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système pénitentiaire, croit-on que cette proposition n'en fût pas favorablement accueillie, et qu'elles fissent difficulté de l'adopter? Leurs lumières et leur patriotisme permettent-ils de le supposer?

« Le second obstacle que renferment nos lois se trouve dans l'extension trop grande qu'a reçu, chez nous, le principe de centralisation, qui forme la base de notre société politique.» — Mais si, en ce qui concerne les prisons surtout, cette centralisation est reconnue funeste, serait-il donc encore bien difficile et bien onéreux d'y renoncer? Tout ne le conseille-t-il pas? Les directeurs de nos prisons centrales eux-mêmes nous diront, que le grand nombre de condamnés nuit à leur surveillance et s'oppose à leur amendement. C'est du moins ce que m'a dit naguère celui d'une de ces prisons les plus nombreuses, les mieux tenues, et où règne tout l'ordre compatible avec le régime prescrit et qu'il est obligé de suivre (1).--Il a ajouté que la diminution du nombre des condamnés et l'adoption du système pénitentiaire seraient, à son avis, les meilleurs moyens de prévenir les récidives. Le directeur de notre prison départementale m'avait tenu, peu de jours avant, le même langage.

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(1) Celui de celles de Nismes , qui, dans une visite récente que j'ai eu occasion de lui faire, m'a fait le meilleur accueil, et s'est empressé de me donner tous les renseignemens que je lui ai demandés sur l'état de la vaste maison qu'il dirige avec tant de zèle et d'habileté.

Tout s'accorde donc, en ce qui regarde les prisons du moins, à nous conseiller la décentralisation, la séparation des condamnés, leur occupation assidue, leur instruction, en d'autres termes l'adoption pure et simple du système et l'établissement d'une prison pénitentiaire par département. Tel fut aussi le vou du grand homme qui présida vingt ans à nos destinées. « Bonaparte reconnut en 1810 que chaque » département devait avoir, outre des maisons de » justice et d'arrêt, une prison destinée à renfermer » les condamnés à des peines correctionnelles. » Ce sont MM. de Beaumont et de Tocqueville qui nous l'apprennent (2). Tel était aussi le vou des lois des 22 juillet, 29 septembre et 6 octobre 1791. Et c'est précisément ce que, sans en avoir connaissance, nous avions été conduit par nos méditations à reconnaître et à demander nous-même.- Nous sommes au surplus tout-à-fait de l'avis de ces Messieurs, lorsqu'ils expriment l'opinion que le

gouvernement, le

,

pays et les condamnés auraient tous à y gagner et rien à y perdre.

Quelqu'un, dont j'honore le caractère, objectait il y a quelque temps en ma présence, a que le sys» tème pénitentiaire, par l'isolement des condamnés, » et le silence qu'il leur impose serait, surtout par» mi nous, funeste à leur santé et à leur vie.»

J'avoue que, si elle était fondée, cette objection

(1) Voyez leur ouvrage, p. 174.

serait extrêmement grave. Le système pénitentiaire, ainsi que la Sagesse éternelle et l'infinie Miséricorde, ne veut pas la mort des coupables, mais leur conversion et leur vie. D'après le régime que j'ai proposé, et que

l'expérience a prouvé, je crois, être le plus favorable, les prisonniers ne sont isolés que pendant la nuit. Le jour, ils travaillent, ils mangent, ils étudient, ils prient, en un mot ils vivent ensemble. Le silence qu'on leur impose n'est pas

tellement rigoureux qu'ils ne puissent jamais le rompre.

Ils

peuvent se demander les objets et les instrumens dont ils ont besoin, ainsi que les directions qui leur sont

, nécessaires dans le travail auquel ils se livrent. Il leur est aussi permis de demander des explications sur les lectures qui leur sont faites. En même temps que leurs bras travaillent, leur intelligence est ainsi occupée. Ils peuvent encore parler au directeur et à l'aumônier de la prison, toutes les fois qu'ils en ont l'occasion, et même qu'ils le demandent. On leur permet donc, pour diminuer ce que ce silence peut avoir de pénible, tout ce qui est utile et sans danger pour eux.

Cependant toute conversation leur est interdite.» — Mais est-ce donc pour se corrompre par

» des mauvais entretiens qu'ils sont emprisonnés? Et si ce n'est qu'à ce prix, que leur corruption peut être prévenue, et leur amendement acheté, y a-t-il

lieu de marchander, et de se relâcher à l'égard du silence qu'on leur impose?

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Au reste, pour regarder cette objection comme fondée, il faudrait qu'elle fût appuyée sur l'expérience;et j'ose croire que chez nous, comme ailleurs, elle ne lui serait pas

favorable. C'est à cela que se réduisent, du moins à ma connaissance, les difficultés que présente parmi nous l'adoption du système pénitentiaire. Ce qui ne veut pas dire toutefois qu'il n'en existe

pas d'autres, mais seulement que je ne les connais pas. Si je les connaissais, je me livrerais à leur examen; et j'ai lieu de croire que je pourrais montrer qu'il n'en est point qui soit de nature à nous y faire renoncer, même à nous engeger à l'ajourner d'avantage.

CONCLUSION.

Maintenant le résumé et la conclusion de tout ce qui précède peuvent se faire en peu de mots : le mal dont nous nous sommes occupés, ne saurait être contesté; il est grave. Les causes auxquelles nous l'avons attribué ne sont que trop réelles. — Le remède que nous avons proposé et recommandé serait sans contredit efficace. - Les frais considé

. rables que

nécessiteraient son application, et les

54 DES RÉCIDIVES EN MATIÈRE CRIMINELLE. difficultés qui en sont inséparables ne doivent pas nous empêcher d'en faire usage. L'amélioration des condamnés et l'intérêt bien entendu de la société, nous font un devoir de l'appliquer sans délai; et la loi nous y autorise (1).

Me trompé-jeen croyant fermement que le ministre qui l'aura fait adopter parmi nous, aura bien mérité de la patrie; et que cela suffirait seul pour illustrer son ministère?......

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olbeynadien

,

L'un des Pasteurs de l'Eglise réformée, Membre de la Cem

mission de surveillance des prisons de Valence.

(1) Code pénal, art. 21.

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