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pour les aider à relever leurs peuples. La Lombardie morne et muette retomba sous un sceptre de plomb; les douaniers, les caporaux et les jésuites formèrent une triple alliance contre la pensée. Le cachot de Galilée allait se rouvrir pour tous ceux qui se livraient encore aux méditations des Beccaria, des Filangieri. L'Italie fut cependant plus visitée que jamais par des Européens nobles, riches ou lettrés, pèlerinage cruel quand ces étrangers versent à pleines mains un ingrat mépris sur leur route. Un Anglais ne doit-il pas se dire « C'est nous qui, en 1815, en » 1821, avons livré à l'Autriche, l'Italie et >> toutes ses libertés. » L'Italien entend vanter son beau ciel, ses dômes, ses galeries de tableaux, ses ruines; et ne lui pas un mot. << Chantez, lui dit-on, envoyez vos musiciens » sur les bords de la Seine, de la Tamise, de » la Newa; eux seuls, parmi vous, conservent >> encore le privilége d'exciter quelqu'enthou» siasme et de se faire ouvrir le palais des >> souverains.. >>

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Cependant la Toscane, heureuse et florissante sous un troisième règne de sages, bénit le cœur patriotique, le cœur toscan d'un prince autrichien. Le roi des Deux-Siciles, quand la main de l'Autriche ne s'appesantira plus

1821.

1821.

sur son trône, ne doit-il plus se souvenir des
promesses, des vœux, des démarches actives
et des amitiés du duc de Calabre? Ne pour-
rait-on pas faire comprendre à certains
hommes d'état que la liberté monarchique
est aujourd'hui le meilleur ciment des mo-
narchies? Pourquoi l'Italie ne serait-elle
point admise à la goûter? Le chef-d'œuvre de
la politique ne serait-il pas d'amener les peu-
ples à la préférer à la liberté plus fastueuse,
mais moins réelle et plus restreinte des ré-
publiques? La Lombardie, théâtre des inter-
minables défaites de l'Autriche, sera-t-elle
éternellement traitée comme sa conquête?
Quoi! la Russie a permis à une partie de la Po-
logne de former sous ses lois un état séparé!
Elle n'a pas craint d'entendre de si près le lan-
gage viril du
gouvernement représentatif, et
l'Autriche ne peut avoir la même condescen-
dance pour un pays dont elle est séparée
par les Alpes Noriques et Juliennes! Elle
ne souffre pas qu'une étincelle d'esprit public
vienne rendre un faible mouvement au ca-
davre de Venise, de Venise qui était son
alliée la veille du jour où elle en fit son es-
clave et sa proie. Tels sont les soins de M. de
Metternich; il faut que le peuple italien
change sa nature, et réforme son ciel pour

adopter le tempérament soporeux de ses maîtres. C'est un homme d'état bien conjuré contre les grands souvenirs et les débris de l'antiquité! Il a pris pour victimes d'élite, l'Italie et la Grèce.

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CHAPITRE XIX.

TABLEAU HISTORIQUE DE L'INSURRECTION
DE LA GRÈCE.

1821.

Différentes causes de l'insurrection de la Grèce.

QUAND on apprit au congrès de Laybach l'insurrection de la Grèce, M. de Metternich s'écria: «Voilà un nouveau complot du carbonarisme!» et les souverains ne furent que trop enclins à en juger ainsi. La Grèce paya par des flots de sang leur préoccupation. Si la Russie était étrangère à cette insurrection, elle ne l'était pas aux causes qui l'avaient amenée; elle la préparait dès le temps où Pierre I. avait révélé son vaste empire à l'Europe. Cet homme extraordinaire avait conçu le projet de rendre à la civilisation le peuple qui en avait été le père, dans le même moment où il civilisait violemment sés barbares sujets. Cette entreprise échoua. Pierre I. fut sur le point d'éprouver, sur les bords du Pruth, le sort qu'il avait fait subir à Charles XII dans les champs de Pultawa. Mais un si vaste dessein ne mourut pas avec le czar. Le cabinet de Saint-Pé

tersbourg en conserva fidèlement la tradition et fit un essai plus heureux de ses armes contre les Turcs. Il est vrai que, de toute la Grèce, il n'envisageait guère que les provinces limitrophes de son empire, telles que la Moldavie et la Valachie.

Catherine II, ivre de gloire, de plaisirs et de projets de grandeur, après le meurtre d'un époux, cherchait avec son complice Orloff dans le salut de la Grèce le moyen d'arrêter les murmures et de mériter les louanges de l'univers. Ses flatteurs parmi lesquels elle comptait des monarques et Voltaire ne cessaient d'enflammer en elle un désir que secondaient avec éclat les victoires de Romanzof. Ennuyée de n'agir encore que pour des Moldaves et des Valaques, voués à une barbarie et une misère éternelles, elle avait tenté de pénétrer dans l'intérieur de la Grèce et c'était Orloff lui-même qui, monté sur une flotte, était venu réveiller les souvenirs d'héroïsme et de liberté dans Sparte et dans Sycione. Les Grecs n'avaient répondu qu'avec une ardeur trop vive à sa voix. Mal secondés, ils s'armèrent et périrent. D'interminables supplices signalèrent la victoire de leurs vieux oppresseurs. Les Péloponésiens, toujours confians dans les armes de

1821

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