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entre les législations, et par son auteur, qui est Dieu même, et par sa haute antiquité. La législation mosaïque avait des parties variables et révocables; Dieu l'a prouvé par un fait incontestable, par la révocation qu'il en a faite. Voy. Loi, n. 30 et 31.

6. La loi de l'Evangile, la seconde par l'antiquité, la première par la perfection, mérite d'occuper le premier rang entre les lois divines. Elle a aussi des parties qui ne sont pas essentielles à l'humanité, puisqu'elle a pu exister sans elle. Quoique révocables de leur nature, les lois arbitraires de l'Evangile sont cependant irrévocables en réalité, parce qu'elles sont liées à un ordre de choses qui ne doit finir qu'avec le monde.

Les lois humaines soit civiles, soit ecclésiastiques, contiennent aussi des préceptes immuables et des règles arbitraires. Quoique ce qu'elles renferment d'immuable ne puisse être abrogé, en ce qu'il tient de la loi naturelle, cependant, considérées sous le point de vue purement humain, envisagées comme procédant d'une autorité humaine et variable, elles peuvent aussi être révoquées par l'autorité humaine. Il n'y a donc pas de loi humaine considérée comme telle qui ne puisse être abrogée, parce qu'il ne faut pas plus de pouvoir pour détruire que pour créer, et que celui qui a l'autorité nécessaire pour faire des lois doit aussi posséder celle qui est requise pour les détruire.

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Il y a quelques lois humaines qui portent la clause d'irrévocabilité. Mais cette clause n'a pas la force qu'elle prétend posséder. La puissance souveraine ne peut lier les mains, et inoins encore borner le pouvoir de celle qui lui succédera. Ainsi toute loi humaine envisagée comme telle est essentiellement révocable.

ART. II

A qui appartient le droit d'abroger les lois? 7. Nous n'avons pas à nous occuper des lois divines; Dieu seul peut les abroger. Cette vérité est si évidente qu'elle n'a pas besoin de démonstration. Nous devons donc considérer la question uniquement par rapport aux lois humaines. Pour être bien saisis, les principes que nous allons énoncer demandent que nous rappelions en deux mots l'ordre dans lequel peuvent s'exercer les pouvoirs législatifs.

Il y a des pouvoirs législatifs absolus qui ne reconnaissent aucun supérieur sur la terre. Il y a aussi des pouvoirs législatifs qui sont hiérarchiques. Dans la hiérarchie, le pouvoir inférieur est soumis au supérieur; ainsi de suite jusqu'au premier pouvoir, qui n'en reconnaît aucun au-dessus de lui. Nous allons d'abord examiner la question par rapport au pouvoir absolu; ensuite, nous l'étudierons par rapport au pouvoir hiérarchique.

8. Lorsque les pouvoirs législatifs ne sont point hiérarchiques, il est très-aisé de reconnaître à qui appartient le droit d'abroger: c'est celui-là seul qui possède un pouvoir, législatif complet quí a la puissance d'abro

ger les lois. Pour avoir ce droit, il ne suffit donc pas d'avoir une dignité égale, ni même plus éminente que le législateur; il faut de plus que la puissance dont on jouit soit accompagnée d'une juridiction véritable et pleinement législative sur le peuple soumis à une loi qu'on veut révoquer. De ce principe incontestable et incontesté, il suit : 1° que le pape n'a pas le droit d'abroger les lois civiles des peuples qui ne sont pas ses sujets temporels. Quoique la papauté soit la dignité la plus éminente de la terre, elle n'a pas, en vertu de cette dignité, une juridiction civile et temporelle; 2° que les rois n'ont pas le pouvoir d'abroger les lois de l'Eglise, parce qu'ils n'ont aucune juridiction sur le spirituel; 3° que dans un Etat où le pouvoir législatif est entre les mains de plusieurs corps, un seul de ces corps n'a pas la puissance nécessaire pour abroger les lois. En Angleterre, le pouvoir législatif étant composé du roi et des deux chambres, un seul ou deux de ces pouvoirs ne peuvent abroger les lois; il faut le concours des trois pouvoirs. 9. Lorsque les pouvoirs législatifs sont hiérarchiques, il est certain d'abord que l'inférieur n'a pas le droit d'abroger la loi de son supérieur; car cette loi étant le produit d'une puissance qu'il ne possède pas, il ne peut avoir l'autorité de la détruire, à moins que ce pouvoir ne lui ait été délégué, ou qu'il ne l'ait acquis par la coutume. Dans ces deux cas encore, l'abrogation est l'effet du pouvoir supérieur, comme nous le verrons en parlant de la délégation et de la coutume.

