'une commune; car les biens d'une communauté n'appartiennent à personne en particulier; 4 qui conjugatus copulam habet cum conjugata; duplicem enim committit injustitiam, unam quia violat jus suæ uxoris, alteram quia cooperatur ut illa violet jus sui mariti; 5° qui par un seul acte de la volonté se propose d'omettre plusieurs jours de suite, sans né

(3) S. Liguori, de Peccatis, n. 41; et Instruct prat. pour les Confesseurs, des Péchés, n. 54. (4) S. Liguori, de Peccatis, n. 43.

cessité, le jeûne ou un office d'obligation. Il en est de même de celui qui désire du mal à plusieurs. Ilem, si quis unico actu cupiat ad plures feminas, aut pluries ad eamdem accedere; tanto magis si eadem nocte pluries eamdem feminam cognoscat; quælibet enim fornicatio habet suum terminum comple

tum.

<< Mais, suivant le sentiment assez probable de plusieurs théologiens, on ne commet qu'un seul péché, en niant par un seul acte plusieurs articles de foi, ou en diffamant son prochain en présence de plusieurs personnes. De même, le prêtre qui, étant en état de péché mortel, administre en même temps la sainte communion à plusieurs fidèles, ne se rend coupable que d'un seul sacriJége; car alors il n'y a qu'une seule administration, qu'un seul banquet. Mais si un confesseur qui n'est pas en état de grâce donnait l'absolution à plusieurs pénitents, il commettrait autant de sacriléges qu'il accorde rait d'absolutions, parce que chaque absolution peut être regardée comme un acte distinct (1). »

DISTRACTION

C'est le défaut d'attention nécessaire pour l'accomplissement d'un acte. Voy. ATTENTION, n. 6 et suiv.

DISTRIBUTIVE (JUSTICE).

Voy. JUSTICE Distributive.

DISSOLUTION DU MARIAGE DES INFIDÈLES.

Voy. MARIAGE DES INFIDÈLES.

DIVINATION.

C'est l'art de deviner et de connaître l'avenir par des moyens superstitieux. Cet art chimérique et criminel, enfanté par la vaine curiosité des hommes, fut longtemps en vogue chez les nations les plus policées. On sait combien les Grecs et les Romains étaient entêtés de leurs présages et de leurs augures. Cependant les plus sages d'entre eux s'en moquaient intérieurement; et s'ils ne disaient pas librement ce qu'ils en pensaient, c'était de peur de choquer le peuple: ce qui n'a pas empêché qu'ils ne se soient échappés quelquefois jusqu'à plaisanter ouvertement sur la fureur que le peuple avait de vouloir tirer des présages de tout. Un homme étant venu dire à Caton que les rats avaient mangé ses souliers pendant la nuit, et ayant demandé quel signe c'était? « Je ne vois rien dans cet événement qui ne soit très-naturel, répondit Caton; mais si vos souliers avaient mangé les rats, cela serait fort extraordinaire et pourrait signifier quelque chose. >> Qui croirait que, dans un siècle tel que le nôtre, la divination fût encore en usage, si on ne savait que le peuple est presque toujours le même dans tous les temps, et ne se ressent presque pas de l'augmentation de lumières que reçoivent les gens instruits? Il y a encore une infinité de choses

(1) S. Liguori, de Peccatis, n. 45, etc.

naturelles et indifférentes que le vulgaire su perstitieux interprète sérieusement, soit en bien, soit en mal c'est particulièrement parmi les femmes que se conservent ces resles de barbarie. On voit à Paris la plupart des femmes d'un certain état chercher à connaître, par le moyen de certaines combinaisons de cartes, ce qui doit leur arriver, et faire de celle recherche puérile et ridicule leur plus agréable occupation lorsqu'elles se trouvent seules.

