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Mais les eaux qu'une putréfaction prolongée a rendues très réductrices et a chargées de substances toxiques comme l'hydrogène sulfuré, sont, au contraire, un grand danger pour les poissons. Et c'est ce qui explique que, souvent, après des orages dont le flot a balayé les dépôts et les eaux stagnantes des égouts, on trouve des quantités de poissons morts, le ventre en l'air. C'est pour cette raison aussi que si on admet l'évacuation directe des eaux d'égout au fleuve, il faudra les évacuer à l'état frais, et il sera au contraire dangereux de les retenir dans les « fosses septiques non suivies de lits bactériens qui ont eu un moment de vogue et où se produisent des fermentations actives et très malodorantes.

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En mer, les dangers des déversements sont rarement graves pour les poissons, mais il n'en est pas de même pour les coquillages sur l'infection desquels l'attention a été vivement attirée à plusieurs reprises, particulièrement en ce qui concerne les huitres. Mais ici, le mécanisme de l'infection n'est pas le même que pour les poissons et il est dù essentiellement à des actions microbiennes les huitres et les autres coquillages recueillant des bacilles dangereux comme ceux de la fièvre typhoïde qui continuent à vivre et leur ingestion à l'état cru devenant une grave cause de contamination directe pour l'homme.

Pollution causée par les bactéries. Cette pollution particulière nous amène par transition, à un autre ordre de phéno mènes chimico-biologiques dangereux du même genre produit par les déversements d'eaux d'égout. C'est celui qu'entraîne la présence de bactéries pathogènes dans les eaux.

L'eau de rivière sert à l'alimentation de l'homme et des animaux; son emploi, sans épuration préalable, comme eau de boisson, comportera un grave danger. Il en sera de mème de la glace dont l'aspect limpide ne signifie aucunement la pureté. Les bains eux-mêmes pourront devenir dangereux.

Les bacilles les plus redoutables véhiculés par l'eau d'égout sont surtout le bacille typhique ou bacille d'Eberth et le bacille du choléra.

La quantité de bacilles contenues dans l'eau d'égout peut évidemment être formidable. Un milligramme de matières fécales contient souvent 50.000 microbes. A ce taux un homme évacuerait 5 milliards de microbes par jour. On trouve fréquemment dans l'urine le bacille typhique.

L'eau d'égout contient couramment plusieurs millions de microbes au centimètre cube, et il semble done, du moins à première vue, pour l'esprit naturellement effrayé par ces chiffres, que le danger provenant des microbes soit le plus grand de tous ceux que peut causer la pollution par les eaux d'égout. Mais d'abord, il n'est pas inutile de se rendre compte que si leur nombre est très grand, la masse totale des microbes est très petite.

Le volume d'un microbe dont le diamètre est 1 p et la longueur, 2 à 3 μ, est en effet de l'ordre de grandeur de 2 μ3, ou, si on prend comme unité le centimètre de 2 >< 10-12 cm3. A la dose de 1 million par cm3, le volome total serait 2 × 10-6 cm3,

1 500

soit 1/500.000 du volume de l'eau. Le poids total serait de mgr. par cm3, et au total pour les 150 litres admis par habitant et par jour :

1501.000 X milligramme

500

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0 gr. 30.

Cela ne représente que la 1/800 partie des 230 gr. de substances polluantes.

Mais il y a plus: la plupart de ces microbes sont non pas des espèces nuisibles, mais des espèces utiles qui transforment les matières organiques putréfiantes en matières minérales ou en gaz, et exercent ainsi une action épuratrice après l'accomplissement de laquelle ils meurent. Il est presqu'impossible de parler de rapport entre la quantité de microbes pathogènes et des microbes inoffensifs. Cependant il sera très rare qu'une eau d'égout contienne les premiers dans une proportion supérieure à 10%. On se ferait done une idée du poids des microbes nuisibles de l'eau d'égout en admettant qu'ils représentent : 1/3.000.000 du poids de l'eau.

1/8.000 du total des substances polluantes.

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On n'a donné ces chiffres que pour bien faire toucher du doigt combien un phénomène apparait différent suivant la manière dont on l'évalue. Quand on dit un cm3 d'eau d'égout contient un million de microbes, on est instinctivement effrayé. On serait presque rassuré si on énonçait la même chose sous cette forme les microbes pathogènes contenus dans un litre d'eau d'égout pèsent le cinquième d'un milligramme. (1).

Les infiniments petits rendront d'ailleurs en général toute eau de rivière suspecte, car même les eaux de rivière non sensiblement polluées en contiennent des quantités encore très notables on en compte en moyenne 40.000 au cm3 dans la Seine en amont de Paris, à Choisy-le-Roi, et souvent plusieurs milliers dans les eaux réputées très pures.

En somme, au point de vue bactériologique, une eau de rivière sera toujours douteuse, et ne pourra jamais être employée pour l'alimentation humaine qu'après un traitement filtrant et même stérilisant.

