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sont sujettes à l'appel comme tous les autres jugements et ordonnances qui émanent de ce juge.

Non-seulement le saisi peut interjeter appel; des créanciers postérieurs, qui ne se trouveraient pas utilement colloqués, et qui prétendraient que l'adjudication a été faité à vil prix, sont aussi recevables à interjeter appel de l'adjudication, et à opposer contre cette adjudication les moyens de nullité et de fraude (1) que le saisi aurait pu opposer sur l'appel; car ils ont intérêt, aussi bien que le saisi, à faire détruire cette adjudication, et ils peuvent, comme créanciers du saisi, exercer le droit qu'il aurait d'en interjeter appel, le saisi ne pouvant abandonner ce droit à leur préjudice.

Un tiers peut aussi interjeter appel du décret (2); s'il prétend qu'on a mal à propos compris dans l'adjudication quelque chose qui lui appartenait, et dont il était en possession : je dis, dont il était en possession; car, s'il n'en était pas en possession, que la saisie eût été faite sur celui qui possédait cette chose, ce propriétaire doit s'imputer de ne s'être pas opposé à fin de distraire; le décret a purgé son droit de propriété; si, néanmoins, son droit était un de ces droits qui ne se purgent pas par le décret, il pourrait interjeter appel de l'adjudication.

Ceux mêmes dont les droits sont de nature à être purgés par le décret, lorsque la procédure du décret a été régulière, et les créanciers hypothécaires, qui ont manqué de s'opposer au décret, peuvent en interjeter appel (3), lorsqu'ils prétendent que la procédure n'en a pas été régulière, et ils sont en droit de demander, sur cet appel, la communication de la procédure sur laquelle le décret est intervenu, afin de la débattre.

Mais cette communication ne peut plus être demandée, après les dix ans écoulés depuis le décret; toutes les procédures énoncées dans la grosse du dé cret sont présumées avoir été faites régulièrement; mais, si quelque procédé essentiel n'y était pas énoncé, cette omission donnerait un moyen valable d'appel contre le décret, à moins que l'adjudicataire ne fût en état de représenter l'acte dont la mention aurait été omise.

§ II. Du temps d'interjeler appel du décret.

659. Le temps d'interjeter appel des adjudications par décret, est celui qui est réglé par l'ordonnance pour l'appel de tous les autres jugements.

On a néanmoins agité la question de savoir, si on peut interjeter appel pendant trente ans ('), lorsque l'adjudication n'a point été signifiée comme il faut au saisi, de même qu'on peut interjeter appel de tout autre jugement pendant trente ans, lorsqu'il n'a point été signifié (3); quelques auteurs ont voulu, à

peut se pourvoir, par cette voie, que (2) Egalement les tiers intéressés contre les jugements rendus sur inci- n'auraient pas le droit de former tierce dent, soit en la forme, soit au fond, opposition contre l'adjudication; ils en sorte que le droit à prononcer devraient aussi agir par action directe. l'adjudication est passé en force de L'adjudication est bien plus aujourchose jugée lorsqu'on arrive à l'ad-d'hui un acte judiciaire qu'un jugejudication, ce qui rend tout appel ment. inutile. Et si l'on soutenait que, de ce jugement, quelque formalité substantielle a été omise, ce serait par l'action directe en nullité de l'adjudication qu'il faudrait se pourvoir non par voie d'appel.

et

(3) Même observation.

Les actions in nullité contre l'adjudication peuvent être intentées pendant trente ans.

(5) V. art. 716, C. proc. Art. 716 « Le jugement d'adjudi (1) Ces actions doivent être aujour-« cation ne sera signifié qu'à la perd'hui introduites par acte direct d'a-« sonne ou au domicile de la partie journement. V. note précédente. << saisie.-Mention sommaire du juge

cet égard, faire une différence entre les adjudications par décret, et les autres jugements, et ils ont prétendu qu'on ne pouvait interjeter appel du décret après dix ans, quoiqu'il n'eût pas été signifié. Ce sentiment a été adopté par l'ordonnance de 1629, art. 164, qui porte expressément, que les majeurs peuvent se pourvoir contre le décret, même par voie d'appel, après dix ans (1); mais on sait que l'ordonnance de 1629 n'a point eu d'exécution.