Il y a une divination naturelle, raisonnable et permise: c'est celle qui consiste à prédire, par exemple, la pluie ou le beau temps, le calme ou la tempête, par l'observation des signes qui, dans le cours ordinaire de la nature, ont coutume de précéder telle ou telle variation dans l'air. Mais toutes les autres espèces de divination, qui sont artificielles et imaginées par la superstition, ne peuvent être pratiquées innocemment telle est, entre autres, la divination des événements ou des rencontres. Ceux-là s'en rendent coupab'es, qui croient qu'on sera malheureux à la chasse si l'on rencontre un moine, et qu'on sera heureux si l'on aperçoit une femme débauchée ou si l'on s'entretient de choses déshonnêtes; qu'il leur arrivera du malheur si étant à table on renverse la salière, si l'on fait tomber du sel devant eux, si l'on répand du vin sur leurs chausses, si l'on met des couteaux en croix, si l'on marche sur des fétus disposés de certaine manière; que c'est une chose de mauvais augure quand, dans une maison, la poule chante avant le coq, et la femme parle avant son mari; que quand une femme nouvellement accouchée prend pour marraine de son enfant une femme grosse, l'un ou l'autre des deux enfants ne vivra pas longtemps; que de deux personnés mariées ensemble, celle-là mourra la première, du nom et du surnom de laquelle les lettres se trouveront en nombre non pair; que pour savoir si un malade mourra de la maladie dont il est travaillé, il n'y a qu'à lui mettre du sel dans la main, et que si le sel fond, c'est une marque qu'il en mourra, mais que s'il ne fond pas, c'est une marque qu'il n'en mourra pas, etc., etc.

Telle est encore la divination qui se fait par les songes. Quelque ridicule et quelque superstitieuse qu'elle soit, on trouve encore des gens qui se persuadent que si en révant on passe un pont rompu, c'est un présage de danger; que si l'on perd ses cheveux, cela signifie que quelque ami est mort; que si on lave ses mains, c'est signe d'ennui et de chagrin; que si on les voit sales, c'est un présage de perte ou de danger; que si l'on garde des troupeaux de moutons, on aura de la douleur; que si l'on prend des mouches, on recevra quelque injure; que quelque proche parent est mort ou mourra bientôt, lorsqu'on songe la nuit qu'on a perdu une dent, etc., etc. Nous traitons des autres espèces de divination, chacune à son article.

DIVISIBLE (Obligation).

Voy. OBLIGATION, n. 18.

DIVORCE.

Bergier ayant suffisamment traité cet article, nous nous contentons de rapporter une page de M. Treplong, qui nous paraît propre à faire comprendre ce que le divorce a de contraire au droit naturel.

« Le divorce, dit M. Troplong, a été un grand sujet de combat entre le droit civil de Rome et le christianisme. Nulle part la philosophie chrétienne n'a rencontré autant de résistance et de difficultés.

<< Dans les idées que les Romains attachaient au mariage, le divorce était un événement logique, dont les mœurs pouvaient seules tempérer les excès. Aux temps héroïques, lorsque le pouvoir du mari s'étendait jusqu'au droit de vie et de mort sur sa femme en puissance, pourquoi n'aurait-il pas pu la répudier? La femme n'était, à vrai dire, qu'une chose dont le mari avait la propriété; et s'il ne pouvait la vendre, du moins lui était-il permis non-seulement de s'en séparer par le divorce, mais même de la céder solennellement à l'ami ou au rival qui convoilait sa main. Caton transféra Marcia, son épouse, à son ami Hortensius, qui la reçut en légitime mariage pour avoir de légitimes enfants; et Strabon, qui rapporte ce fait, ajoute que Caton ne fit que se conformer à une ancienne coulume, attestée d'ailleurs par Plutarque, et que l'on retrouve à Sparte sur les débris de la nature et de la pudeur. Auguste en profita pour enlever Livie à Tibérius Néron, son époux. Pour donner une couleur honnête à ce honteux commerce, une fiction bizarre empruntait à la puissance paternelle ses saintes prérogatives : l'on supposait que le mari, père adoptif de la femme, disposait de sa main comme le père qui donne à sa fille une dot et un époux.