Doit-on juger d'une simple approbation comme d'une loi? Lorsqu'un règlement a été confirmé par une autorité supérieure, celui qui l'a porté peut-il l'abroger? Pour décider cette question, il faut distinguer deux sortes de confirmations de règlements et de statuts l'une, que les théologiens appellent essentielle, et qui seule peut donner force de loi à ces règlements; l'autre, qu'ils nomment accidentelle, parce qu'indépendamment de cette confirmation, ces règlements n'en sont pas moins des lois véritables. C'est ainsi que les conciles provinciaux tenus en France, dans le xvi siècle, à l'occasion du concile de Trente, ont été confirmés par le saint-siége. -Lorsque la confirmation donne à un statut le caractère d'une loi et qu'elle en fait toute la force, en sorte qu'il oblige moins en vertu de l'autorité de celui qui l'a porté que de celle du supérieur qui l'a confirmé et qui l'a adopté, le premier ne peut y porter aucune atteinte. Un chapitre peut faire des statuts; mais ils n'ont force de loi que quand ils ont été approuvés par l'évêque supérieur du chapitre. Lorsqu'ils ont été approuvés et confirmés en la forme des lois, le chapitre n'y peut faire de changement que du consentement de l'évêque. De même, les lois d'un évêque, confirmées par le saint-siége, avec cette clause qu'il n'y sera pas fait de changement, ne peuvent être abrogées par l'évêque. Si l'obligation de la loi vient directement de l'autorité de celui qui l'a portée, et que la confirmation donnée par le supé

rieur ne soit que pour la rendre plus vénérable et lui donner plus d'éclat, cette approbation n'empêche pas que le législateur puisse y déroger, parce qu'elle n'est qu'une formalité extérieure ajoutée à l'acte, laquelle n'est point le principe de l'obligation qu'il impose.

10. Mais le supérieur a-t-il le droit d'abroger la loi de son inférieur? Pour avoir une solution convenable à cette question, il faut étudier la nature et l'étendue du pouvoir hiérarchique; car la hiérarchie peut être constituée de manière que le supérieur, tout en possédant un pouvoir législatif sur son inférieur et ses subordonnés, n'ait cependant d'autre puissance sur les lois de l'inférieur que le pouvoir d'inspection et de contrôle. Il est évident que dans une telle hiérarchie le supérieur ne possède pas le droit d'abrogation; il a seulement le droit de redresser les abus du législateur qui lui est subordonné. Si, au contraire, la hiérarchie est constituée de manière que le supérieur a un pouvoir plein et absolu sur tous les actes, sur toutes les lois du législateur subordonné, il est évident que le supérieur a le droit d'abroger toutes les lois de l'inférieur. D'après ces principes, on voit que la seule constitution hiérarchique ne suffit pas pour décider la question; il faut entrer dans la nature même de la hiérarchie.

11. La hiérarchie ecclésiastique se compose de trois degrés principaux : de l'évêque, du métropolitain et du pape. Pour décider si le pape a le droit d'abroger les lois des autorités des deux degrés inférieurs, et si le métropolitain peut abroger celles de l'évêque, il faut nécessairement entrer dans l'examen de la nature de leur pouvoir hiérarchique.

12. Il y a deux opinions différentes sur les pouvoirs hiérarchiques du souverain ponlife. Nous ne pouvons les traiter ici qu'incidemment; elles seront exposées aux articles qui les concernent. Dans l'opinion ultramontaine, le pape, ayant une juridiction immédiate, complète et ordinaire sur toute l'Eglise, peut abroger les lois des évêques. Dans l'opinion des gallicans, il n'a pas ce droit, parce que, dans cette opinion, la puissance papale ne va pas au-delà du droit de contrôle, d'inspection et de rappel au devoir. 'S'il jouit de pouvoirs plus étendus, ils ne sont pas une suite nécessaire de sa primauté, mais seulement une concession qui lui a été faite, concession qui est légitime et qui lui est irrévocablement acquise.

