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CHAPITRE XXV.

SUITE DE LA RÉVOLUTION D'ESPAGNE.

1921.

REPRENONS les événemens de l'Espagne au commencement de l'année 1821. La preIutrigues royales. mière assemblée des cortès et le premier

Changement du

ministère ministère de Ferdinand VI, roi devenu con

espagnol.

stitutionnel en dépit de lui-même, avaient montré un esprit d'ordre et de modération. C'était sans orgueil et sans outrage qu'Augustin Arguellès, à qui l'on devait cette première direction, avait fait subir sa clémence à son roi. Cette marche pacifique déplaisait au bouillant Riego et au parti qui nourrissait dans les clubs son exaltation patriotique.Leurs excès quoique condamnables n'avaient encore rien de commun avec les excès sanguinaires de notre révolution. On voyait dans le parti contraire renaître des guérillas avec l'invocation terrible de la religion; mais il n'en était point encore de plus forte que celle du curé

Mérino,et celle-ci se montait à peine à un millier d'hommes. Ce n'était là qu'un faible essai d'un mouvement plus vaste. Des prêtres conspiraient jusque dans le palais du roi contre une révolution qui ruinait leur empire. Le chapelain du roi, le chanoine Vinuessa, était le principal auteur de ces manœuvres; il fut arrêté, et l'on saisit sur lui un plan de contre-révolution qui rendu public redoubla la fureur des clubs. Les outrages remontaient jusqu'au roi ; ses ministres lui devinrent insupportables. On croit que le premier grief qu'il avait contre eux c'était leur modération même qui, retardant les progrès de l'anarchie, offrait moins d'alimens à la colère des souverains. Le roi fit l'ouverture des cortès, le 1. mars 1821. La première partie de son discours était un plein hommage rendu aux principes de la constitution. Il y protestait avec feu contre les actes du congrès de Laybach, blàmait le roi des Deux-Siciles de s'être séparé de son peuple en se rendant à ce congrès, et annonçait que pour lui il saurait toujours faire respecter l'indépendance d'un peuple libre. Dans la seconde partie de ce même discours, il se plaignait de plusieurs excès commis contre sa dignité et il ajoutait que

TOME III.

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ces insultes ne seraient pas répétées si le pouvoir exécutif avait toute la vigueur que la constitution demande. Ainsi, par une phrase à double sens, ou plutôt dénuée de tout sens, le pouvoir exécutif accusait le pouvoir exécutif. Le roi, maître de licencier ses ministres, préférait les dénoncer et semblait se déclarer plus patriote qu'Augustin Arguellès. Les exaltés comprirent ou affectèrent de comprendre cette phrase insolite. Ils y applaudirent avec fureur et se crurent appelés par le roi au gouvernement. Dès le soir, les ministres, à l'exception d'un seul, donnèrent leur démission. Le roi monté sur le ton de la déférence la poussa jusqu'à demander humblement aux cortès de lui indiquer les ministres nouveaux qu'il aurait à choisir. A cette étrange proposition, les cortès perdirent patience et les modérés furent ceux qui s'emportèrent le plus. Deux chefs judicieux de ce parti, le comte de Torreno et Martinez de la Rosa s'élevèrent contre une telle subversion de pouvoirs. Giraldo ne vit qu'un piége et qu'une dangereuse hypocrisie dans la proposition royale. Le roi se vit contraint de nommer ses ministres et les choisit moitié dans le parti modéré, moitié parmi les exaltés.

Les cortès n'en voulurent pas moins

per

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sister dans leurs principes de modération;

mais les événemens du dehors et ceux du

Meurtre du

dedans étaient de nature à redoubler la fièvre chanoine Vinnessa.

des clubistes. On apprit les nouvelles désastreuses de Naples et du Piémont, on-les apprit de la bouche même des Pépé, des Conciliis qui venaient, avec une longue colonne de fugitifs, confier leur naufrage à l'hospitalité espagnole. «Nous périssons, di>> saient les orateurs du club de Malte, si >> nous n'imitons rien de l'énergie que dé» ploya le peuple français, lorsque sa liberté >> était comme la nôtre menacée par la triple

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ligue des nobles, des rois et des prêtres. » On cherchait l'occasion d'un crime propre à frapper d'épouvante les ennemis de la constitution. Cette occasion fut saisie avec une fougue atroce par des hommes qui ne craignaient pas de réveiller un souvenir des attentats du 2 septembre. Le chapelain du roi venait d'être jugé et avait été condamné à dix années de galères dans un des grands présides d'Afrique. Ce supplice d'infamie et de tortures infligé à un ecclésiastique parut à des hommes ivres de vengeance l'équivalent d'une absolution. On résolut de l'assassiner dans sa prison même. Ce fut au club

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de Malte que cette résolution fut prise, et ce fut de ce club que l'on sortit pour l'exécuter. La populace fut étonnée de voir confondus dans ses rangs et pour un tel meurtre quelques nobles et quelques magistrats. L'attroupement marcha vers la prison. Un détachement de la milice nationale voulut protéger les jours du prisonnier et fit feu par les croisées, mais la porte de la prison est enfoncée à coups de marteau et c'est à coups de marteau que le malheureux Vinuessa est immolé. Ce meurtre commis en plein jour et dans une prison resta impuni pour le malheur de l'Espagne constitutionnelle. Des hommes qui s'appelaient exaltés et qu'il faut nommer effrénés firent leur joie de ce souvenir hideux, et, depuis ce temps, on joignit à la chanson grossièrement homicide Traggala pero (avale-la, chien), un accompagnement de coups de marteaux. Ainsi avortèrent les fruits de la modération généreuse qu'avaient montrée jusque-là les cortès. Peu de temps après, on vit paraître en France une proclamation datée de Saragosse, dans laquelle un écrivain français, Cugnet de Montarlot, condamné à deux ans de prison pour quelques feuilles d'un écrit périodique, s'annonçait comme le

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