« Puis, si l'on veut se placer au point de vue qui considère le mariage comme un de ces contrats consensuels dont la volonté fait la base, la conséquence n'est-elle pas qu'une volonté contraire peut le dissoudre? Je ne sais s'il est vrai, comme l'assurent des historiens, que le divorce, quoique permis à Rome, ne commença à y être pratiqué que vers l'an 533. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'à partir de cette époque il déborde sur la société romaine et se montre comme l'un de ses fléaux. Rappelons quelques traits saillants de cette histoire.

<< Dans l'oraison pour Cluentius Avitus, Dous voyons une mère provoquer son gendre au divorce, et l'épouser effrontément quand il a rompu son mariage avec sa fille. «Cicéron, malgré ses vertus, répudia Térentia pour se mettre en état de payer ses dettes en épousant une seconde femme. Paul Emile avait divorcé avec la sage et belle Papyrie, sans autre raison que celle-ci : « Mes souliers sont neufs et bien faits, et cependant je suis obligé d'en changer; nul ne sait que moi où ils me blessent. » Comme je l'ai lit plus haut, Auguste prit Livie des mains

de son époux, qui consentit à s'en séparer pour condescendre à l'amour adultère de l'empereur. Elle était grosse de six mois. Mécène était célèbre par ses mille mariages et ses divorces quotidiens. Tantôt on répudiait sa femme par inimitié pour sa famille, tantôt parce qu'elle était vieille. Malheur à l'épouse dont la beauté venait à se ternir! « Faites vos préparatifs de départ, » venait lui dire l'affranchi chargé de lui porter le libelle de répudiation; « partez, votre aspect nous dé goûte: vous vous mouchez si souvent! Par tez, vous dis-je, et sans délai; nous attendons un nez moins humide que le vôtre. »

« Enfin (et ceci est le comble de l'opprobre), comme le mari gagnait la dot lorsque le divorce avait lieu pour l'inconduite de la femme, il arrivait que les gens qui voulaient faire fortune prenaient pour épouses des femmes impudiques, pourvu qu'elles eussent du bien, afin de les répudier ensuite sous prétexte de leurs déréglements!

« De leur côté, les femmes, voyant qu'elles n'étaient protégées ni par leur vertu ni par leur affection, se livraient sans retenue aux plus épouvantables déportements; et ceci est une nouvelle preuve de cette vérité, qu'atteste l'expérience de tous les temps, c'est que l'excès du divorce conduit la femme à l'adultère. On les voyait donc afficher la même licence que les hommes, partager leurs orgies, défier les plus intrépides à qui chargerait son estomac de plus de vin et d'aliments, les surpasser même par les raffinements de leur luxure, sauf à payer par des infirmités précoces et par des maladies étrangères à leur sexe la peine de ces vices, que leur sexe n'aurait pas dû connaître. L'adultère semblait n'être plus un crime depuis que Clodius l'avait fait servir à se laver de ses adultères profanations. « A-t-on aujourd'hui la moindre honte de l'adultère? disait Sénèque; la chasteté n'est plus qu'une preuve de laideur. L'adultère, quand il se borne à un seul amant, est presque un mariage. »

« Sénèque s'écrie, dans son traité des Bienfaits: « Quelle femme rougit à présent de divorcer, depuis que certaines dames illustres ne comptent plus leurs années par le nombre des consuls, mais par le nombre de leurs maris? Elles divorcent pour se remarier, elles se remarient pour divorcer. On craignait cette infamie alors qu'elle était peu connue maintenant que les registres publics sont couverts d'actes de divorce, ce qu'on entendait si souvent répéter on s'est instruit à le faire. » Ainsi parle Sénèque; el après l'avoir entendu, je n'accuse plus Martial d'exagération quand il reproche à la loi d'avoir organisé l'adultère. » (Troplong, Influence du christianisme sur le droit romain.)