13. Les droits hiérarchiques du métropolitain ne sont pas fondés sur le même principe; n'ayant aucune racine dans le droit divin, mais étant uniquement fondés sur les canons, il suffit de consulter les canons pour les connaître. Au mot ARCHEVÊQUE, nous en déterminerons la nature et l'étendue. Des propositions que nous déduirons i suivra évidemment que l'archevêque n'a nullement le pouvoir d'abroger les lois des évêques ses suffragants. (Voy. ARCHEVÊQUE, nos 11 et suivants.)

ART. III.

Des différentes manières dont les lois sont abrogées.

14. Il y a trois manières d'aproger les lois : l'une est expresse, la seconde a lieu par une loi opposée, la troisième par la coutume.

15. I. De l'abrogation expresse de la loi. — La révocation expresse de la loi repose sur la déclaration du législateur qui l'annule. Cette déclaration peut être revêtue de toutes les formalités employées pour les lois. Elle peut se faire aussi sans solennité aucune, sur une simple déclaration du législateur, qui ne veut plus que la loi oblige. Du moment que le législateur a déclaré son intention, la loi perd par là même la force d'obliger tous ceux qui connaissent cette intention. Si elle est encore obligatoire pour ceux qui ignorent cette révocation, c'est moins le lien de la loi qui les oblige que leur conscience erronée. Il est bon d'observer que dans les gouvernements constitutionnels l'abrogation expresse ne peut avoir lieu que par une loi. Les trois pouvoirs ne peuvent autrement user ensemble de leur autorité.

16. II. De l'abrogation par une loi opposée. Un législateur peut abroger une loi sans en faire mention; il suffit qu'il en publie une qui contienne des dispositions opposées; il fait suffisamment connaître par là que son intention est d'abroger toutes les dispositions qui sont inconciliables avec la nouvelle loi. Dans ce cas, pour l'abrogation il n'est donc pas nécessaire d'employer aucune clause dérogatoire ni générale ni particulière.

En général lorsqu'une loi nouvelle n'abroge pas expressément une loi ancienne, il faut autant que possible les concilier ensemble, et regarder la dernière comme ayant été publiée plutôt pour éclairer les précédentes que pour les abroger. Par la même raison, tout ce qui, dans les anciens édits peut se concilier avec les lois et ordonnances nouvelles, conserve toute sa force obligatoire et n'en reçoit aucune atteinte. Appuyés sur ces principes, les avocats vont fréquemment chercher dans l'ancienne législation les motifs de leurs plaidoiries.

Il y a des lois qui ont une existence tellement forte, qu'elles ne peuvent être abrogées à moins que leurs dispositions ne soient insérées dans les constitutions. On ne connaît à la vérité guère de lois de cette nature; elles ont communément pour objet des priviléges accordés à des sociétés ou à des communautés. Par les dispositions qui leur donnent une vie si robuste, on a voulu rendre ces priviléges plus solides et les mettre à convert de toute suppression. Dans la plupart de leurs bulles, les papes mettent des clauses dérogatoires, telles que celle-ci : Non obstante quacumque lege particulari, quocunque privilegio. Cette clause générale, au jugement de bons auteurs, ne suffit pas pour abroger les lois de la nature de celles dont nous venous de parler. Il faut pour elles une révocation expresse.

17. III. De l'abrogation par la coutume. La coutume a une force abrogatoire, nous le démontrerons à l'art. COUTUME, où nous dirons les conditions dont elle doit être revêtue pour abroger une loi. Voy. COUTUME, no 5. ABSENCE, ABSENT.

1. Formés par la nature et affermis par la religion, les liens qui attachent les sujets à leur souverain, les citoyens à leur patrie, sont sacrés; ils subsistent toujours dans quelque lieu qu'ils se trouvent. Nous nous devons tous à l'Etat, et il n'est pas permis de le priver sans motif du secours qu'il peut tirer de notre personne et de nos talents. Un Français, hors du royaume, est toujours Français; le gouvernement a le droit de rappeler, lorsqu'il le juge à propos, ceux qui se sont absentés. Il peut même leur prescrire avec autorité la manière dont ils doivent se conduire en pays étranger, et faire des règlements qu'ils sont obligés de suivre. Et en effet nous avons un grand nombre de lois qui concernent les absents en général, et surtout les négociants qui commercent dans toutes les parties du monde. Le gouvernement n'a point d'autorité directe dans les lieux qu'ils habitent, mais il peut agir indirectement sur ses sujets en les privant de certains droits. Nous avons vu, il y a quelques années, le gouvernement français défendre à nos compatriotes résidant à Montevideo, de prendre part à la lutte de ce pays contre la république Argentine. La pénalité était la dénaturalisation. Puisqu'il y a un lien réciproque entre les citoyens absents et leur patrie, il doit aussi y avoir des droits et des devoirs réciproques. Nous allons les exposer en peu de mots.

