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Un jour Phipps put croire qu'il avoit du moins réussi à diviser les indigènes et à mettre quelques tribus de son parti. Il avoit demandé à traiter de la paix ; et on l'écoutoit; et des conférences avoient été ouvertes; mais un missionnaire françois, M. de Thury, renversa d'un seul coup les desseins et les espérances de l'amiral. Il réunit des Indiens de Pentagoët et de la rivière de Saint-Jean, leur persuada d'envahir le territoire anglois et les joignit à un détachement de soldats sous les ordres de M. de Vildieu. La petite troupe s'avança jusque dans la banlieue de Boston où elle prit un fort, tuant en chemin deux cent cinquante hommes, brûlant cinquante ou soixante habitations et recueillant un énorme butin (1). Après un tel acte d'hostilité, il ne pouvoit plus être question de négociations. Les sauvages ne voulu, rent plus entendre parler de paix. Phipps, qui ne gagnoit rien parla guerre, tenta pourtant un peu plus tard d'entrer encore une fois en pourparler; mais M. de Thury rendit vains tous ses efforts.

L'Acadie maintenoit ainsi l'intégralité de son territoire; et malgré l'écrasante supériorité de leur nombre, les AngloAméricains ne pouvoient rien contre elle; mais elle ne parvenoit pas non plus à les faire reculer. Enfin, en 1696, le Canada, reposé de ses glorieuses fatigues et encouragé par ses succès précédents, résolut d'attaquer Pemaquid; et Pemaquid tomba. Le soin de cette affaire importante fut confié au plus grand homme de mer qu'ait produit la NouvelleFrance, au fondaleur illustre de la Louisiane, à l'intrépide conquérant du pays de la baie d'Hudson, à Pierre Le Moyne, seigneur d'Iberville.

Toutefois, la nécessité d'obtenir le consentement de la métropole ne lui permit pas de prendre l'initiative. Pendant

(1) C'est peut-être l'expédition dont parle La Fargue.

qu'il se rendoit en France, les Anglois envoyèrent trois vaisseaux croiser devant la rivière de Saint-Jean, avec l'intention d'assiéger Nexoat.

Le chevalier de Villebon, trop faible pour combattre, sortit du fort et remonta la rivière afin de rester en communication avec les Indiens. On s'observoit de part et d'autre, quand d'Iberville, qui étoit parti de Rochefort avec deux vaisseaux, atteignit la baie des Espagnols au cap Breton. On étoit au mois de juin. Il trouva en arrivant des lettres du - chevalier qui lui faisoit connoître sa position et le pressoit de venir à son secours.

Sans délibérer, il prit à bord une cinquantaine de sauvages et cingla vers la rivière de Saint-Jean. Rencontrer les trois vaisseaux anglois, les aborder, les battre, tout cela ne fut qu'un pour le vaillant Canadien. Un vaisseau, que les premiers coups de canon avoient démâté, demeura en son pouvoir; les deux autres se sauvèrent à la faveur d'une brume épaisse. Cela fait, d'Iberville, accompagné du chevalier de Villebon, qu'il avoit dégagé, et, suivi de sa prise, se rendit à Pentagoët; il renforça ses équipages de deux cents sauvages abénaquis, sous le commandement du baron de Saint-Castin; et il se présenta, le 13 juillet, devant Pemaquid. Le colonel Chubb qui étoit chargé de la défense du fort, fit d'abord bonne contenance. Il sembloit résolu à opposer aux assaillants la résistance la plus énergique; mais dès que les bombes commencèrent à tomber autour de lui, il capitula et rendit la place, le 14. D'Iberville fit sauter les murailles avec la mine. Ainsi cette grande forteresse que les Anglois avoient construite avec tant de frais, enlevée par un coup de main, fut renversée de fond en comble.

Sur un autre point, le colonel Church menoit à bien une de ces entreprises de piraterie que les Anglo-Américains préparoient et exécutoient, il faut le dire, avec une grande

habileté. Il parcouroit et ravageoit les côtes acadiennes dans le fond de la baie Françoise; il pilloit notamment Beaubassin, habitation qui ne remontoit guère au-delà de 1686 et dont la population croissoit et prospéroit à l'abri de la neutralité.