Les empereurs firent vainement des lois pour atténuer le mal. Il fallut que le christianisme vint apporter au monde cette grande maxime annoncée dans le sermon sur la montagne : « Et moi je vous dis que celui qui aura épousé celle que son mari aura renvoyée commet un adultère. » Cette maxime était tellement nouvelle, qu'elle troubla les

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1. Au mot MAÎTRE, nous avons considéré les rapports mutuels des maîtres et des serviteurs; nous nous contentons ici d'envisager l'état de domesticité, 1° sous le point de vue des devoirs que la religion et la raison lui imposent; 2° sous le rapport de la législation civile.

2. I. Les devoirs des serviteurs à l'égard de leurs maîtres peuvent se réduire à trois, le respect, la fidélité et l'obéissance.

C'est dans le respect qu'un bon serviteur puisera toutes les qualités qui font remplir exactement les devoirs de cet état. Vous, serviteurs, dit l'apôtre saint Paul, obéissez à vos maîtres avec crainte et respect dans la simplicité de votre cœur, comme à JésusChrist même (Ephes. VI, 5).

3. La fidélité oblige les serviteurs à avoir soin des biens de leurs maîtres, de les ménager, d'empêcher qu'on ne leur fasse aucun tort: elle ne leur permet pas d'en rien prendre pour se le rendre propre, sous quelque couleur que ce soit. Il y en a plusieurs qui se persuadent qu'ils peuvent prendre en secret pour s'indemniser de l'insuffisance de leurs gages. Innocent XI a condamné cette proposition: ◄ Les serviteurs et les servantes domestiques peuvent prendre en cachette à leurs maîtres de quoi récompenser le service qu'ils leur rendent, lorsqu'ils le jugent plus grand que les gages qu'ils en reçoivent. » Voy. Com

PENSATION.

4. Le serviteur doit obéir conformément aux conventions arrêtées, ou s'il n'y a pas de convention, conformément aux usages. Ils ne doivent pas faire leur service seulement par la nécessité de leur condition, mais par amour de leur devoir. Obéissez, dit saint Pierre, obéissez à vos maîtres, non-seulement lorsqu'ils sont doux et bons, mais encore à ceux qui sont rudes et fâcheux. (I Epist. 11, 18). L'obéissance elle-même a ses bornes : un serviteur ne peut obéir à un maître qui

lui commande quelque chose d'essentiellement mauvais. Lorsque la chose n'est pas essentiellement mauvaise, qu'elle est seulement défendue de droit positif, on tolère, lorsqu'il y a nécessité, la non-exécution de la loi. Il faut que la nécessité soit proportionnée à l'importance de la loi. Nous avons parlé spé cialement de la conduite que doit tenir un serviteur à qui on veut faire violer l'abstinence, ou qu'on force à travailler le dimanche. Voy. ABSTINENCE et OEUVRES SERVILES.

5. Il y a des serviteurs qui aident leurs maîtres dans leurs poursuites honteuses. Voici une proposition condamnée par Innocent XI, qui en dira plus que tous les commentaires. « Un serviteur qui avec connaissance aide son maître en lui prêtant ses épaules pour passer par une fenêtre, à dessein d'abuser d'une vierge, et qui lui sert plusieurs fois en portant une échelle, en ouvrant une porte, ou faisant quelque autre chose semblable, ne pèche pas mortellement s'il fait cela par crainte d'un dommage considérable, par exemple, par peur d'être maltraité de son maître, d'être regardé de travers ou d'être chassé de la maison. » — Liguori observe que la proposition ne parle pas de la mort, et il pense que si la vie était en péril, un serviteur pourrait dans ce cas prêter ses épaules à son maître, parce que cette action n'est pas mauvaise en elle-même.

