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No 8

Construction de Ponts en béton armé

SUR LA MARNE

PAR M. WAHL

Ingénieur des Ponts et chaussées

Il nous a paru intéressant de réunir ici quelques renseignements sur la construction de ponts en béton armé, sur la Marne, en remplacement des ponts détruits pendant la guerre dans le département de Seine-et-Marne.

Ces ponts, qui ont dû être entièrement reconstruits, à l'exception pour certains d'entre eux, des piles et culées, sont au nombre de dix et on a été amené à adopter des dispositions assez différentes pour chacun de ces ouvrages. Il y avait en effet satisfaire à des conditions très diverses par raison d'économie, il convenait, partout où la chose n'était pas impossible, de réutiliser tout ce qui pouvait rester de l'ancien ouvrage ; la destruction n'avait pas, en général, porté sur les piles et culées; ou tout au moins les fondations pouvaient souvent être mises à profit. On devait en même temps améliorer les conditions de circulation, en donnant plus de largeur aux ouvrages, améliorer aussi les conditions de navigation pour permettre la mise ultérieure de la Marne au gabarit nécessaire pour recevoir les chalands rhénans, dans certains cas faciliter l'écoulement des eaux pour diminuer les conséquences possibles des inondations. Il convenait, en outre, de rechercher des formes d'ouvrages dont l'aspect fût acceptable.

Certains de ces ponts présentent des dispositions tout à fait spéciales tel que le pont de Lagny (R D); les procédés de construction pour certains d'entre eux tels qu'Annet et Trilbardou méritent de retenir l'attention. Enfin nous dirons en

passant un mot sur les méthodes de calcul employées et sur les questions spéciales que ces calculs nous ont paru soulever.

Les ponts à reconstruire étaient, en partant de l'aval pour remonter vers l'amont les deux ponts de Lagny, les ponts d'Annet, Trilbardou, Isles-les-Villenoy, Germigny-l'Évêque, Congis, Mary-sur-Marne, Changis-Saint-Jean, Ussy, les deux ponts de La Ferté-sous-Jouarre (le pont de Meaux et le pont de Trilport ont été réparés pendant la guerre) (1).

Tous ces ponts, à l'exception des ponts de Germigny-l'Évêque et l'un des ponts de La Ferté-sous-Jouarre (route nationale), dont nous ne nous occuperons qu'en annexe, avaient leur tablier entièrement détruit.

Les ponts existant avant guerre étaient, en général, des ponts en maçonnerie à trois arches: toutefois, au deuxième pont de Lagny (route départementale), au pont de Mary, existaient des arches métalliques; le pont de Congis était un bow-string métallique; le pont de Trilbardou, un pont à tablier droit métallique.

Sur la demande du Service de la Navigation, on a décidé de reconstruire à deux arches les ponts d'Isles-les-Villenoy et La Ferté-sous-Jouarre ; à une seule arche, le pont d'Annet. On décidait en même temps de déplacer le pont de Trilbardou et de le reconstruire à 50 mètres en aval. Ces dispositions ne permettaient la réutilisation des piles et culées que dans le cas du pont de Congis, des ponts de Lagny (route départementale) et de Mary. Mais les supports ne permettaient pas d'accepter les poussées qu'auraient occasionnées des ouvrages plus larges, plus surbaissés pour augmenter le gabarit de navigation, et susceptibles de recevoir des surcharges plus considérables. On a donc été amené à envisager à ces trois endroits, des ponts ne donnant pas de poussées et par suite à poutres droites. A Congis, on a exécuté un pont bow-string : cette solution envisagée un moment à Lagny était inadmissible pour un passage situé au milieu de l'agglomération, il y avait d'ailleurs intérêt à

(1) La réparation du pont de Trilport a fait l'objet d'un article de M. WENDER dans le numéro des Annales, 1916, fasc. 2, page 225.

utiliser les piles existantes; pour obtenir le gabarit de navigation exigé, il fallait réduire au minimum l'épaisseur de l'ouvrage au milieu de l'arche centrale, arche marinière : c'est ainsi qu'on a été amené à exécuter une poutre droite à trois travées solidaires à articulation médiane. Enfin, à Mary, où il s'agissait de franchir un bras navigable en réutilisant l'ancienne pile, et un bras mort, on a prévu, sur le premier, une poutre solidaire à deux travées, et sur le deuxième, une poutre droite indépendante.

