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pouvons mesurer nos vers sur la cadence des anciens, et parmy ceux-là, dit-il, audet Nicolaus Rapinus, ingenio fretus quo excellit, idem propositum urgere, sunt quo adeo nobis ab illo epos quæ'dam evdet, ostensæ', exquisitissimæ eloquentiæ etc.

Estienne Pasquier, non content d'avoir parlé honoroblement de luy et de ses vers mesurez dans ses doctes recherches de la France, et mesme d'y avoir inséré toute entière l'ode Saphique rymée dont il honora les cendres de Pierre de Ronsard, luy dédie encore quelques gentilles épigrammes que l'on peut lire sans doute avec plaisir dans son livre, témoin celle-cy où il fait une allusion aussy agréable que spirituelle sur son nom :

Quos das sponte lego, relegoque Rapine phaleucos,
O animæ, o animi, blanda Rapina mei.

At mihi quantumvis te pollicearis amicum
I tamen, alterius quære patrocinium.
In jus te rapio plagii te Flavia damnet

Qui me surpueris, culte Rapine, mihi.

Et cette autre qui commence de la sorte :

Marte sub ancipiti certabant Phoebus et Hermes
Huic Arpinus sei sorte Rapinus adest.

Et le reste que l'on peut voir dans le 7 livre des excellentes épigrammes de Pasquier qui, par paranthèse, fit grand estat des vers que Rapin luy présenta sur le sujet de la Puce de Poictiers. Réné Arnoul, dans son livre intitulé l'Enfance, luy dédia une épigramme assez gentille, où il le compare luy et son frère aux enfans jumaux de Jupiter et de Latône; Scévole de Sainte-Marthe fait bien voir encore dans ses odes latines et françoises, et dans ses épigrammes françoises et latines, la haute estime qu'il faisoit de son mérite et l'affection tendre qu'il avoit pour luy. Guillaume du Peyrat, dans ses poësies latines, et particulièrement dans une ode qu'il luy

adresse, l'appelle tantost l'ornement de la trouppe des muses: Rapine Aoniæ decus caternæ; tantost le Pindare de la France, Salve Pindare Galliæ Rapine. Antoine de Laval parlant dans un chapitre de ses desseins, des vers mesurez et rymez, dit qu'après avoir gousté ceux de Rapin, il y trouva tant d'art, tant d'industrie, et tant de belles inventions, auprès de nos rymes seules, qu'il pencha de ce costé là, non tant pour desdain qu'il eust de l'autre poësie, comme pour la créance qu'il avoit que cette façon d'escrire mesurée, essayée tant de fois, et n'ayant jamais pû s'eslever en crédit, seroit le vray outil pour faire choir la plume des mains à tant de petits brouillons et d'ignorans, qui s'enrument en rimant, et qui ont perverty le bel art poëtique nullement reconnoissable en beaucoup d'ouvrages de ce temps, au prix de ces belles pièces antiques qui ont fait teste à l'injure du ciel et des ans. Estienne Bournier de Moulins, dans son Jardin poétique d'Apollon et de Clémence luy consacre des vers latins et françois, qui sont autant de preuves esclatantes de la satisfaction qu'il avoit en lisant ses œuvres. Jean de Larcher d'Avranches ayant rencontré par hazard un portrait de Rapin, en fut si ravy, qu'il ne feignit point pour l'avoir de l'achepter au prix d'un riche diamant qu'il portoit à son doigt, comme il le témoigne par un long poëme imprimé qu'il adressa sur ce sujet à nostre docte Rapin, qu'il n'avoit jamais veu, mais dont il révéroit tout à fait le mérite. Salomon Certon, dans ces divers poëmes, en adresse un fort beau en vers mesurez à Rapin qu'il en reconnoist le prince et le maistre, et regrette infiniment la perte que la France et les muses avoient faite en sa mort.

Ce fameux divertissement de nostre théâtre françois, le gentil Alexandre Hardy, se rencontrant un jour à Fontenayle-Comte, l'alla visiter en sa maison de Terre-Neuve, où il luy présenta en sa louange une longue élégie françoise que

je garde précieusement encore escritte de la main de l'autheur, elle commence ainsy :

Mon désir et mon heur en ce pélérinage

Qui tient depuis dix ans la course de mon âge,
Terme à moy plus fatal que celuy d'Illion,
Est de connoistre ceux qui d'entre un million
De peuples épandus sur la terre où nous sommes.
Surpassent en vertu le vulgaire des hommes

Et comme le fin Grec remarquant leurs humeurs
Me former aux patrons de leurs louables mœurs, etc.