Quant aux actions qui n'ont qu'un rapport très-éloigné avec le crime, comme de caparaçonner un cheval, de nettoyer les habits de son maître, un domestique peut le faire, s'il y a de graves inconvénients à omettre cette partie de ses devoirs. Quant aux autres actions qui ont un rapport plus direct avec le vice, nous avons tracé au mol COOPERATION, n. 3 et suiv., la conduite que doit tenir une personne qui se trouve dans la nécessité de coopérer au péché d'autrui.

6. II. Le domestique ne peut engager ses services qu'à temps (Art. du Cod. civ. 1780). -On distingue deux sortes de serviteurs; les uns sont spécialement attachés au maitre, et les autres au service de la campagne Ils ont le même domicile que le maître (Art. 109). L'exercice des droits de citoyens est suspendu par l'état de domesticité attaché au service de la personne ou du ménage (Loi du 22 frim. an vin). Un domestique ne doit point être porté sur le contrôle de la garde nationale (Loi du 22 mars 1831, art. 20).

Les maîtres peuvent renvoyer les domestiques employés à la maison, quand bon leur semble, comme ceux-ci peuvent sortir quand ils veulent, en payant ou en exigeant une partie des gages proportionnelle à la durée du service. Il est d'usage, dans plusieurs localités, que les maîtres préviennent buil jours à l'avance les serviteurs qu'ils veulent mettre dehors, ou, s'ils les mettent à la porte de suite, de leur payer huit jours de gage el la nourriture pendant ce temps, à moins qu'ils ne les renvoient pour des motifs graves. Dans ce cas, ils ne doivent point d'in demnité. Il est encore d'usage, quand on ren

voie un domestique hors du lieu où on l'a pris, de lui fournir les moyens de retourner dans ce lieu. Si c'était le domestique qui voulût quitter son maître, celui-ci ne serait pas astreint aux frais de voyage.

7. Les domestiques attachés à la culture des champs ne peuvent, à cause de la nécessité des travaux, quitter leurs maîtres avant l'expiration du temps convenu, sous peine de dommage-intérêt. Cette obligation est réciproque (Henrion de Pensey).

Pothier décide que si un domestique fait une longue maladie chez son maître, celui-ci peut retenir une partie proportionnelle de son gage. Il n'en serait pas de même si la maladie n'avait été que de quelques jours. En faisant leur convention, on a dû compter sur une pareille indisposition.

Le maître est aussi responsable des dommages causés par ses domestiques dans les fonctions auxquelles il les a employés (Cod. civ., art. 1384).

8. Les affaires concernant les gages des domestiques et l'exécution de leurs engagements sont portées par-devant le juge de paix, qui juge sans appel, lorsque la somme ne dépasse pas 100 fr., et avec appel, lorsqu'elle est plus élevée (Loi du 25 mai 1838).

Le maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, pour le payement du salaire de l'année, et pour les à-compte des années courantes (Cod. civil, art. 1781).L'action des domestiques à gage se prescrit par un an. (Art. 2272). Ils ont la faculté de déférer le serment à leurs maîtres sur la réalité du jugement (Art. 2275). Ils ont un privilége sur ses biens pour le payement de l'année échue et pour ce qui est échu de l'année courante (Art. 2101, 2104).

La peine de réclusion est prononcée contre les domestiques coupables de vol (Cod. pén., art. 385), Voy. ABUS DE CONFIANCE; celle des travaux forcés en cas de viol sur la personne qu'ils servent (Art. 333). La même peine est prononcée contre le maître qui se rendrait coupable du même crime sur sa domestique (C. cass., 26 déc. 1826). On peut récuser, en matière civile, le témoignage des domestiques (Cod. proc. civ., art. 233). DOMICILE.

