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CHAPITRE IV.

DIFFICULTÉS DE SON APPLICATION.

peut croire

Au seul énoncé des difficultés que présente l'adoption du système pénitentiaire, je sens qu'alors même que son efficacité aurait été bien démontrée, on

que le plus important et le plus difficile reste encore à faire. Je sens que l'on peut me dire : « Admettons que le remède que vous proposez serait efficace; mais combien l'application en serait dispendieuse! et combien elle offrirait des difficultés .....) — Après les avoir mûrement examinées, je persiste à croire que l'on ne doit pas s'en effrayer, et qu'il n'y a pas lieu de reculer devant elles. Et c'est ce qu'il me reste à prouver.

Les plus grandes difficultés que présente l'adoption du système pénitentiaire, je dirai presque

les seules réelles, se trouvent, ce me semble, dans l'établissement et l'organisation des prisons qu'il exige.

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Je dis les seules réelles, car je ne pense pas que

l'on doive regarder comme telles, celles de trouver et d'avoir, par conséquent, des agens d'une moralité, d'une intelligence et d'un caractère qui les rendent propres à bien diriger ces prisons et à les surveiller, comme il convient, une fois qu'elles seraient établies et bien organisées. Le choix de ces agens est sans doute d'une très-haute importance; mais, au temps où nous sommes, et dans le

pays que nous habitons, s'il n'est pas bien aisé, il ne doit pas

du moins être très-difficile de trouver des personnes qui offrent l'intelligence et la probité nécessaires pour remplir l'honorable emploi de directeurs et de surveillans de ces prisons, avec l'attention, la délicatesse, les soins et le zèle que ces fonctions demandent. — Ces difficultés se réduisent donc, en définitive, à une question d'argent. C'est en effet à cela que les réduit celui que M. Lucas appelle le plus éloquent antagoniste du système pénitentiaire (1). C'est cette question que je vais discuter dans ses rapports avec le sujet qui nous occupe.

Il est bien évident, et il faut reconnaître avant tout, que le système pénitentiaire nécessiterait un plus grand nombre de prisons, des prisons plus vastes et autrement disposées qu'elles ne le sont maintenant. Nul doute que leur établissement, leur disposition et leur mobilier n'entraînassent des dé

(1) M. de Martignac dans deux rapports insérés au Moniteur des 19 janvier et 2 août 1829.

penses considérables. Quelle en serait la quotité? C'est ce qu'il me semble bien difficile de déterminer d'une manière exacte. On ne peut procéder ici que par hypothèse. C'est la méthode que nous allons suivre dans les calculs auxquels nous devons nous li

vrer.

.

D'abord, en supposant que l'on adoptât le système pénitentiaire, on ne saurait nier que la plupart des prisons qui existent déjà ne pussent être utilisées, après que

l'on

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aurait fait les changemens indispensables, pour les adapter à son usage. Cette adaptation , si je puis me servir de ce terme, nécessiterait sans contredit de grandes dépenses. Supposons de 100,000 fr. par départemens, l'un balançant l'autre. Pour 86, nous aurons déjà une somme de.

8,600,000 fr. Supposons ensuite une somme double pour celles qu'il faudrait construire et organiser à neuf ...

17,200,000 fr. Ce serait doncune dépense totale de 25,800,000 fr. que nous aurions à faire, pour l'établissement et la disposition des prisons seulement. Je n'oserais même garantir qu'elle serait suffisante (1). On conviendra

(1) MM. de Beaumont et de Tocqueville la portent a à plus de 30 millions, quelle que fût l'économie qui présidåt à l'entreprise. » Du Système pénitentiaire, etc., p. 160. — M. Lucas de la fixe point, mais il pense qu'elle serait beaucoup moins considérable que ne pourrait bien le faire croire les essais malheureux, sous ce rapport, qui ont été faits en France et en Angle

toutefois qu'elle permettrait de faire quelque chose, surtout si l'on veut bien ne pas perdre de vue que l'adoption de ce système contribuerait indubitablement à diminuer le nombre des condamnés, soit en faisant redouter davantage la peine de l'emprisonnement, soit en prévenant surtout un grand nombre de récidives. On le reconnaîtra mieux encore, si l'on considère, de plus, que les prisons à construire pourraient être établies dans les localités où leur construction serait la moins coûteuse, pourvu qu'elles ne fussent pas trop éloignées de la résidence des personnes qui seraient chargées de leur haute surveillance, et qu'elles fussent à portée du genre de travail qu'il peut y avoir à faire dans la contrée où elles devraient être organisées. Pour moi, je l'avoue, je ne tiendrais nullement à ce qu'elles fussent dans les grandes villes, et les prisonniers en grand nombre dans les mêmes localités. Je préfèrerais de beaucoup, au contraire, qu'ils fussent répartis sur toute l'étendue de notre territoire; et qu'il y eût au moins une prison pénitentiaire dans chacun de nos départemens(1). Ce à quoi je tiendrais surtout, c'est

terre. (Voyez la deuxième pétition aux Chambres, à la suite de la Conclusion générale de son ouvrage sur le Système pénitentiaire, p. 20 et suiv.)

(1) Beaucoup de nos départemens dont la population est analogue à celle du Connecticut (260,000 habitans) n'auraient pas dans leurs prisons plus de criminels qu'il n'y en a à Wethersfield; et il est permis de penser que cette limitation de nombre serait

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que les prisonniers fussent à portée du genre de travail auquel ils devraient se livrer. Je ne sais si je me fais illusion, mais il me semble que cette répartition aurait de grands avantages : étant peu nombreux sur chaque point et dans la même localité, leurs dépenses seraient, à quelques égards, moins considérables; leur travail plus assuré, et son prix moins variable; leur surveillance à la fois plus exacte et plus facile, et les soins qu'on leur donne plus attentifs, et par là même plus efficaces. Leur répartition sur plus de localités et entre un plus grand nombre de prisons, serait donc, à mon avis, sans inconvé. nient et offrirait de nombreux avantages.

« Tout cela peut être vrai; mais, d'après vous, » aura-t-on le droit de me dire, l'établissement et » la disposition de ces nombreux pénitenciers cou» teraient au moins 25 millions, qui ne suffiraient » vraisemblablement pas. Une telle dépense ne » » doit-elle pas dégouter un peu les partisans, même » les plus zélés et les plus enthousiastes, du sys. » tėme pénitentiaire, et les engager à renoncer à

un avantage, puisque Wethersfield, qui est le plus petit pénitencier d'Amérique, est aussi le meilleur. Et puis, l'exemple de ce pénitencier, qui, quoique moins considérable, a coûté moins cher à bâtir que tous les autres, ne prouverait-il pas qu'on peut à l'aide de l'esprit d'économie et de la surveillance locale, regagner le surcroît de dépense occassionné par une construction faite sur une petite échelle? Du Système pénitentiaire aux États-Unis, etc., p. 179.

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