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que

Elles accompa

la terre ne donne pas. gnent les médecins. On traverse les postes français, le 9 octobre les portes de Barcelonne se sont refermées sur eux, et les séparent de la terre des vivans. Le mal durait depuis plus de deux mois et il était monté à son plus affreux période neuf mille malades avaient succombé, et il en mourait plus de trois cents par jour. Les douleurs étaient affreuses, elles passaient d'un organe dans un autre, et souvent déchiraient à la fois l'estomac, les intestins, les reins, le cœur et le cerveau. Les simptômes alarmans étaient la jaunisse, l’inflammation des yeux, une hémorrhagie par toutes les ouvertures. Cependant l'arrivée de ces médecins, de ces religieuses fut comme un rayon du jour qui luirait dans l'empire des morts. On les vit pénétrer intrépidement dans les hopitaux. Ils observèrent un premier degré du mal qui laissait encore des ressources à l'art; mais ils eurent le désespoir et la franchise de reconnaître leur impuissance pour dompter le mal déjà développé.

L'un d'eux, le jeune Mazet, fut atteint de l'horrible mal dès sa première visite; en peu de jours il expira au milieu de ses amis consternés. Deux autres MM. Bailli et Pariset éprouvaient déjà quelques symptômes

d'une nature effrayante; mais le sulfate de quinine et d'abondantes transpirations les sauvèrent. Deux autres médecins, MM. Jouari de Perpignan et Lemery étaient venus les trouver dans ce gouffre. Ce dernier avait observé plusieurs fois la fièvre jaune en Amérique. Illa regardait comme endémique et non contagieuse. Les autres médecins affirmaient la contagion. Un procès si important pour l'humanité et l'ordre social fut plaidé avec une vive ardeur au milieu des cadavres. M. Audouard et lui firent des expériences: en dégustant un venin arraché d'entrailles infectées, ils montrèrent jusqu'où peut aller l'héroïsme'scientifique. Malheureusement l'effrayant problème n'est point encore résolu. Les médecins restent encore divisés d'opinion, et le doute ne permet point aux gouvernemens de renoncer à des précautions qui révoltent l'humanité, telles que ces blocus, ces cordons sanitaires qui ne permettent point à de malheureux habitans de sortir d'un air qui les tue et présentent la pointe de la baïonette à une mère qui voudrait sauver ses enfans.

Le fléau ne se ralentit que vers la fin du mois de novembre. Les habitans qui avaient fui, accablés de fatigue, consumés par la faim commencèrent à rentrer dans la ville.

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Cet empressement fut encore fatal à plusieurs. La misère et le chagrin de deuils si multipliés frappèrent souvent ceux qu'avait épargnés la contagion. Les vents d'hiver purifièrent enfin un air si long-temps infecté. Barcelonne avait perdu vingt mille habitans, sur cinquante à soixante mille qui y étaient restés. A Tortose, la population avait été diminué de moitié. Rentrés dans leur patrie, les médecins français et les sœurs de la charité y trouvèrent toutes les âmes exaltées, attendries de leur courage. Pendant les trente-sept jours qu'ils passèrent à Barcelonne, on attendait leurs bulletins avec la même anxiété qu'on eût attendu ceux d'une armée française. On déplorait la mort du jeune Mazet comme on eût déploré celle d'un jeune héros espoir de la nation. Le roi fit une pension à sa malheureuse mère. Les autres médecins et les sœurs de Sainte-Camille reçurent également les bienfaits du monarque. Leur dévouement fut célébré sur tous les théâtres; à l'Académie française, deux petits poëmes sur ce sujet obtinrent un grand succès dans le public; l'un était celui de M. Alletz qui fut couronné; mademoiselle Delphine Gai en célébrant le dévouement des sœurs de Sainte-Camille annonça un talent

dont l'éclat égale la pureté. On frappa une médaille en l'honneur des médecins et des sœurs hospitalières. Les esprits alors étaient éloignés du pressentiment d'une guerre prochaine contre l'Espagne. On sentait que, si les lumières et la liberté ne suffisent pas toujours pour rapprocher les nations, le malheur et le secours doivent encore mieux les rallier.

Et pourtant la politique et de cruelles circonstances trompèrent ces vœux. Le cordon sanitaire des Français, loin de se disperser ou de s'affaiblir après la cessation du fléau, alla toujours se fortifiant et prit la forme d'une armée. Le ministère de M. de Richelieu fut dissous à la fin de cette année 1821. M. de Villèle, âme de la nouvelle administration, quoiqu'il n'en fût pas encore déclaré le chef, était alors loin de vouloir une agression ouverte contre l'Espagne; mais il était obligé de montrer de la déférence à un parti qui recueillait les plaintes et les murmures des prêtres et des nobles espagnols. Le cordon sanitaire habituait les esprits à l'idée d'une invasion. D'un autre côté on pouvait condamner l'excès plutôt que la prolongation de cette mesure. Le fléau domppar l'hiver ne pouvait-il renaître au prin

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Guérillas royalistes.

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temps soit à Barcelonne soit à Tortose, soit dans des lieux plus rapprochés encore de nos frontières? Bientôt le fatal cordon sanitaire devient un point d'appui pour des insurrections royalistes et surtout monacales, qui n'avaient pu prendre encore depuis deux ans une ferme.consistance. Les bandes du curé Merino erraient dans la Vieille-Castille. Les cruautés qu'il avait exercées sous le nom de représailles le rendaient odieux aux habitans des villes. Un général constitutionnel, Lopès Banos, l'avait battu souvent sans pouvoir l'anéantir. Mais la Catalogne, bordée par les troupes françaises et remplie de ces audacieux miquelets habitués à divers genres de rapines, de fraudes et trop souvent à des meurtres, offrait un point favorable à la Vendée espagnole dont on rêvait le plan dans tous les couvens et dans un grand nombre de châteaux. Les insurgés, lorsqu'ils étaient vainqueurs, appelaient les Français à marcher sur Madrid; vaincus, ils se repliaient sur les lignes des Français, savaient qu'ils n'y seraient point reçus en ennemis, ni en pestiférés et se promettaient de reparaître munis de bonnes armes, de secours d'argent, de vivres et d'habits. Trois personnages importans, l'archevêque de Tarragone, le marquis de

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