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LXXVI. LE PRINCE ÉDOUARD, DUC DE KENT.

Le prince Édouard, plus tard duc de Kent, étoit le quatrième fils du roi d'Angleterre. Jeune et brave sans avoir de grands talents, il étoit doué de quelque prudence dans sa conduite publique. Malgré son amour du plaisir, il avoit assez d'habitude des affaires et de sérieux dans les idées pour qu'on pût croire que l'avenir mûriroit avantageusement son caractère.

Très-sensible à l'attrait des richesses, il s'occupoit trop de les rechercher à la guerre.

Mais nous avons résolu de considérer ici le duc de Kent sous un autre point de vue.

Si la révolution américaine a eu des imitateurs, et des panégyristes parmi les gens de lettres, si elle s'y est affermie, c'est qu'elle est demeurée dans les mains de ceux qui l'avoient formentée, imaginée et consolidée.

Mais cette union pouvoit être troublée et les idées des novaleurs ambitieux y prévaloir: aussi le ministre Anglois qui prévoyoit ces événements, qui les favorisoit peut-être, avoit donné le commandement de la Nouvelle Écosse, colonie voisine des États au duc de Kent, afin que ce prince pût surveiller les États-Unis, profiter de leurs mouvements et des circonstances pour s'emparer, s'il étoit possible, de la Présidence et la rendre héréditaire. A cette époque les Américains avoient tous des goûts anglois; ils parloient la même langue, et s'ils avoient eu l'idée de se constituer en monarchie, ils auroient préféré à tout autre un prince de la maison de Hanovre.

LXXVII. DES ARMÉES.

La diète de l'Empire, assemblée à Ratisbonne, retardoit la

conclusion des affaires et les négociations du congrès de Rastadt traînoient en longueur, parce qu'on y avoit abandonné aux François les forteresses de Manheim, de Mayence et d'Ehrenbrenstein. Les demandes des ministres françois devenoient plus extravagantes à mesure que les résistances des petits princes de l'Empire étoient plus affoiblies par les dures lois qu'on leur imposoit. En même temps, la dispersion du congrès et la brusque déclaration de guerre faite au roi de Sardaigne et de Naples, au grand duc de Toscane et à l'Empereur, avoient fait évanouir tout espoir de guerre. Les armées s'ébranlèrent encore une fois pour vider cette longue et intéressante querelle, et commencèrent la campagne la plus meurtrière qu'on ait vue depuis longtemps. Les hostilités commencérent sous de fâcheux auspices pour la France; la coalition acquéroit une forte consistance; les peuples dépouillés avoient changé leur amour en horreur, et les Anglois, maîtres de la Méditerranée après la défaite d'Aboukir, s'étoient, de concert avec les Turcs et les Russes, emparé de toutes les îles vénitiennes,-que nous appelions le département de la mer Egée (1).

La France, mécontente et mutilée en Belgique, y envoyoit ses armées pour réprimer les désordres qui s'y commettoient. Pour conserver les conquêtes, il falloit opérer sur une ligne immense depuis Naples jusqu'à l'Adige, depuis l'Adige jusqu'au Rhin. Cinq corps d'armée différents se partagèrent celte étendue, deux agirent en Italie, celui de Naples aux ordres de Macdonald, et l'armée d'Italie aux ordres de Schérer; trois autres occupoient la Suisse et l'Allemagne aux ordres de Jourdan, ayant sous son commandement Masséna, dans l'Helvétie, et Bernadotte aux environs de Philisbourg. L'empereur opposa l'archiduc à Jourdan, Starzay à Ber

(1) C'étoient les îles de Zanthe, Cérigo, Céphalonie et Corfou.

nadotte, et Hotze à Masséna. Melas et Kray commandoient l'armée impériale sur l'Adige, en attendant l'arrivée du généralissime Suwarow. Le cardinal Ruffo, dans les Calabres, et les forces unies des coalisés opposoient une faible résistance à Macdonald qui, trop éloigné de Schérer, n'osoit s'éloigner de Naples dont il tenoit les forts.

Telle étoit la position respective des armées à l'ouverture de la campagne.

LXXVIII.

ARMÉE DU DANUBE ET D'HELVÉtie; corps d'oB

SERVATION.

Quoiqu'inférieur en nombre, Jourdan dut s'astreindre aux ordres du Directoire et prendre l'offensive. Il passa le Rhin et courut au devant du prince Charles; de son côté, Masséna avançoit rapidement; il avoit pénétré chez les Grisons, baltu l'avant-garde du général Hotze et pris le général Auffemberg.

Ensuite, il s'étoit porté sur Feldkirch, et avoit eu l'audace de pousser le général Le Courbe, avec le corps de son aile droite, dans les montagnes du Tyrol, pour occuper les débouchés qui menoient aux états hérédaires.

