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EXTRAIT D'UNE DÉPÊCHE

ADRESSÉE

PAR M. SAN MIGUEL,

MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,

A M. DE COLOMB,

ENVOYÉ ESPAGNOL A LONDRES.

Datée de Madrid, 13 novembre 1822.

« Le gouvernement de S. M. a reçu avec reconnaissance, mais sans surprise, la commission verbale annonçant que le cabinet de S. M. B., respectant l'indépendance et les institutions politiques adoptées par la nation (espagnole) a résolu de ne point intervenir dans nos affaires intérieures.

>> On ne pouvait attendre autre chose du gouvernement d'une nation qui, comme la nation anglaise, connaît ses droits et les premiers principes de la loi publique. On doit s'étonner seulement qu'il ne juge pas nécessaire de donner à une déclaration d'une justice si notoire la solennité qu'elle mérite.

» Les liens d'une estime profonde, les principes de la bienséance mutuelle, et l'analogie des institu

tions respectives qui existent en Espagne et en Angleterre, ne donnent-ils pas à la première de ces puissances, accablée de difficultés, le droit d'attendre de la dernière, dont l'influence politique est de la plus haute importance, quelque chose de plus qu'une justice simple et abstraite, quelque chose de plus qu'un respect passif pour des lois universelles, qu'une neutralité froide et insensible? Et si quelque intérêt sincère, comme il convient à deux nations dans de semblables circonstances, existe dans la cour de Londres, comment se fait-il qu'il ne se manifeste pas par des actes visibles d'interventions amicales pour sauver son allié de maux auxquels l'humanité, la sagesse et même une politique sage et prévoyante sympathiseront ? ou comment se fait-il, si ces actes bienveillans existent, qu'ils ne soient pas communiqués au cabinet de S. M. C.?

» Les actes auxquels je fais allusion ne compromettraient en aucune manière le système de neutralité le plus strict. Les bons offices, les conseils, les réflexions d'un ami, en faveur d'un autre, n'unissent pas deux nations pour l'attaque ou la défense, ne l'exposent pas à l'inimitié du parti opposé, s'ils ne méritent pas sa reconnaissance, et ne sont pas en un mot des secours effectifs, des troupes, des armes, des subsides, qui augmentent la force de l'un des deux partis; nous parlons seulement de raison, c'est avec la plume de la conciliation qu'une puissance située comme la Grande-Bretagne pourrait soutenir l'Espagne sans s'exposer à prendre part à une guerre qu'elle peut peut-être empêcher avec une utilité générale.

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et

L'Angleterre pourrait agir de cette manière : le

pouvant, doit-elle le faire? D'après les vues sages, justes et généreuses du gouvernement de SaintJames, sa réponse ne peut qu'être affirmative; pourquoi donc ne déclare-t-elle pas à l'Espagne ce qui a été fait, et ce qu'elle se propose de faire dans ce sens ? Existe-t-il de grands inconvéniens qui enjoignent la discrétion, qui rendent le secret nécessaire ? ils ne se présentent pas à une pénétration ordinaire.

» Néanmoins, dans cette incertitude sur les remercîmens qu'il doit faire au ministère anglais, le gouvernement de S. M. catholique se croit obligé de faire connaître à la face du monde, afin qu'on puisse y voir sa profession de foi, qu'en respectant les droits d'autrui, il n'admettra jamais la moindre intervention dans ses affaires intérieures, et n'exercera aucun acte qui pourrait compromettre le libre exercice de la souveraineté nationale.

>>

Quand vous aurez une une fois communiqué ces franches déclarations au très - honorable Georges Canning, S. Exc. ne pourra faire moins que de les trouver digne de son assentiment flatteur, tant par leur substance que par leur forme, et d'y répondre cordialement dans l'esprit qui les a dictés. Il suffira que vous terminiez cette conférence en rappelant à S. Exc. que l'Espagne a presque toujours été dans ses relations politiques victime de sa probité et de sa bonne foi: que son amitié toujours utile à d'autres nations est sincère sous tous les rapports. Que le gouvernement de S. M. désire conserver les liens d'amitié qui existent entre l'Espagne et l'Angleterre, mais sans qu'il en coûte le moins du monde à sa dignité, à son honneur; et que si le peuple espagnol doit avoir à lutter dans les embarras qui résultent

de ses immenses pertes successives, il a toujours assez d'élévation dans les sentimens, assez de force dans le caractère pour supporter ses calamités, et de constance dans ses résolutions pour se soutenir, au prix des plus grands sacrifices, au rang qui lui appartient en Europe. »

NOTE

DU DUC DE MONTMORENCY

AU

DUC DE WELLINGTON.

Paris, le 26 décembre 1822 1.

LE soussigné, ministre des affaires étrangères, a reçu et mis sous les yeux du roi la note que S. Exc. le duc de Wellington lui a fait l'honneur de lui adresser le 17 de ce mois.

» S. M. a apprécié les sentimens qui ont engagé le roi d'Angleterre à offrir sa médiation à S. M., afin de prévenir une rupture entre elle et le gouvernement espagnol; mais S. M. n'a pu s'empêcher de voir que la situation de la France à l'égard de l'Espagne n'était pas de nature à appeler une médiation entre les deux cours.

» En fait, il n'existe aucun différent entre elles, aucun point spécial de discussion par l'arrangement duquel leurs relations pourraient être rétablies dans l'état où elles devraient être. L'Espagne, par la

1 Nous devons faire observer que cette lettre ne peut être datée du 26, puisque M. de Montmorency a donné sa démission le 25.

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