A Annet et Trilbardou, on a exécuté deux ouvrages identiques comportant le franchissement de la rivière par un arc en béton armé. Cette disposition, qui trouvait sa justification à Annet, où on réutilisait partiellement les culées anciennes, paraissait moins indiquée pour Trilbardou. Elle y présentait l'avantage d'utiliser le même matériel et les mêmes procédés d'exécution.

A La Ferté, à Isles-les-Villenoy, on a cherché à utiliser les anciennes fondations ou culées, et on a fait des arcs articulés très surbaissés; afin d'assurer leur stabilité, on y a solidarisé les arcs et le tablier; à Changis-Saint-Jean on a pu réutiliser entièrement la culée rive gauche et les fondations des piles en établissant un pont à triple articulation assez peu surbaissé, avec des dispositions analogues; la même solution a été adoptée avec des dispositions très différentes à Ussy et à Lagny (route nationale) pour lesquels nous avons prévu des arcs encastrés constituant des anneaux distincts.

La reconstruction de ces ponts avait donné lieu à trois concours: l'un, pour les ponts de Congis, Germigny-l'Évêque, à une époque où on envisageait la reconstruction totale de ce dernier ouvrage; le deuxième, pour les ponts d'Isles, La Ferté, Changis; le troisième, pour les ponts de Lagny, Annet, Trilbardou et Cumières. A la suite de ces concours, la construction des ponts de Congis, Isles, La Ferté, Changis a été confiée à l'entreprise Le Bomin; celle des ponts de Lagny, Annet, Trilbardou et Cumières, à l'entreprise Durnerin et Lefort, sur les projets établis par la maison Pelnard-Considère et Caquot.

Les projets des ponts de Mary, Ussy, Lagny (route natio

nale) ont été établis par le Service ordinaire du département ; la construction du premier a été adjugée à l'entreprise Morhange et Bondiou ; celle du deuxième vient d'être mise en adjudication ; le projet du troisième n'est pas encore définitivement approuvé. Après ces indications générales, nous allons exposer les dispositions adoptées pour chaque ouvrage, en les groupant d'après le système de construction choisi et nous donnerons en même temps des indications sur les méthodes de calcul employées.

I. PONTS A POUTRES DRCITES.

1° Bow-string de Congis. L'ouvrage, construit de juin 1920 au 5 août 1921, comporte une travée unique de 55 m. 60 de portée entre parements des culées (fig. 1, page 125 bis). La membrure supérieure, en forme d'arc parabolique, a une section rectangulaire de o m. 625 de largeur et d'une hauteur moyenne de I m. 31; la membrure inférieure a une section rectangulaire de o m. 625 de largeur et d'une hauteur moyenne de 1 m. 50. Les deux membrures sont réunies par des aiguilles rectangulaires de 0,60/0,25, considérées comme sans rigidité transversale. Le contreventement supérieur est constitué par des entretoises situées au droit des aiguilles à l'exclusion des premières aiguilles au voisinage des culées. L'ouvrage est à une seule voie charretière d'une largeur de 2 m. 50 entre bordures de trottoirs; le tablier est constitué par un hourdis de chaussée de o m. 1475 d'épaisseur porté par des entretoises de o m. 30 de largeur espacées de 2 m. 80 et de o m. 25 de hauteur et par des longerons bordures de trottoirs de 0,20/0,75.

L'ouvrage a été calculé par la méthode indiquée par Résal dans son Traité de stabilité des constructions (1).

(1) Il n'est pas sans intérêt de comparer les résultats donnés par cette méthode et par la méthode, beaucoup plus rigoureuse à notre avis, indiquée par M. Pigeaud dans son Traité de résistance des matériaux, méthode assez analogue comme résultats à celle de Considère (Annales des Ponts et Chaussées, 1905, fasc. I, p. 81).

La méthode de Résal repose sur l'indéformabilité angulaire de la poutre

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