ARTICLE Ier.

Des devoirs des citoyens absents relativement à leur patrie.

2. Le citoyen qui est hors de son pays ne doit jamais rien faire qui soit préjudiciable à sa patrie. Dans tous les temps et chez tous les peuples on a flétri des noms les plus odieux ceux qui, oubliant le sol qui les a vus naître, ont mis leur fortune et leurs talents au service des ennemis de leur pays. Nous avons dans nos lois des peines très-sévères contre ceux qui portent les armes contre la France, ou même qui s'enrôlent dans les armées étrangères sans l'autorisation du gouvernement. C'est ainsi que l'art. 17 du Code civ. prive de la qualité de Français, 1° quiconque s'est fait naturaliser en pays étranger; 2° qui a accepté sans l'autorisation du gouvernement des fonctions publiques conférées par un gouvernement étranger; 3° qui fait en pays étranger un établissement sans esprit de retour. Les établissements de commerce ne sont jamais considérés comme ayant été faits sans esprit de retour. - L'art. 21 du même code prive aussi de la qualité de Français celui qui prend du service militaire chez l'étranger, ou s'affilie à une corporation militaire étrangère. L'art. 75 du Code pénal punit de la peine de mort tout Français qui a porté les armes contre la France.

3. A l'exception des lois qui ont été portées contre les sujets qui s'absentent (et de ce nombre nous mettons les lois qui concernent la résidence, voy. ce mot), les lois de leur pays ne les obligent pas parce que les lois sont plutôt attachées au sol qu'à la personne. Il faut excepter de cette règle générale toutes les lois qui sont surtout personnelles. S'il y en a de cette nature, il est certain qu'elles atteignent les personnes partout où elles se trouvent, en pays étranger comme sur le sol de la patrie. Nous devons aussi excepter les absences faites à dessein d'élu-der les lois. Les absences frauduleuses sont réprouvées par la conscience; et c'est un principe de droit qu'on ne peut retirer aucun avantage d'une action faite en fraude de la loi. Ainsi quoiqu'une personne qui se trouve de bonne foi dans une province étrangère ou dans une paroisse différente de la sienne, un jour de fête ou de jeûne pour sa paroisse, ne soit point tenue ni au jeûne ni au repos prescrit par les lois en ces jours, il ne faudrait pas porter le même jugement de celui qui sortirait précisément de sa province ou de sa paroisse pour être dispensé du jeûne ou du saint repos: Nemini fraus patrocinari debet. Cette règle du droit est fondée sur les règles de la plus saine raison. S'il était une fois admis qu'on peut toujours se soustraire à l'obligation des lois de son pays par l'absence, ce serait ouvrir la porte à toutes les transgressions. Les Pères du premier concile de Milan sous saint Charles Borromée condamnent très-expressément la gourmandise de ceux qui se rendent à Milan dans le seul but de jouir de la liberté qu'on y a de ne pas jeûner les quatre premiers jours de carême. Conformément à ces principes, la congrégation du Concile de Trente, dans une décision approuvée par le pape Urbain VIII, a déclaré que lorsque sans avoir le dessein de changer de domicile, on va dans un lieu où le concile de Trente n'a pas été publié, pour s'y marier clandestinement, le mariage est absolument nul. Le motif qui appuie cette décision doit avoir une force égale à l'égard des autres lois. Nous devons avouer avec Liguori que pour être dispensé de la loi du jeûne et d'autres lois semblables, il suffit d'avoir des motifs d'absence très-légers: une visite à faire, une récréation honnête à prendre, sont aux yeux de ce saint casuiste un motif suffisant (Lig., lib. 1, n. 1045). - Nous devons encore excepter le cas où les lois de son pays deviendraient vexatoires et tyranniques; le dessein d'échapper à leur action pernicieuse est un motif suffisant d'absence. Persoane ne blâmera les Français qui pendant la révolution quittaient leur pays pour échapper aux lois de la Convention.

ARTICLE II.

Des devoirs de la patrie à l'égard de ses sujets absents.