La raison sur laquelle ces auteurs se fondent, est que celui qui a acheté en justice de bonne foi, est aussi favorable que celui qui a acheté par contrat volontaire; or, un acheteur de bonne foi, par contrat volontaire (à l'exception de quelques coutumes, comme celle d'Orléans, art. 260, qui excluent toute prescription d'héritages moindre que trente ans), acquiert, inter præsentes, l'héritage par lui acheté, par une possession de dix ans ; il ne peut plus, après ce temps, être évincé par le propriétaire de cet héritage: donc, disent-ils, un adjudicataire, qui a acquis de bonne foi en justice, ne doit pas pareillement être évincé après ce temps.

Le sentiment de ces auteurs a été rejeté par les arrêts du Parlement de Paris. Brodeau, lett. D, n° 26, en rapporte plusieurs qui ont jugé qu'on reçoit l'appel, pendant trente années, des adjudications par décret, qui n'ont pas été dûment signifiées, et il ajoute, que telle est la pratique du palais : Gallica enim fori observatione, provocandi jus ad tricenum usque annum porrigitur. La réponse à la raison ci-dessus alléguée est facile; celui qui a acquis par contrat volontaire, de bonne foi, à non domino, ne peut être évincé, après dix ans, par le propriétaire, parce qu'il possède de bonne foi, ex justo titulo, en vertu d'un titre qui n'est point attaqué; mais le titre de l'adjudicataire est attaqué par l'appel qui en est interjeté; il ne peut donc point servir de fondement à la prescription de dix ans, que l'adjudicataire réclamerait en sa faveur.

§ III. Quels peuvent être les moyens d'appel d'un décret?

660. Les moyens d'appel d'un décret peuvent être tirés du fond ou de la forme (*).

Du fond. Lorsqu'un tiers appelle du décret, comme fait super non domino, ou lorsque le saisi appelle du décret, comme fait pour une somme qui n'était point due, le saisi peut être non recevable en ce moyen, si on y a déjà statué sur l'appointement à décréter.

Les moyens d'appel tirés de la forme sont ceux tirés des défauts de procé dure, jusqu'à l'appointement à décréter.

Mais on peut opposer des défauts de procédure, dans celle faite en exécution de l'appointement à décréter, pour parvenir à l'adjudication qui fait le sujet de l'appel.

L'appelant peut demander au saisissant la communication de la procédure sur laquelle est intervenue l'adjudication pour relever les défauts qui s'y rencontreraient, et le saisissant est obligé de faire cette communication; mais le sentiment commun est que, lorsqu'il s'est passé onze ans depuis l'adjudication, le saisissant n'est plus obligé à cette communication, et que toutes les

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«ment d'adjudication sera faite en | pel d'un sentence d'adjudication n'était marge de la transcription de la sai- plus recevable après dix ans. (Note de sie, à la diligence de l'adjudicataire.» l'édition de 1777.) (') Denizart, dans sa Collection, vo Adjudication, cite un arrêt du 31 août 1761, rendu aux enquêtes, par lequel il prétend qu'on a jugé que l'ap

(*) Ces moyens doivent être aujourd'hui présentés en cours de procédure, tant que la saisie immobilière est pendante.

formalités sont présumées avoir été observées: Statur narrativis ex eo quod contrarium non probatur. Le Maître, Traité des Criées, ch. 45, no 4, in fine. On peut encore proposer pour moyen d'appel contre l'adjudication, le défaut de la personne de l'adjudicataire, s'il est du nombre de celles à qui les règlements défendent de se rendre adjudicataires; comme aussi la fraude, la

collusion.

La seule cause de lésion dans le prix n'est pas un moyen suffisant, comme nous le verrons ci-après (').

SIV. De l'effet de l'appel du décret.

661. L'appel de l'adjudication (*) interjeté par le saisi, ne me paraît pas devoir en suspendre l'exécution, ni par conséquent pouvoir empêcher que l'adjudicataire entre en possession de l'héritage qui lui est adjugé; la raison est que cette adjudication se fait en vertu d'un titre qui est exécutoire contre le saisi, et auquel la provision est due.

A plus forte raison, si l'appel n'est interjeté qu'après que l'adjudicataire est entré en possession, cet appel ne doit pas empêcher qu'il n'y reste pendant l'appel.