1. C'est le lieu où on a son principal établissement (Cod. civ., art. 102). Le droit romain définissait le domicile le lieu où une personne a son séjour, le siége de ses affaires et de sa fortune, dont elle ne s'éloigne pas sans nécessité ni sans paraître faire un voyage. C'est dans ce sens qu'on doit entendre la loi religieuse, lorsqu'elle exige le domicile, v. g., quand elle demande que la communion pascale se fasse dans l'église du domicile (Voy. COMMUNION PASCALE) Il en est de même de la publication des bans (Voy. BAN) et de la célébration du mariage (Voy. MARIAGE).

2. Le domicile étant le lieu des affaires, le droit civil a dû s'en occuper d'une manière spéciale. Il distingue le domicile réel, le domicile élu et le domicile politique. Le domicile réel est celui dont nous avons donné la

définition, c'est-à-dire le lieu où on a sou principal établissement. Le domicile élu est un lieu choisi comme domicile par les parties pour l'exécution de certaines affaires. Le domicile politique est celui où s'exercent les droits politiques.

Au lieu de prendre leur domicile réel, les parties en choisissent quelquefois un autre pour l'exécution des affaires. Les significations, les demandes et poursuites peuvent se faire au domicile élu (Cod. civ., art. 111). Elles peuvent aussi se faire au domicile réel. Le domicile élu est quelquefois commandé comme dans le cas d'inscription hypothécaire (Art. 2148). Le domicile d'élection n'a lieu que pour les affaires spécialement dé

nommées. Le domicile réel est universel pour toutes les affaires.

Le domicile politique est celui où s'exercent les droits politiques: il est le lieu du domicile réel. La loi du 19 avril 1831, art. 10, 11, 12, permettait de faire élection d'un domicile politique. Elle est annulée depuis l'établissement de la république.

3. Le domicile réel étant le plus important, la loi a mis tous ses soins à le bien définir. Voici ses dispositions:

COD. CIV. Art. 102. Le domicile de tout Français, quant à l'exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement. (C. 7, 9, 10, 13; Pr. 50, 59, 61, 68 s. 74, 167 s. 584, 781; Pr. 184.)

103. Le changement de domicile s'opérera par le fait d'une habitation réelle dans un autre lieu, joint à l'intention d'y fixer son principal établissement. (C. 166 s.)

104. La preuve de l'intention résultera d'une déclaration expresse, faite tant à la municipalité du lieu qu'on quittera, qu'à celle du lieu où on aura transféré son domicile.

105. A défaut de déclaration expresse, la preuve de l'intention dépendra des circonstances.

106. Le citoyen appelé à une fonction publique temporaire ou révocable, conservera le domicile qu'il avait auparavant, s'il n'a pas manifesté d'intention contraire.

107. L'aceptation de fonctions conférées à vie emportera translation immédiate du domicile du fonctionnaire dans le lieu où il doit exercer ces fonctions.

108. La femme mariée n'a point d'autre domicile que celui de son mari. Le mineur non émancipé aura son domicile chez ses père et mère ou tuteur : le majeur interdit aura le sien chez son tuteur. (C. 12, 19, 234.) Voy. Cod. pén., art. 29.

109. Les majeurs qui servent ou qui travaillent habituellement chez autrui, auront le même domicile que la personne qu'ils servent ou chez laquelle ils travaillent, lorsqu'ils demeureront avec elle dans la même maison.

110. Le lieu où la succession s'ouvrira sera déterminé par le domicile. (C. 793.)

111. Lorsqu'un acte contiendra, de la part des parties ou de l'une d'elles, élection de domicile pour l'exécution de ce même acte dans un autre lieu que celui du domicile réel, les significations, demandes et poursuites relatives à cet acte, pourront être faites au domicile convenu, et devant le juge de ce domicile. (C. 1247, 1258, 1264, 2148, 2150; Pr. 59, 420, 422, 584.)

4. Au civil on ne peut plus avoir qu'un domicile réel; les lieux qu'on habite tour à tour ne sont que de simples résidences (Toullier, 1, p. 321). — Si l'habitation était située

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