4. L'Etat doit protéger les citoyens partout où ils se trouvent; en pays étranger il doit les couvrir de son nom. Heureux les hom

mes qui, forcés de parcourir les régions étrangères, peuvent se dire : J'ai une patrie qui veille sur moi; elle saura demander compte de la moindre atteinte qu'on pourrait porter à mes droits! Ainsi autrefois le citoyen de la grande Rome se contentait de dire aux étrangers persécuteurs: Je suis citoyen romain, et ce nom seul le mettait à l'abri des injustes persécutions de ses ennemis. En quittant sa patrie, l'homme ne la quitte pas tout entière, il y laisse souvent une épouse, des enfants, sa fortune. Ce n'est point assez de protéger l'absent sur le sol étranger, la patrie doit encore protection aux intérêts et aux affections qu'il y laisse. Notre Code civil a fait un titre particulier de cette importante matière. Nous allons citer un art. de M. C. R. (Dictionnaire de la conversation) qui résume avec beaucoup de précision et de clarté les points de la loi.

5. « Les législateurs du Code civil, dit-il, en établissant une loi sur l'absence, se sont attachés non-seulement à faire disparaître de cette matière les imperfections que les lois romaines y avaient laissées, mais aussi à combiner les dispositions de la loi nouvelle de telle manière que les droits de l'absent fussent parfaitement garantis, sans préjudice des intérêts des tiers. Dans ce but ils ont divisé l'absence en trois périodes. Pendant la première, l'absence est seulement présumée et les personnes qui ont des intérêts à débattre avec l'absent présumé sont obligées de s'adresser au tribunal de 1r instance de son domicile, qui nomme un administrateur pour veiller sur ses biens, et commet un notaire pour le représenter dans les inventaires, comptes et partages auxquels il peut être intéressé. Lorsque quatre années se sont écoulées depuis que l'absent a disparu de son domicile et n'a point donné de ses nouvelles, les parties intéressées peuvent faire déclarer l'absence par le tribunal compétent. Le tribunal ordonne une enquête, et, un an après le jugement qui a ordonné l'enquête, l'absence est déclarée s'il y a lieu, et publiée par les journaux. L'absence, lorsqu'elle est déclarée, produit des effets, tant relativement aux biens que l'absent possédait au jour de sa disparition que relativement aux droits éventuels qui peuvent s'ouvrir en sa faveur. Quant aux biens que l'absent possédait au moment de sa disparition, ses héritiers présomptifs à cette époque ou à l'époque de ses dernières nouvelles, peuvent en obtenir la possession provisoire à charge de fournir caution. Le testament, si l'absent en a laissé un, est alors ouvert, et les légataires peuvent exercer provisoirement les droits que cet acte leur confère. L'époux commun en biens peut demander la dissolution de la communauté et la liquidation de tous les droits légaux et conventionnels. Ici commence la seconde période de l'absence. La possession provisoire des biens de l'absent n'est qu'un dépôt entre les mains de ceux qui l'ont obtenue; ils en son comptables envers l'absent, et leur obligation varie avec la durée de l'absence. Ainsi l'absent

ne pent réclamer que le cinquième de ses revenus s'il reparaît avant quinze ans révolus de sa disparition, et le dixième seulement s'il reparaît après les quinze ans. Si l'absence a duré trente années, à cette époque les envoyés en possession provisoire perçoivent la totalité des revenus; ou s'il s'est écoulé cent années depuis la naissance de l'absent, la possession provisoire de ses biens est convertie en possession définitive, et le partage s'opère entre tous les ayants-droit. C'est la troisième période de l'absence. Si l'absent reparaît après l'envoi en posses-sion définitive, les biens lui sont remis dans l'état où ils se trouvent, et il recouvre le prix de ses biens aliénés. Ses enfants, ainsi que ses descendants directs, peuvent invoquer la même disposition de la loi pendant les trente années qui suivent l'envoi définitif. Après le jugement qui a déclaré l'absence, les actions qui pouvaient être exercées contre l'absent doivent être dirigées contre ceux qui possèdent ses biens.

En ce qui concerne les droits éventuels qui peuvent compéter (appartenir) à l'absent, nul ne peut exercer au nom de l'absent un droit de cette nature, s'il ne prouve préalablement l'existence de l'absent au jour où le droit a été ouvert, sans toutefois préjudice de l'action en pétition d'hérédité, qui appartient à l'absent, s'il s'agit d'une succession qui lui est dévolue. Si l'absent a disparu laissant des enfants mineurs, la mère est chargée de les élever et d'administrer leurs biens. Si le conjoint de l'absent contracte un nouveau mariage, l'absent est seul admis à attaquer la nouvelle union directement ou par un fondé de pouvoir. >>

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6. Afin qu'on puisse juger en connaissance. de cause, nous allons citer les dispositions de nos Codes qui concernent les absents.

