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1821.

nécessité des mesures si peu faites pour la prédication évangélique. Des huées, des sifflets s'étaient fait entendre pendant le sermon des missionnaires, des petards avaient été tirés dans le lieu saint. Il est vraisemblable que c'étaient des jeunes gens de la lie du peuple qui avaient commis au moins les plus graves de ces excès; mais un assez grand nombre d'étudians en droit, en médecine, avaient paru dans ces attroupemens nocturnes. Quelques professeurs dont ils suivaient les leçons leur représentèrent vivement l'effet que de telles scènes produisaient dans une ville où l'on se souvenait en frémissant des profanations exercées par les Chaumette, les Hébert et les Gobet, et dont les églises offraient encore les traces. Depuis, les missions furent encore l'occasion de scènes plus fàcheuses dans les villes de Rouen et de Brest; l'autorité judiciaire sévit contre les perturbateurs avec une rigueur qui parut immodérée. J'ignore avec quelles pensées les missionnaires revinrent de ces lieux où ils laissaient trente et quarante familles pleurant un époux, un fils, un frère, jetés dans les cachots. On ne vit point les pères de la foi se jeter aux pieds du monarque pour obtenir l'adoucissement des peines prononcées.

Les missionnaires ne manquaient pas de présenter à leur retour un état de quelques milliers de confessions entendues dans leurs courses. Mais quoi! les pasteurs du lieu, les vicaires, les prêtres habitués n'avaient-ils rien obtenu avant l'arrivée de ces conquérans évangéliques? Les villes étaient-elles plongées dans un torrent d'infamies et de désordres ? Pourquoi rapporter exclusivement aux missionnaires le mérite des actes de piété qui ont pu s'y produire? Leur jactance est ici révoltante, parce qu'elle implique une calomnie contre les gardiens modestes du troupeau. Elle présente ceux-ci comme dénués de vigilance ou comme frappés d'une incapacité déplorable. L'histoire de l'église parle de plus d'une conversion soudaine qui s'est maintenue avec autant d'éclat que de fermeté. Toutefois la prudence veut qu'en général on se défie des conversions improvisées; ce n'est pas le prêtre voyageur ou cosmopolite, c'est le prêtre sédentaire, c'est le curé, uni d'une vieille affection avec ses paroissiens, qui peut pénétrer pas à pas dans l'âme du pécheur, le surveiller dans sa convalescence et le relever de ses chutes.

Le clergé de France avait sollicité avec ardeur un nouveau concordat. Louis XVIII

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1821.

Nouveau

concordat.

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voulut condescendre à ce vou. La négociation fut conduite par M. de Blacas, ambassadeur à la cour de Rome, qui, fier de l'ancienne faveur de son maître, passa par de là les instructions de son gouvernement. Le concordat de 1801 avait limité le nombre

des évêques à cinquante, tandis que l'ancienne circonscription s'élevait à cent trente. M. de Blacas employa tout son zèle à rapprocher le plus possible le nouveau concordat de l'ancien état des choses.

Je ne parle pas de plusieurs articles qui, malgré certaines réserves, étaient peu favorables, soit aux libertés de l'église gallicane, soit à l'autorité royale. M. de Blacas revint comme un triomphateur apporter le nouveau concordat. La reconnaissance du clergé s'unissait avec une forte intrigue de la cour pour lui en promettre la plus belle récompense. La cour l'avait détesté pendant sa faveur et pendant un ministère assez court, assez terne, que les cent jours brisèrent. C'était. elle qui, au retour de Gand, avait, par l'organe des puissans souverains, à peu près exigé le sacrifice de ce favori, maintenant elle voulait opposer le négociateur d'un humble concordat à M. Decazes, ce ministre qui avait triomphé de la chambre de 1815. Le roi ne jugea

pas que l'un de ces services égalât l'autre,
et M. de Blacas fut obligé de se contenter
des louanges et des bénédictions pontificales.
Le ministère ne savait que faire du triste
présent apporté par M. de Blacas. On sou-
mit à la chambre, non le concordat même
(puisqu'un traité avec une puissance étran-
gère n'avait pas besoin de la sanction légis-
lative), mais un projet de loi qui en réglait
l'exécution. Ce traité fut reçu avec humeur.
La commission conclut à le rejeter. Le gou-
vernement craignait cette prodigalité de nou-
veaux diocèses inutiles aux besoins de l'église.
Pour la restreindre, il fallait modifier le
concordat. La cour de Rome fut trouvée plus
facile, dès
que l'officieux M. de Blacas n'ex-
citait plus son zèle. Le nombre des diocèses
fut réduit à celui de nos départemens et les ec-
clésiastiques qui avaient été nommés aux dio-
cèses jugés superflus, furent amenés, par une
négociation habile de M. Decazes, à donner
leur démission. Il arriva que dans la courte
discussion de la chambre sur le concordat,
M. de Marcellus poussa la candeur de sa
piété jusqu'à consulter le saint père sur le
vote législatif qu'il voulaitémettre. Cet acte
de ferveur fut rendu public et livré à quel-
que ridicule.

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1821

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Ecrits de

La cause ultramontaine était protégée par des défenseurs bien plus éloquens que les jésuites. On avait cru que M. de Bonald avait MM. de Maistre poussé jusqu'aux dernières limites les conséet de Lamennais. quences de ce système. Mais on fut tenté de le juger timide, lorsque parut un livre intitulé du Pape où le successeur de saint Pierre était franchement annoncé comme le monarque universel de qui relevaient tous les rois, tous les gouvernemens du monde catholique. Un vernis d'éloquence, une chaleur originale d'expressions, enfin une verve audacieuse de paradoxes étaient répandus sur des doctrines couvertes de la rouille la plus épaisse du moyen âge. Suivant le système théologique et politique de l'auteur, le vicaire de JésusChrist devait présider au mouvement de la société, ainsi qu'en nous l'être intellectuel préside aux mouvemens du corps. On obtenait ainsi un remède à l'autorité absolue. Les souverains avaient un juge sur la terre, le pape. Il était l'arbitre de tous leurs différens, et son bâton pastoral pouvait seul amener la paix universelle si vainement projetée par Henri IV et rêvée par les sages. Peu s'en fallait que dans son orthodoxie il n'accusât les papes de faiblesse, pour ne pas avoir réclamé ou maintenu avec assez de fermeté

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