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DE LA

RESTAURATION.

CHAPITRE XVII.

SESSION DE 1820 A 1821. DIVERS COMPLOTS.

PLUS je me rapproche, dans cette histoire, du moment qui s'écoule, plus le terrain sur lequel je marche me semble à la fois immense, mobile et brûlant. Il s'agit en effet d'une lutte sociale qui paraît engagée à la fois dans toutes les parties éclairées de la terre. L'action est perpétuellement transportée d'un théâtre à un autre. C'est dans la France qu'elle a commencé; c'est la France qui doit en faire le dénoûment. Jamais, même sous les lois du plus formidable des conquérans, nous n'avons plus porté avec nous les destinées du monde. Quand nos mouvemens étaient im

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pétueux et forcenés, ils n'étaient imités nulle part; devenus plus calmes et plus rationnels, ils ont sollicité une émulation générale et fait naître des imitations trop souvent malheureuses. Mais l'événement n'est consommé

nulle part. La liberté peut refleurir dans les lieux où ses efforts même ont été le plus cruellement comprimés; elle peut s'éveiller subitement dans ceux où elle paraît dormir d'un sommeil héréditaire. Il est d'autres états où elle s'établit sans secousse par une douce intelligence entre le monarque et le peuple.

Dussé-je quelquefois donner à cette histoire de France le caractère d'une histoire européenne, je ne veux point séparer de mon sujet des révolutions et des événemens exté– rieurs qui en font le plus riche développement. Par cette diversité d'aperçus, je maintiendrai l'unité du tableau. C'est fortifier la chaîne historique que d'y faire entrer tous ses élémens nécessaires. Le travail de les rassembler me semble si facile et indiqué par des liaisons si naturelles, que je ne crois point cette fois devoir prévenir mes lecteurs. de s'armer de patience et de courage. Toute excursion a de l'attrait, quand elle laisse apercevoir le but vers lequel on se dirige.

En racontant avec quelques détails les révolutions de l'Espagne, du Portugal, de Naples et du Piémont, cette belle révolution de la Grèce et quelques événemens assez dramatiques dont la scène est en Allemagne, en Angleterre, en Russie, j'ajoute à l'intérêt des faits domestiques. Chez nous, durant la période que je vais parcourir, le repos est plutôt menacé que troublé. Vous voyez beaucoup d'oscillations et point de renversemens. Tantôt ce sont des passions révolutionnaires qui semblent se réveiller, mais chez un petit nombre d'hommes qui tombent bientôt victimes d'une effervescence peu contagieuse. Tantôt et plus long-temps, vous voyez se préparer une oppression cauteleuse qui voudrait saper la liberté par toutes ses bases, mais qui ne réussit qu'à endommager faiblement une partie de l'édifice. Au milieu de ces chocs, les lois semblent se maintenir d'elles-mêmes; tous les dangers sont surveillés; l'opinion triomphe des plus fortes combinaisons de l'intrigue. Nous assistons par degrés à l'âge mûr d'un peuple violemment régénéré dont la jeunesse nous avait offert tant de sujets d'admiration et d'épouvante.

Après deux volumes publiés de cette histoire contemporaine, je croyais m'avancer

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sous un ciel serein. Nos débats publics s'étaient réduits à cette agitation parlementaire, principe et témoignage nécessaire de la vie constitutionnelle. Je voyais le port en décrivant, non plus les tempêtes, mais les bourrasques qui nous avaient quelque temps ébranlés sur le rivage. Un vent plus impétueux a soufflé le 8 août 1829. Il semble que nous renaissions pour la révolution et la guerre civile; du moins on publie des manifestes qui les font présager. Vivement ému, souvent même indigné, j'ai craint de ne plus retrouver le calme de l'historien ; mais, plus je comparais dans ma pensée l'époque de 1789 à celle de 1829, plus l'extrême dissemblance des deux états de choses et je pourrais presque dire des deux peuples me fournissait des motifs de sécurité1.

C'est un grand spectacle que celui d'une

1 Au moment où je livre ce volume à l'impression (8 mars 1830), les dangers que court la liberté constitutionnelle se sont accrus. La crise politique semble être dans toute sa violence, mais le calme et la fermeté des esprits ne sont point ébranlés. Des ministres portent d'imprudens défis à la révolution, c'est le bon sens national, c'est une fierté paisible qui se chargent jusqu'à présent de la réponse.

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