Il n'y a donc pas, du moins en général, à se préoccuper de la pollution microbienne causée par les eaux d'égout. C'est ce qu'a exprimé très nettement la Commission Royale anglaise dans son 5 rapport et dans son huitième rapport, et nous croyons d'autant plus important d'en citer les extraits suivants. que beaucoup de gens qui n'ont pas étudié la question de l'épuration des eaux d'égout, confondent, bien à tort, cette épuration avec la stérilisation :

(1) Il faut d'ailleurs ne pas s'illusionner sur le degré de certitude des résultats des analyses bactériologiques.

D'abord suivant la température, les échantillons varient très rapidement. Le nombre des microbes sera très vite augmenté par la chaleur et il sera au contraire notablement diminué par la conservation en glacière.

D'autre part, les bactéries ne sont pas du tout réparties également dans l'eau d'égout épurée ou non; on trouve parfois des colonies agglomérées comme de grosses particules en suspension.

Enfin le fait qu'on opérera pour dénombrer les microbes, non pas sur l'eau elle-même, mais sur cette eau très diluée, et qu'on multipliera ensuite le nombre trouvé par le facteur de dilution, est de nature à causer d'énormes erreurs. Car s'il ne prend pas des précautions extrêmes, le chimiste préparant une solution au 1 ̧ no, pourra très bien introduire lui-même un microbe dans le récipient et par conséquent, même dans un centimètre cube d'eau stérile, il en annoncera n.

Ann. des P. et Ch. MÉMOIRES, 1916-II

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«On peut, dit la Commission, rendre l'eau suffisamment « pure au point de vue bactériologique, mais les dépenses << qu'entrainerait leur traitement serait considérable...

« Les dépenses pour obtenir en tout temps une eau chimi«<quement et bactériologiquement pure seraient dans la plupart des cas pratiquement prohibitives ».

((

Et après avoir exposé que même avec de telles dispositions, les causes de pollution autres que celles des effluents des égouts urbains, rendraient cependant nécessaire une nouvelle épuration des eaux de rivière avant de les livrer à la boisson, la Commission conclut ainsi :

«< D'une manière générale, dans l'état actuel de nos connais<«<sances, il ne serait pas justifié de recommander de traiter les eaux d'égout de manière à les rendre bactériologiquement « pures ».

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ATTENUATION DE LA POLLUTION, PRODUITE PAR
DES PHÉNOMÈNES D'AUTOÉPURATION

Que faire contre la pollution des cours d'eau que rend de plus en plus fréquente l'extension du tout à l'égout? et d'abord est-il vraiment nécessaire de lutter coutre elle?

Si l'on peut, en général, sans grand frais, retenir dans les chambres à sable et sur les grilles les matières lourdes et les matières flottantes, en revanche, la suppression ou la transformation des matières en suspension et des matières dissoutes, même sans parler de la désinfection ou de la stérilisation complète dont on a montré l'inutilité pratique, entraîneront des dépenses considérables qu'on ne se résignera à engager que s'il est bien prouvé qu'elles sont indispensables.

Mais les matières en suspension, surtout après leur dépôt, se transforment, se désintègrent les crues les entraînent peu à peu vers la mer. Les matières en solution se diluent, subissent des réactions chimiques et bactériologiques qui en chan

gent la nature. Ne peut-on compter sur cet ensemble de causes mécaniques, physiques, chimiques et biologiques pour assurer une autoépuration du cours d'eau ? Et si cette régénération naturelle existe, mais est insuffisante, dans quelle mesure conviendra-t-il d'y suppléer par les moyens qu'offriront les ressources de l'industrie et de la science?

C'est à tâcher de préciser et d'élucider cette double question qu'on consacrera les lignes qui vont suivre.

Expériences de Laboratoire. -Pour étudier comment réagissent sur l'eau polluée, les divers facteurs naturels antagonistes, on peut procéder suivant deux directions ou bien s'engager dans la voie des expériences de laboratoire, reproduire dans la mesure praticable les conditions naturelles, et en déterminer les effets et les modifications en fonction du temps;

Ou bien observer directement les phénomènes de pollution tels qu'ils se présentent dans les eaux qui reçoivent les émissaires des grandes villes et les suivre dans l'espace et dans le temps.

Ce sont deux méthodes qui ont les avantages, les incouvénients et les difficultés de l'expérience in vitro et de l'expérience in natura.

En suivant la première, plusieurs expérimentateurs ont recueilli de l'eau d'égout plus ou moins diluée dans un réservoir et en ont étudié les transformations.

EMICH a trouvé qu'au bout de 4 mois 1 2 l'oxydabilité était réduite de 50°, et que l'azote ammoniacal avait complètement disparu ;

Des expériences faites à Cologne en 1904 donuaient au bout de 15 jours une diminution de 40 à 30°/ pour l'oxygène con

sommé.

0

Ces phénomènes représentent assez bien ce qui se passe dans des étangs où l'eau est soustraite aux courants et à la plupart des causes d'agitation.

Les matières en suspension tombent peu à peu pour former un sol qui se recouvre de petits végétaux, tels que les algues,

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