Si l'adjudicataire entre en possession, nonobstant l'appel, il doit aussi, nonobstant l'appel, consigner le prix de son adjudication : l'ordre se fera aussi nonobstant l'appel, mais il peut obliger les créanciers de lui donner caution pour recevoir du receveur des consignations les sommes pour lesquelles ils auront été colloqués

Cela est conforme à la loi 18, § 1, ff. de Peric. et Comm. rei vend. qui décide que le vendeur ne peut exiger de l'acheteur le prix de la chose vendue, sans lui donner caution, dès que quelqu'un a intenté à l'acheteur contestation sur la propriété de la chose, dominii questione motâ; or, par l'appel dominii questio movetur emptori : les créanciers ne peuvent donc recevoir ce prix sans lui donner caution, mais l'acheteur ne peut pas, sous prétexte de l'appel, se dispenser de consigner, parce que, par la consignation, les deniers sont en sûreté.

662. On a agité la question, si l'adjudicataire pouvait demander à être déchargé de son adjudication, lorsqu'on en interjette appel?

Quelques auteurs décident qu'il est recevable en cette demande je ne le penserais pas; car de même qu'un acheteur, par contrat volontaire, n'est pas recevable à demander contre son vendeur le résiliement du contrat, sous le prétexte d'une contestation qui lui serait faite sur la propriété de l'héritage par lui acquis, de même cet adjudicataire ne doit pas être recevable à demander la décharge de son adjudication, sous prétexte de la contestation qui lui est formée par l'appel de l'adjudication; l'appel étant une voie de droit, il a pu la prévoir, et il en a couru les risques en se rendant adjudicataire : il doit lui suffire de pouvoir sommer en garantie le poursuivant, qui doit garantir la validité de l'adjudication qu'il a poursuivie.

Il ne serait pas juste qu'il dépendît du saisi, en interjetant un appel mal fondé, de détruire l'obligation qu'a contractée l'adjudicataire, et encore moins qu'il dépendît de l'adjudicataire lui-même de s'en décharger, ce qui lui serait facile en engageant, par quelque petit présent, le saisi qui n'a rien à perdre, à interjeter un appel.

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SV. De l'effet de l'arrêt qui sur l'appel infirme l'adjudication. 663. Lorsque, sur l'appel interjeté de l'adjudication, elle a été déclarée nulle, il importe de savoir sur quels moyens la nullité a été prononcée.

Lorsque la nullité procède de la part du saisissant, celui-ci est tenu de tous les dommages et intérêts de l'adjudicataire; il est tenu de rembourser à l'adjudicataire tout ce qu'il lui en a coûté pour l'adjudication, et à l'acquitter des condamnations prononcées contre lui, soit pour les dépens, soit pour la restitution des fruits: à la charge, par l'adjudicataire, de céder ses actions au saisissant, soit contre les créanciers qui ont touché leur part du prix de l'adjudication, lesquels doivent la rapporter lorsque l'adjudication est déclarée nulle, soit contre le receveur des consignations, pour la répétition des droits de consignations, qui, pour la même raison, se trouvent n'être pas dus. Lorsque l'adjudication est déclarée nulle par un défaut de procédure, le procureur du saisissant doit l'acquitter de ses condamnations.

Lorsque c'est par le fait de l'adjudicataire que l'adjudication est déclarée nulle, comme si c'était une personne prohibée, il est évident qu'en ce cas le saisissant n'est tenu envers lui d'aucuns dommages et intérêts; au contraire cet adjudicataire paraît devoir être condamné, en ce cas, aux frais qui se feront pour parvenir à une nouvelle adjudication: cet adjudicataire peut seulement, en ce cas, retirer des consignations le prix qu'il a payé, s'il y est encore, t répéter les profits seigneuriaux qu'il a payés; si les deniers ont été distribués, il peut seulement répéter du receveur des consignations les droits de consignation, et répéter des créanciers ce qu'ils ont reçu.

On pourrait peut-être néanmoins dispenser les créanciers de cette restitution en subrogeant l'adjudicataire, pour recevoir à leur place sur le prix de la nonvelle adjudication qui sera faite.

VI. Des autres moyens de se pourvoir contre les adjudications.

664. Lorsqu'il ne peut y avoir lieu à l'appel de l'adjudication, paree qu'elle a été faite par un juge en dernier ressort, on ne peut se pourvoir contre, de la part d'un tiers qui n'aurait point été partie, que par la voie de la tierce opposition (1).

A l'égard du saisi, il ne lui reste que la voie de la requête civile (*), dans le cas où il peut y avoir lieu; comme si la saisie avait été faite sur un titre de créance, dont on prétendrait prouver la fausseté, ou si on alléguait du dol de la part de l'adjudicataire. (Nous avons traité ci-dessus des moyens de requête civile qui peuvent s'appliquer ici.)