(Code civil, liv. Ier, titre Iv.)

CHAPITRE PREMIER. De la présomption d'absence. 112. S'il y a nécessité de pourvoir à l'administration de tout ou partie des biens laissés par une personne présumée absente, et qui n'a point de procureur fondé, il y sera statué par le tribunal de première instance, sur la demande des parties intéressée-.

113. Le tribunal, à la requête de la partie la plus diligente, commettra un notaire pour représenter les présumés absents, dans les inventaires, comptes, partages et l.quidations dans lesquels ils seront intéressés.

114. Le ministère public est spécialement chargé de veiller aux intérêts des personnes présumées absentes; et il sera entendu sur toutes les demandes qui les concernent.

CHAPITRE II. De la déclaration de l'absence.

115. Lorsqu'une personne aura cessé de paraitre au lieu de son domicile ou de sa résidence, et que depuis quatre ans on n'en aura point eu de nouvelles, les parties intéressées pourront se pourvoir devant le tribunal de première instance, afin que l'absence soit déclarée.

116. Pour constater l'absence, le tribunal, d'après les pièces et documents produits, ordonnera qu'une

enquête soit faite contradictoirement avec le procu

reur du roi dans l'arrondissement du domicile et dans celui de la résidence, s'ils sont distincts l'un de l'autre.

117. le tribunal, en statuant sur la demande, aura d'ailleurs égard aux motifs de l'absence et aux canses qui ont pu empêcher d'avoir des nouvelles de l'individu présumé absent.

118. Le procureur du roi enverra, aussitôt qu'ils seront rendus, les jugements tant préparatoires que définitifs, au ministre de la justice, qui les rendra publics.

119. Le jugement de déclaration d'absence ne sera rendu qu'un an après le jugement qui aura ordonné l'enquête.

CHAPITRE III. Des effets de l'absence. SECTION PREMIÈRE. Des effels de l'absence relativement aux biens que l'absent possédait au jour de sa disparition.

120. Dans le cas où l'absent n'aurait point laissé de procuration pour l'administration de ses biens, ses héritiers présomptifs au jour de sa disparition ou de ses dernières nouvelles pourront, en vertu du jugement définitif qui aura déclaré l'absence, se faire envoyer en possession provisoire des biens qui appartenaient à l'absent au jour de son départ ou de ses dernières nouvelles, à la charge de donner caution pour la sûreté de leur administration.

121. Si l'absent a laissé une procuration, ses héritiers présomptifs ne pourront poursuivre la déclaration d'absence et l'envoi en possession provisoire, qu'après dix années révolues depuis sa disparition ou depuis ses dernières nouvelles.

122. Il en sera de même si la procuration vient à cesser; et, dans ce cas, il sera pourvu à l'administration des biens de l'absent, comme il est dit au chapitre premier du présent titre.

123. Lorsque les héritiers présomptifs auront obtenu l'envoi en possession provisoire, le testament, s'il en existe un, sera ouvert à la réquisition des parties intéressées ou du procureur du roi près le tribunal; et les légataires, les donataires, ainsi que tous ceux qui avaient sur les biens de l'absent des droits subordonnés à la condition de son décès, pourront les exercer provisoirement, à la charge de donner caution.

124. L'époux commun en biens, s'il opte pour la continuation de la communauté, pourra empècher l'envoi provisoire et l'exercice provisoire de tous les droiis subordonnés à la condition du décès de l'absent, et prendre ou conserver par préférence l'administration des biens de l'absent. Si l'époux demande la dissolution provisoire de la communauté, il exercera ses reprises et tous ses droits légaux et conventionnels, à la charge de donner caution pour les choses susceptibles de restitution. — La femme, en optant pour la continuation de la communauté, conservera le droit d'y renoncer ensuite.

125. La possession provisoire ne sera qu'un dépôt qui donnera à ceux qui l'obtiendront l'administration des biens de l'absent, et qui les rendra comptables envers lui, en cas qu'il reparaisse ou qu'on ait de ses nouvelles.

