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. résultent de sa nature. On eut la confusion de ne rencontrer aucun autre conjuré, aucun autre coupable que ceux qu'on avait faits. Personne au rendez-vous indiqué; il fut même question, dans plusieurs des communes que l'on traversa dans un espace de quatorzelieues, de sonner le tocsin sur les escadrons déserteurs. Se figure-t-on sans frémir et sans rougir les effets du choc nocturne qui aurait pu s'engager? Enfin, après une inutile et longue recherche, les officiers déguisés se déclarent, mettent la main sur les deux chefs qu'on vient de se créer, les dépouillent de leurs armes, de leur uniforme, et les garrottent. A dix heures du matin on se remet en route. On revient dans les lieux où l'on a semé l'épouvante pour en créer une d'une autre nature, ou pour y recueillir une trop juste indignation. Colmar et Neuf-Brissac sont enfin délivrés des alarmes où on les a retenus depuis dix-sept heures. Quelques jours après, il se fit sur la place publique une distribution de grades et de récompenses pour ceux qui avaient obéi à la plus dure consigne qui eût jamais été donnée.

La ville de Mulhausen, dont la troupe s'était approchée, éclata la première contre un piége qui semblait avoir pour but de tenter sa fidélité. Deux cent cinquante habitans si

gnèrent une pétition où les faits étaient retracés avec quelqu'exagération peut-être, mais ils étaient de nature à faire naître les plus douloureuses réflexions. La tribune française retentit de cette expédition: M. Benjamin Constant la signala le premier dans les termes de la plus vive indignation, et se plaignit de voir traduire devant un conseil de guerre, pour crime d'embauchage, Caron et Roger qui ne faisaient plus partie de l'état militaire. « Quand j'ai lu dans un journal, » s'écria le général Foy, que Caron et Roger >> allaient être traduits comme embaucheurs

>> devant un conseil de guerre, j'ai cru qu'il » y avait erreur de la part du journaliste, et qu'on allait au contraire y traduire ceux » qui, au cri de vive l'empereur, avaient em>> bauché Caron et Roger. »>

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Cependant le conseil de guerre fut saisi de cette procédure, d'après un arrêt de la cour de cassation. Caron prétendit avoir été provoqué et non provocateur. On allégua contre lui les tentatives qu'il avait faites auprès des sous-officiers avant l'expédition. Il fut condamné à mort par le conseil de guerre de Strasbourg, et le conseil de révision confirma l'arrêt. On n'attendit point l'effet du pourvoi en grâce; d'après un ordre transmis par le

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Procès

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télégraphe, Caron fut exécuté dans les vingt quatre heures; lui-même commanda le feu. Roger avait été absous, mais il fut arrêté pour un autre délit révolutionnaire. Condamné à mort par la cour d'assises de Metz, la peine fut commuée par grâce en vingt années de travaux forcés.

Pendant ce temps, on procédait au jugement du général Berton et de ses complices: c'était devant la cour d'assises de Poitiers qu'ils étaient traduits. On explique mal pourquoi cette différence entre lui et Caron, qui avait été jugé par un conseil de guerre. N'avait-il pas embauché des maréchaux des logis, comme Caron l'avait voulu faire? ou plutôt le piége n'avait-il pas été dressé pour tous deux de la même manière? N'était-on pas plus sûr de la condamnation de l'un que de celle de l'autre?

Le procès de Berton commença par un incident qui excita une grande rumeur dans la chambre des députés. M. Mangin, procureur général de Poitiers, avait grièvement inculpé dans l'acte d'accusation plusieurs députés, et les avait présentés comme membres du comité directeur, dont Berton avait suivi les instructions révolutionnaires, et cependant il n'avait pas pris de conclusions. Les députés qui se trouvaient ainsi compromis étaient

les généraux La Fayette et Foy, MM. Benjamin Constant, Voyer d'Argenson, Kératry, Lafitte et Manuel. Le seul indice que l'on présentait contre eux était tiré de la déposition de ce Grandménil qui avait amené le général Berton à sa perte en procurant ses entrevues avec le maréchal des logis Voelfel. C'était lui encore qui, depuis l'attaque de Saumur, avait fait un voyage mystérieux à Paris, où il s'était présenté au général La Fayette. C'était un accusé contumace; car il avait eu la prudence de ne point se trouver à l'entrevue où Berton et son hôte furent arrêtés.

Les sept députés inculpés exhalèrent leur indignation contre l'acte d'un magistrat qui, se rendant l'organe d'une calomnie concertée, et s'appuyant sur le témoignage d'un accusé ou plutôt d'un agent de la police qu'on avait eu soin de faire disparaître dans les débats, osait diffamer une partie de la représentation nationale, et indiquer comme coupables d'un grand crime contre l'État des députés qu'il ne mettait point en cause, et qu'il privait par-là des moyens de réfuter d'odieuses imputations. Chacun d'eux demandait une enquête solennelle sur sa conduite. Les ministres, auxquels le général Foy re prochait toute cette machination comme leur

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propre ouvrage, se piquaient d'un flegme imperturbable, et ne voyaient nulle raison d'intervenir dans les débats d'une cour d'assises.

M. de Sainte-Aulaire embrassa vivement la cause de ses collègues inculpés et celle de l'honneur de la chambre des députés, et fit la proposition formelle que le procureur général de la cour de Poitiers fût traduit à la barre de la chambre, pour y répondre à l'accusation portée contre lui de s'être rendu coupable d'offenses graves euvers la chambre des députés, et être condamné aux peines portées par les lois. En développant sa proposition, l'orateur signala l'infamie de ce guet-apens judiciaire, et demanda «de quel >> droit un procureur général osait renfermer » dans un réquisitoire l'injure et la calomnie >> que les lois puniraient dans un libelle, et » les appuyer sur ces mots téméraires et » mensongers, Il est prouvé, mots que ses » propres conclusions condamnent, puisqu'il » n'accuse point ceux dont le délit lui paraît prouvé. Quand ce genre d'attaque, qui ne » permet pas la défense, se dirige vers une

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portion de la représentation nationale, n'y » a-t-il point usurpation du pouvoir judi»ciaire sur le pouvoir législatif, dont la

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