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1821.

les

L'insurrection a trouvé le plus solide point d'appui. Mais un consul anglais joue dans cette ville à peu près le même rôle que agens de l'Autriche ont joué dans la Moldavie. Il ne peut, il est vrai, diviser les Grecs trop fortement unis, mais il les effraie par de sinistres pressentimens et par de faux avis. Quelques vaisseaux ottomans sont en vue. L'Anglais persuade aux habitans qu'une armée puissante est montée sur cette flotte, tandis qu'elle portait seulement trois cents hommes. Germanos trompé se décide à la retraite. Libre alors à la fureur ottomane de s'assouvir. Les Turcs descendent de la citadelle se joignent à ceux du débarquement sous les ordres de Joussouf, l'un de ces pachas que les Souliotes ont battus dans l'Épire. Le sou

venir de son affront irrite sa férocité. Sa tête est en péril, il ne peut par trop de têtes coupées racheter la sienne.

Les musulmans portent à la fois la flamme dars tous les quartiers, se gorgent de sang et de rapines, se disputent à qui inventera les plus affreux supplices, à qui saura le mieux les prolonger et jusque sur les cadavres des époux et des pères, viennent chercher d'affreux plaisirs dans les bras déchirés des veuves et des filles orphelines..

On raconte que quinze mille Patréens périrent dans ce massacre. Le consul français, M. Pouqueville, eut le bonheur et la gloire de sauver douze cents victimes qui vinrent se réfugier sous les armes du roi de France et dans la chapelle de SaintLouis.

Quant au consul anglais, il craignait par des actes d'hospitalité de compromettre son gouvernement auprès de la Sublime-Porte, et disait à des femmes. Allez trouver le consul de France! L'histoire est ici forcée de revenir à sir Thomas Maitland, auteur du marché de Parga, haut-commissaire des îles Ioniennes. Il défendit à des Grecs, sous peine de mort, de fournir aucune espèce de secours à leurs compatriotes. Les contraventions furent nombreuses et les supplices suivirent; des actes d'hospitalité furent punis comme des crimes. On vit le plus illustre vieillard de cette contrée, le comte Kapnistis, attaché au carcan! Que dirai-je ? Des femmes et des enfans qui fuyaient la mort, furent rejetés de Zante et d'Ithaque et embarqués, pour être rendus à la férocité de leurs bourreaux! Voilà ce qu'un témoin oculaire, ce qu'un consul de France rapporte dans une lettre écrite à l'amiral Halgan. Ger

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manos n'a perdu que peu des siens dans sa retraite trop hâtive. Les feux que, de concert avec Colocotroni, il allume sur les montagnes, deviennent un signal d'insurrection pour l'Argolide, la Messénie, l'Élide. L'indignation qu'excite le massacre de Patras crée partout des armées. Les femmes de Sparte se sont réveillées à la voix de l'héroïne Bobolina. De l'île de Spezzia qu'elle habite, elle s'est jetée sur le continent, et consacre à la patrie ses quatre enfans, sa puissante fortune, l'ardeur de son âme et la puissance de son bras. Tantôt on la voit combattre sûr des navires qu'elle a fait équiper, tantôt à la tête d'un bataillon formé des laboureurs qui cultivent ses domaines. Tandis qu'elle s'élève si généreusement au-dessus des efforts de son sexe, elle en conserve le plus bel attribut; c'est elle qui concilie tous les différens entre des chefs irritables et maintient l'union, toujours prête à se rompre entre l'impérieux Germanos et le farouche Colocotronis. Les Turcs sont resserrés dans les citadelles du littoral. Au centre du Péloponèse, ils n'occupent plus que Tripolitza, capitale où bientôt les Hellènes s'ouvriront un passage cruellement ensanglanté. Déjà le labarum menace le croissant dans le fort de Navarin

et celui de Napoli de Romani, le Gibraltar de la Grèce.

Ce qui donnait aux Hellènes du continent la confiance de tenter des siéges, lorsqu'ils ne possédaient pas encore une pièce de canon, c'est qu'ils se sentaient appuyés par leurs frères de l'Archipel. Une marine marchande s'est convertie en une marine guerrière; Hydra, Spezzia, Samos, Ipsara osent lancer des bricks contre les frégates et les vaisseaux de l'empire ottoman. Si quelques pièces de canon ne décoraient le flanc de ces bricks, on croirait voir les navires sur lesquels leurs ancêtres furent transportés au siége de Troie. Mais l'escadre ottomane a perdu en eux ses plus habiles, ses plus intrépides marins; leur prestesse tient du prodige. Le nom de dauphins qu'on leur donne, peint le jeu facile et vif de leurs évolutions navales. Quant à leur courage, il égale ou surpasse tout ce qu'on a rapporté des héros de Salamine. Miaulis, leur amiral, a combiné en homme de génie le parti qu'il peut tirer de la moindre barque, d'un brûlot monté par quatre hommes,contre des masses toutes chargées de foudres. Le navarque Antoine Tombazis, Chrésis et Pipinos se montrent également consommés dans ces manœuvres. C'est un poste de faveur

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Succès maritimes

des Hellènes.

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Soins de

Louis XVIII et

que d'être admis au rang des brûlotiers, que de
partager avec Canaris des périls et une gloire
qu'auraient enviés nos Duquesne et nos Jean
Bart. Ce fut en sortant du canal de Chios que
la flotte hellénique fit le premier essai de ce
prodigieux moyen de victoire. Les Hellènes
osèrent affronter dans ces parages l'escadre
ottomane, formée de quatre vaisseaux de li-
gne, d'autant de frégates et de beaucoup d'au-
tres bâtimens dont le plus faible surpassait
le plus fort de la flotte hellénique. Miaulis
parvint par ses manoeuvres à séparer de la
flotte ottomane neuf bâtimens de transport
que les brûlots consumèrent ou forcèrent à
échouer sur le rivage et mit en fuite tout le
reste de l'escadre. Dès ce moment, maître de

la
mer, il put porter des secours aux Grecs
du continent. C'était une de ces âmes à la
Washington qui, toujours occupée de la
cause commune, ne l'était jamais de sa gloire
personnelle.

A peine ce grand événement était-il connu des Français parmi nous, que déjà des guerriers et des pour les Grees. marins français s'embarquaient pour s'associer aux combats, aux souffrances d'un peuple qui fut si grand. Ce n'était ni le désespoir, ni l'esprit aventurier, ni le carbonarisme enfin qui les poussaient vers ces ri

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