Il retournoit à Boston avec son butin quand il reçut l'ordre d'aller prendre le fort de Nexoat; mais ce fut le terme de ses triomphes. On lui envoyoit, outre trois vaisseaux dont un de 32 canons, un renfort de 200 hommes; ce qui, avec les 700 qu'il avoit déjà, lui faisoit une petite armée de 900 soldats. C'étoit, ce semble, beaucoup plus qu'il n'en falloit pour réduire un fort de terre, que couvroient seulement quatre bastions fraisés et armés de six canons chacun et que défendoient cent combattants à peine; mais le chevalier de Villebon, qui avoit été fait prisonnier, nous ne savons comment, en revenant de Pemaquid, et qui avoit recouvré sa liberté, nous ne savons pas davantage en quelles circonstances, avoit repris le commandement des forces françoises. Church mit son monde à terre et commença le siége, pendant que ses vaisseaux du côté de la rivière battoient la place. Les jours s'écouloient, et ses travaux n'avançoient pas, tant le chevalier déployoit d'activité, de vigilance et d'énergie. A la fin, désespérant de la victoire, il se rembarqua et disparut.

Ce fut dans les parages acadiens le dernier événement de la campagne et de la guerre, qui se terminèrent à la gloire. aussi bien qu'à l'avantage des colonies françoises. Malgré la supériorité numérique de sa population, malgré les puissants secours de sa métropole, la Nouvelle-Angleterre ne put entamer sur aucun point l'Acadie et le Canada. La paix de Riswych, signée le 21 septembre 1697, laissa les deux puissances en Amérique dans l'état où elles étoient avant l'ouverture des hostilités, c'est-à-dire qu'elle laissa à chacune ses droits et ses prétentions, si ce n'est que l'Angleterre renonça

à la possession exclusive de la baie d'Hudson et que la frontière entre l'Acadie et le Massachussets fut fixée à la rivière de Saint-Georges.

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First and second report of the royal commission of historical manuscripts, 2 vol. petit in-folio.

J'ai sous les yeux, en ce moment, deux volumes très-importants dont je voudrois rendre un compte sommaire aux lecteurs du Cabinet historique; mais, avant de les aborder, une espèce de préface est absolument indispensable, et ce premier article servíra de prolégomènes.

en

Tous les travailleurs qui ont eu occasion de consulter, soit les dépôts manuscrits du British Museum, soit les pièces conservées au Record-Office (archives du royaume), savent depuis longtemps ce qu'il y a de trésors en tout genre, de documents pour servir à l'histoire non-seulement de l'Angleterre, mais de l'Europe; d'excellents catalogues, grande partie imprimés et constamment tenus à jour, facilitent les investigations et provoquent les recherches. Mais, en dehors de ces deux vastes établissements nationaux, il est évident que d'autres mines restent encore à explorer, d'autres trésors à mettre en lumière. Nous n'avons pas jusqu'à présent eu, Dieu merci, en Angleterre, les archives des familles, des églises et des corporations laïques ou religieuses mises au pillage de par les droits de l'homme ; et en fait de manuscrits, comme pour ce qui se rapporte aux tableaux, aux sculptures et en général à tous les objets d'art, des collections particulières répandues dans presque tous

les châteaux, les colléges et les églises cathédrales, renferment des richesses dont tout récemment encore le public lettré n'avoit qu'une idée très-vague et très-imparfaite. On apprenoit sans doute, de temps en temps, que tel ou tel lord faisoit paroître, sous les auspices de la Cumden Society ou du Roxburghe Club un curieux manuscrit tiré de sa bibliothèque, annoté avec soin, et servant à élucider quelque point d'histoire politique ou littéraire; mais ce n'étoient là que des cas exceptionnels. Or, puisque, à l'occasion des grandes expositions internationales les amateurs appartenant à l'aristocratie, à la riche bourgeoisie ou au commerce ne faisoient aucune difficulté de prêter pour six mois ou pour un an les plus rares joyaux de leurs galeries: peinture, statuaire, marbres, bronzes, etc.; puisque le duc de Northumberland, le marquis de Westminster, le marquis de Bute, la Reine elle-même tenoient à honneur de mettre sous les yeux du public des chefs-d'œuvre d'un accès relativement difficile, car, en effet, pour les étudier, il auroit fallu voyager d'un bout à l'autre de l'Angleterre; n'étoit-on pas en droit de conclure que les bibliothèques et les archives privées s'ouvriroient avec la même facilité que les collections d'objets d'art, et que par le moyen de catalogues ou d'index, rédigés par des personnes compétentes, le public savant seroit mis en mesure d'apprécier l'étendue et l'importance des sources encore inexplorées qu'il y auroit lieu de consulter pour corriger, compléter ou contrôler les divers problèmes qu'offre l'histoire du Royaume-Uni depuis ses origines jusqu'à nos jours? L'idée étoit admirable; il ne s'agissoit que de la mettre à exécution, et le gouvernement lui-même prit l'initiative. Le 2 avril 1869, un décret de Sa Majesté la reine Victoria, contresigné par le ministre de l'Intérieur, M. Bruce, parut, portant organisation d'une commission historique, ainsi qu'il suit :

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