665. C'est une question și la lésion d'outre moitié du prix donne lieu de se pourvoir contre l'adjudication, de même qu'elle donne lieu de se pourvoir contre une vente purement conventionnelle (3)?

Nous avons trois coutumes qui excluent formellement, en pareil cas, a restitution contre les adjudications par décret; savoir, celle de Bourdonnais, art. 487; celle d'Auvergne, chap. 16, art. 22, et celle de la Marche, art. 122;

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mais Dumoulin était d'avis qu'on devait l'accorder, et en sa note sur l'art. 122 de la coutume de la Marche, il taxe cette coutume, de coutume injuste.

- L'ordonnance de 1629, art. 164, accordait, en ce cas, la restitution, mais seulement lorsque le saisi était mineur. L'ordonnance de 1629 n'a point été, comme l'on sait, exécutée; la jurisprudence du Parlement de Paris est de ne point accorder cette restitution, ni au mineur_ni au majeur; les arrrêts en sont rapportés par Brodeau sur Louet, lettre D, no 32.

Les raisons que l'on donne de cette jurisprudence sont, que la vente par décret, étant revêtue de l'autorité de la justice, doit être plus hors d'atteinte qu'un simple contrat de vente d'ailleurs, le prix des choses étant, dit-on, quanti emptorem invenire possunt, on ne peut pas dire que le prix de l'adju dication ne soit pas le juste prix, puisque, après avoir pris toutes les précautions possibles pour faire connaître que la chose était à vendre, et après plu sieurs remises, la chose n'a pu être vendue davantage; c'est ce qui fait dire à Dumoulin, sur l'art. 487 de la coutume du Bourbonnais, que le prix du décret est présumé le juste prix, post publicationem et licitationem plus offerenti factam, quæ præsumptio juris est, et de jure, quæ non admillit probalionem in contrarium.

Ces raisons ne me paraissent pas bien solides: le prix d'une chose n'est pas précisément quanti ea res determinatè emptorem invenire potuit, mais quanti venire solent res ejusdem generis et qualitatis; or il peut arriver, comme l'expérience nous apprend qu'il arrive assez souvent, qu'un héritage est vendu par décret plus de la moitié au-dessous de la valeur ordinaire de ce qu'ont coutume de se vendre des héritages de pareille qualité; il est donc vrai qu'en ce cas l'héritage adjugé par décret a été vendu plus de la moitié au-dessous de sa juste valeur, et qu'il y a lésion d'outre moitié du juste prix : or, si cette lésion énorme se rencontre dans l'adjudication, pourquoi ne pas admettre la restitution, comme contre toutes les ventes? L'autorité de la justice, dont est revêtue l'adjudication, est une autorité qui doit être employée pour faire régner la justice, et non pas pour autoriser l'iniquité d'une vente dans laquelle se rencontre une lésion énorme.

ART. XIV. — Des décrets volontaires (1).

666. On appelle décret volontaire celui qui intervient sur une saisie réelle qu'un acquéreur fait faire sur lui, de l'héritage qu'il a acquis, à l'effet de purger les hypothèques, et autres charges que ses auteurs auraient pu imposer sur l'héritage.

On l'appelle décret volontaire, parce que cette saisie réelle se fait du consentement de l'acquéreur sur qui elle est faite, et que c'est lui-même qui interpose un créancier vrai ou simulé, pour faire cette saisie réelle sur lui. Les décrets volontaires se font aussi quelquefois sur le vendeur, lorsqu'on

en est convenu.

(') L'édit du mois de juin 1771, | année. (Note de l'édition de 1777.) art. 37, a abrogé les décrets volontaires, à peine de nullité; et, par le même édit, portant création de conservateurs des hypothèques, Louis XV y a substitué les lettres de ratification, qui s'obtiennent aujourd'hui par les acquéreurs, pour purger les hypothèques et priviléges. Voy. les lettres patentes du 7 juillet suivant, registrées au bailliage d'Orléans, le 19 novembre de la même

Cette procédure n'est plus d'aucun usage, et celle que l'édit de 1771 lui avait substituée a été elle-même abandonnée; aujourd'hui, ainsi que nous l'avons vu, on autorise la conversion de la saisie immobilière en vente sur publications volontaires. V. ci-dessus, p. 271, note 1. V. également ce que nous avons dit à cet égard de la purge, p. 290, note 1.

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