Charles de Faye d'Espesses, dans ses Mémoires des choses considérables avenues en France de son tems, remarque comme j'ay dit, le temps de la mort de Rapin, et luy donne cet éloge véritable, qu'il estoit homme de courage, d'indusrie, de gentillesse, d'esprit et de candeur; libéral au-dessus de ses forces et pour tant de bonnes qualités, bien digne d'une plus haute charge que celle qu'il a long temps exercée. Au reste, comme sa poësie françoise a je ne scay quoy de généreux et de loüable; et que sa poësie latine a toujours passé pour nette et pour ingénieuse du commun consentement de tout le monde, Antoine du Verdier, La Croix du Maine, Georges Drande et l'autheur du Promptuaire des livres, ne l'ont pas oublié dans leurs bibliothèques des autheurs françois. Et depuis péu de jours ce docte et curieux religieux de Saint-Bernard, et de la congrégation de NotreDame des Feuillans, le R. P. Pierre de Saint-Romuald qui nous a donné cet utile et agréable trésor chronologique en trois gros volumes, fait aussy fort honorable mention de luy, et après y avoir cotté le temps de sa mort et rapporté son épitaphe latine, et m'y avoir mesme donné un éloge que je ne mérite pas, il ne dédaigne point aussy d'y insérer la version françoise que j'en ay faite, et que j'ay ci-dessus rapportée. Mais parmy tant d'illustres témoignages, il s'en est peu. fallu que j'aye oublié celui que j'avois le plus au cœur ; c'est

ce fameux prince de la satyre françoise, Mathurin Regnier, qui, parmy scs poèmes satyriques luy en desdie un de ses meilleurs selon la plus commune approbation des doctes, contre les ineptes versificateurs de son siècle, qui condamnent les bons et anciens poëtes et leurs plus excellens ouvrages c'est ainsy que commence cette satyre.

Rapin, le favory d'Apollon et des muses,

Pendant qu'à leur mestier jour et nuit tu t'amuses
Et que d'un vers nombreux non encore chanté
Tu te fais un chemin à l'immortalité...

Et le reste qui est couronné de cette conclusion gaillarde et piquante.

Mais Rapin à leur goust, si les vieux sont prophanes

Si Virgile, le Tasse et Ronsard sont des asnes

Sans perdre à ce disconrs le tems que nous perdons
Allons comme eux aux champs, et mangeons des chardons.

XIV. — LES DÉVELOPPEMENTS

DES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA MONARCHIE FRANÇOISE,

PAR M. JANNON,

Président à mortier du Parlement de Bourgogne.

Dès les premières années de l'émigration, et notamment après les excès de 1793, les magistrats parlementaires réfugiés en Allemagne, frappés de l'égarement des masses, de l'ignorance et de la mauvaise foi des écrivains révolutionnaires, conçurent l'idée d'un livre qui, tout en vengeant la royauté des attaques et des odieuses calomnies sous le coup desquelles elle avoit succombé, rappeleroit les véritables principes et les institutions politiques qui firent durant tant de siècles la force de l'édifice social en France. Ce livre, fruit de sérieuses études, écrit avec le concours des plus 17 année. Octobre à Décembre 1871.

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Docum.

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doctes magistrats de l'émigration, étoit principalement l'œuvre de M. le Président Jannon. Il parut à Neufchâtel, en 1795, sous forme d'un petit in-8° d'environ 200 p. Le moment n'étoit guère favorable au succès d'un livre de ce genre. La crise politique se prolongeoit et les événements qui continuoient la Révolution n'étoient pas de nature à ramener les esprits aux idées des auteurs. Euxmêmes, à l'approche des troupes de la République, errants de ville en ville, et voués à toutes sortes d'avanies que leur valoit leur qualité d'émigrés, perdirent de vue le livre, et l'édition entière fut mise au pillage ou au pilon, sans qu'un seul volume pût pénétrer en France et arriver à destination. Quelques rares exemplaires, échappés au désastre, restèrent aux mains du Président Jannon qui, loin d'abandonner à sa malheureuse destinée l'œuvre collectif de ses collègues, entreprit de lui donner une suite ou plutôt de se servir de ce thème comme d'un simple canevas pour un ouvrage plus complet et de plus longue haleine. Ce travail qui sembloit devoir excéder les forces humaines, M. Jannon l'entreprit et la mit à bonne fin. Mais il devoit rester longtemps encore inédit et ignoré entre ses mains.

L'heureuse circonstance qui nous a mis à même de lire et d'étudier ces étonnantes recherches, nous permet d'en dire ici quelques mots en connoissance de cause. Ce commentaire des Développemens dépasse de beaucoup les proportions du livre imprimé, et nous pouvons affirmer qu'après le travail de Mlle de Lézardière, avec lequel il a quelques rapports, il nous a paru le livre le plus complet, le plus sérieux et le plus utile qui se puisse lire sur la matière. C'est en effet un inépuisable puits d'érudition, où la dialectique la plus serréé abonde en preuves, en témoignages irrésistibles; un arsenal plein d'armes et de projectiles contre les doctrines subversives de la Révolution, et toutes favorables aux institutions de l'ancienne monarchie. - On comprend qu'un livre aussi énergiquement conçu n'étoit point appelé aux honneurs de la publicité, même la Révolution enrayée par Bonaparte. On y trouvoit une merveilleuse argumentation en faveur d'un ordre de choses qui n'étoit pas celui de l'Empire, et rien dont une nouvelle dynastie pût faire bois ni flèche. Tout, au contraire, y sembloit à son détriment. Car, dans ses concessions les plus larges, l'auteur ne commence à regarder légitime une dynastie conquérante, un mode quelconque de gouvernement, qu'après cent ans révolus d'exercice et de puissance. La légitimité, suivant le Président Jannon, ne se périme qu'aut bout d'un siècle, et quand les prétendants, ou ayant cause, ont suffisamment manisfesté leur renonciation à toute reprise ou revendication.

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