Pendant ce temps, l'armée Autrichienne, des bords du Danube, s'étoit avancée et rencontroit celle de Jourdan, qu'elle attaqua avec une supériorité et un entraîn qui lui assurèrent la victoire. Elle la défit complétement à Stokack, le 5 germinal an VII (25 mars 1799). Quinze jours après, l'archiduc contraignit Jourdan à se retirer et à repasser précipitamment le Rhin, sur les ponts de Kehl, de Brisach et Basle. L'armée d'Helvétie, isolée par ce mouvement rétrograde, fut obligé de reculer sur St-Gall, de mettre le lac de Constance devant elle, d'abandonner le général Le Courbe à ses seuls talents, tandis que Bernadotte se bornoit à faire

de vaines et plates sommations à la garnison, avant de repasser lui-même le Rhin. Malgré le danger imminent, Le Courbe sut se frayer le chemin sur Bellinzona, et rejoignit à Altorf le général Masséna sans avoir été attaqué.

Jourdan, malheureux, depuis trois ans, fut rappelé par le Directoire et remplacé par Masséna, qui fondit les deux armées en une. Il se concentra habilement dans le pays le plus élevé de l'Europe, afin d'y transporter le théâtre de la guerre, et ne laissa que de simples corps détachés en avant de Kelh et de Philisbourg, pour couvrir ces points.

LXXIX. ARMÉES D'ITALIE ET DE NAPLES.

Schérer avoit eu les mêmes ordres que Jourdan, et il devoit attaquer l'armée Impériale. Il partit de Milan et rassembla ses troupes sur la rive droite de l'Adige.

Il se proposoit de passer ce fleuve afin de pénétrer dans les États vénitiens, de faciliter les desseins de Macdonald et de combiner ensuite ses mouvements d'après ceux de l'armée d'Helvétie. Il obtint un léger avantage sur quelques parties de la ligne ennemie à Vérone, Rivoli, Munster et Glurentz, le 5 germinal an vII (25 mars 1799). Mais l'action devint générale, longue et opiniâtre quelques jours après, et Schérer, obligé de céder le terrain malgré les efforts du général Moreau pour s'y maintenir, dut abandonner le champ de bataille au général Kray. Toutefois, il eut le temps de détruire ses magasins, son artillerie, et se retira sur le Mincio. L'ennemi, profitant de ses premiers avantages, passa promtement l'Adige et se mit à la poursuite des François. Rejoint par l'armée russe, aux ordres du feld-maréchal Suwarow, qui prit le commandement général, il attaqua Moreau, qui avoit succédé à Schérer, dans les environs de Cassano. Après avoir passé l'Adda en vue de l'armée françoise, il la

culbuta de l'autre côté de Milan. Repoussées, de Novare en Piémont, jusqu'à Alexandrie, Tortone et Valence, nos troupes purent enfin prendre position dans cette dernière ville, et le général François y tint ferme pendant quelque temps. Ce poste le mettoit à même de secourir Gênes et de rallier à lui les corps méridionaux les plus exposés. Ce fut alors que, craignant d'être entouré par le nombre supérieur des Impériaux qu'il avait à combattre, il se retira prudemment sur Coni, afin d'y attendre des renforts et de prendre l'offensive quand l'occasion s'en présenteroit, en pénétrant au cœur de l'Italie. Le général russe eut alors une grande étendue de pays à garder, beaucoup de siéges à faire derrière lui et quelques places à masquer. Il laissa donc des corps détachés aux généraux Kray, Kaim, Hohenzollern et Klenau, pour ces diverses opérations. Brescia, Peschiera, Pizzighitone et Milan tombèrent rapidement entre leurs mains, tandis que lui-même manoeuvroit devant Moreau pour l'empêcher d'opérer sa jonction avec l'armée de Naples, qui marchoit sur les Russes. Toutefois, Suwarow ne put empêcher le général françois de se reporter en avant, de franchir les Apennins et d'occuper Gênes et le territoire de la République Ligurienne pour accomplir son dessein. Le feld-maréchal disposa les armées impériales dans les plaines environnantes, fit presser les sièges de Turin, de Ferrare, d'Alexandrie et de Tortone, et s'en empara même avec une promptitude effrayante.

Macdonald étoit parti de Naples en laissant garnison dans les forts, il avoit traversé Rome et étoit arrivé à Florence le 5 prairial an vii (24 mai 1799). Renforcé des corps de troupe qu'il avoit ralliés en route, il précipita sa marche pour rejoindre Moreau et culbuta, sur le Panaro, la division du général Hoff, qui s'opposoit à son passage. En apprenant cet échec, Suwarow arrive en toute hâte avec une partie de ses

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