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infantes ses filles, dont rien ne pouvait la séparer. En France, les partisans encore masqués de l'absolutisme exaltaient ce refus sans mesure, et s'écriaient que la dignité royale s'était réfugiée dans le cœur des femmes. Cependant le roi don Juan avait consulté ses ministres et son conseil d'état pour savoir comment on pourrait punir le refus de la senora dona Carolina, en conciliant les lois constitutionnelles et la sécurité du pays avec les égards dus à sa personne auguste. Tous opinèrent pour qu'elle fût conduite au château de Ramalhao, et de là, quand sa santé le permettrait, sur les frontières de l'Espagne, sa patrie. Cette résolution fut soumise aux cortès. Un député royaliste, Accursio das Nevès, protesta contre cette violence faite à la fois à deux personnes sacrées. Il s'attachait à peindre, dans les termes les plus pathétiques, la désolation du roi quand il se verrait privé des soins les plus tendres et les plus nécessaires à son cœur. On croyait peu à la profondeur de ces regrets, mais chacun comprenait que l'époux le plus indifférent ne peut souffrir une séparation qu'on lui impose, surtout quand il est roi: on chercha les moyens d'éviter trop d'éclat; d'officieux médecins le fournirent:

ils déclarèrent qu'un départ pour la frontière mettrait la vie de la reine en danger. La reine fut reléguée an château de Ramalhao, d'où elle devait sortir avec les foudres de l'absolutisme.

La révolution du Portugal fut plus sérieusement ébranlée par la perté définitive de l'une des plus belles colonies de l'univers. Le Brésil, déjà depuis long-temps cerné par les insurrections du Nouveau-Monde, se défendait mal contre la fièvre républicaine, et n'avait été retenu dans ses liens avec la métropole que par la présence d'un roi qui paraissait lui-même avoir oublié sa première patrie. Déjà une révolte avait éclaté dans la belle province de Fernambouc. Les troupes portugaises de Rio-Janeiro étaient parvenues à la réprimer; mais sur le volcan pouvait s'ouvrir plus d'un nouveau cratère. Don Juan, en rentrant dans le Portugal, avait laissé à l'aîné de ses fils, don Pedro, le gouvernement du Brésil. Tout fait penser que les deux princes avaient concerté leurs mesures pour conserver, dans cette belle partie du Nouveau Monde, la domination de la maison de Bragance, même dans le cas où l'on ne pourrait maintenir celle de la mèrepatrie. Voilà que toutes les provinces s'iso

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Indépendance du Brésil

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lent à la fois de Rio-Janeiro pour échapper plus sûrement au joug de Lisbonne. Partout on nomme des juntes, on lève des milices. Tantôt le prince don Pedro négocie, tantôt il a recours aux armes. Mais les troupes portugaises, harassées de courses et de petits combats, inspirent plus de haine que de terreur. Les Brésiliens ne respirent que pour en affranchir leur pays, et, après des pourparlers, équipent avec joie les vaisseaux qui les ramèneront à Lisbonne. Alors se développe le plan sage et ingénieux de don Pedro. C'est une monarchie constitutionnelle qu'il offre aux Brésiliens. Un certain point d'honneur les attachait au système de république adopté par leurs voisins. Mais l'anarchie qui désolait alors celle de Buenos-Ayres refroidissait beaucoup leur enthousiasme. Ce qu'ils voulaient par-dessus tout, c'était l'indépendance de la métropole. Le prince n'hésitait pas à les satisfaire sur ce vœu important. Il faisait de plus d'importantes concessions, et la constitution qu'il proposait pouvait satisfaire des esprits avides de libéralisme. Mais le titre qu'il réclamait, celui d'empereur, et surtout son droit sens, sa finesse et sa popularité, devaient suppléer à une autorité restreinte dans de jalouses li

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mites. Les cortès portugaises et le roi don Juan parurent animés d'un égal courroux en apprenant cette défection. On n'hésita pas à déclarer rebelle l'empereur constitutionnel du Brésil; le jour de sa naissance fut mis au nombre des jours malheureux par son père lui-même; on ne cessait de parler d'une puissante expédition pour faire rentrer sous les lois de la métropole la colonie rebelle; mais d'une part le ressentiment était simulé, et de l'autre les menaces étaient vaines. On n'avait ni flotte à équiper, ni troupes à envoyer pour réprimer une insurrection si ferme, si générale et confirmée par un prince de la maison de Bragance. Le Portugal perdait ainsi les derniers vestiges de la splendeur politique et commerciale qu'il avait due pendant deux siècles à ses princes éclairés, à ses grands navigateurs, à ses hardis capitaines; et, cet affront qui était en même temps une ruine universelle, on le subissait sous le règne d'une liberté qui 'avait été présentée comme une renaissance à la gloire des Vasco de Gama et des Albuquerque. Les prêtres et la plupart des nobles s'emparaient de cette grande calamité. Voyez, disaient-ils au peuple, les Brésiliens >> n'ont fait que répéter les principes et la con

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» duite des cortès; le ciel a puni ces rebelles, » en propageant contre eux la rébellion. »

En résumant les principaux faits de la révolution hispano- lusitanienne, j'ai plus d'une fois indiqué l'impression qu'ils produisaient parmi les absolutistes français. Il est bon de faire connaître comment les autres partis l'envisageaient. Parmi nos libéraux, les uns applaudissaient à Riego, les autres à Augustin Arguellès. Ce dissentiment, quoique peu marqué, les empêchait de donner une direction assez sûre à leurs voisins. Il paraît que le général Foy, qui avait connu la nation espagnole en la combattant, s'était pénétré des moyens de donner plus de stabilité et de force à la constitution des cortès, et qu'il cherchait surtout à détourner les orages qui menaçaient cette liberté naissante. Tous les ministres, et surtout le parti qui les poussait plus loin qu'ils ne voulaient aller, eussent reculé d'effroi si on leur eût proposé d'envoyer, avant toute déclaration d'hostilité, le général Foy pour ambassadeur et pour médiateur en Espagne. Je conviens que nous-mêmes, royalistes constitutionnels, dans les préventions qui nous séparaient alors d'un parti avec lequel concordaient nos vœux principaux, nous eussions

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