126. Ceux qui auront obtenu l'envoi provisoire, ou l'époux qui aura opté pour la continuation de la communauté, devront faire procéder à l'inventaire du mobilier et des titres de l'absent, en présence du procureur du roi près le tribunal de première insiance, ou d'un juge de paix requis par ledit procureur du roi. Le tribunal ordonnera, s'il y a lieu, de vendre tout ou partie du mobilier. Dans le cas de vente, il sera fait emploi du prix, ainsi que des fruits échus. Ceux qui auront obtenu l'envoi provisoire pourront requérir, pour leur sûreté, qu'il soit procédé par un expert nommé par le tribunal, à la viste des immeubles, à l'effet d'en constater l'état. Son rapport sera homologué en présence du procureur du roi; les frais en seront pris sur les biens de l'absent.

127. Ceux qui, par suite de l'envoi provisoire ou de l'administration légale, auront joui des biens de

l'absent, ne seront tenus de lui rendre que le cinquième des revenus, s'il reparaît avant quinze ans révolus depuis le jour de sa disparition, et le dixième, s'il ne reparaît qu'après les quinze ans. Après trente ans d'absence, la totalité des revenus leur appartiendra.

128. Tous ceux qui ne jouiront qu'en vertu de l'envoi provisoire ne pourront aliéner ni bypothéquer les immeubles de l'absent.

129. Si l'absence a continué pendant trente ans depuis l'envoi provisoire, ou depuis l'époque à laquelle l'époux commun aura pris l'administration des biens de l'absent, on s'il s'est écoulé cent ans révolus depuis la naissance de l'absent, les cautions seront déchargées; tous les ayants-droit pourront demander le partage des biens de l'absent, et faire prononcer l'envoi en possession définitif par le tribunal de première instance.

130. La succession de l'absent sera ouverte du jour de son décès prouvé, au profit des héritiers les plus proches à cette époque; et ceux qui auraient joui des biens de l'absent seront tenus de les restituer, sous la réserve de fruits par eux acquis en vertu de l'article 127.

131. Si l'absent reparaît, ou si son existence est prouvée pendant l'envoi provisoire, les effets du jugement qui aura déclaré l'absence cesseront, sans préjudice, s'il y a lieu, des mesures conservatoires prescrites au chapitre premier du présent titre, pour l'administration de ses biens.

132. Si l'absent reparaît, ou si son existence est prouvée, même après l'envoi définitif, il recouvrera ses biens dans l'état où ils se trouveront, le prix de ceux qui auraient été aliénés, ou les biens provenant de l'emploi qui aurait été fait du prix de ses biens vendus.

153. Les enfants et descendants directs de l'absent pourront également, dans les trente ans à compter de l'envoi définitif, demander la restitution de ses biens, comme il est dit dans l'article précédent.

154. Après le jugement de déclaration d'absence, toute personne qui aurait des droits à exercer contre l'absent ne pourra les poursuivre que contre ceux qui auront été envoyés en possession des biens, ou qui en auront l'administration légale. SECTION II. Des effets de l'absence relativement aux droits éventuels qui peuvent compéter à l'absent.

135. Quiconque réclamera un droit échu à un individu dont l'existence ne sera pas reconnue, devra prouver que ledit individu existait quand le droit a été ouvert jusqu'à cette preuve, il sera déclaré non-recevable dans sa demande.

136. S'il s'ouvre une succession à laquelle soit appelé un individu dont l'existence n'est pas reconnue, elle sera dévolue exclusivement à ceux avec lesquels il aurait eu le droit de concourir, ou à ceux qui l'auraient recueillie à son défaut.

137. Les dispositions des deux articles précédents auront lieu sans préjudice des actions en pétition d'hérédité et d'autres droits, lesquels compéteront à l'absent ou à ses représentants ou ayants-cause, et ne s'éteindront que par le laps de temps établi pour la prescription.

138. Tant que l'absent ne se représentera pas, ou que les actions ne seront point exercées de son chef, ceux qui auront recueilli la succession gagneront les fruits par eux perçus de bonne foi.

SECTION III. Des effets de l'absence relativement au
mariage.

139. L'époux absent dont le conjoint a contracté une nouvelle union sera seul recevable à attaquer ce mariage par lui-même ou par son fondé de pouvoir, muni de la preuve de son existence.

140. Si l'époux absent n'a point laissé de parents habiles à lui succéder, l'autre époux pourra demander l'envoi en possession provisoire des biens.

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