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LE TRIBUNAL; Revu le jugement de défaut-jonction du 12 juillet 1894 et le jugement d'itératif défaut du 4 octobre 1894, enregistrés ;

Attendu que, par jugement du 23 juin 1894, enregistré, le défendeur défaillant fut, pour cause de prodigalité, placé sous conseil judicaire, et que le demandeur M. Beernaert, ministre d'Etat, fut désigné d'office par ce jugement pour en remplir les fonctions;

Attendu que la mise sous conseil judiciaire frappe d'incapacité celui qui en est l'objet, pour certains actes juridiques prévus par l'article 513 du code civil et visés au jugement dans l'espèce, en ce sens qu'ils

(1) Ce jugement, contraire à la jurisprudence française et à la majorité de la jurisprudence belge, consacre une doctrine qui a pour elle l'imposante autorité de Laurent (Principes, t. V, no 353) et d'Aubry et Rau (t. Ier, § 139, p. 367, note 4). L'argument de texte qu'ils invoquent, et que reproduit le jugement, ne nous semble pas avoir une portée décisive. Le mandat d'assistance que la loi donne au conseil judiciaire ne comporte-t-il pas le droit et le devoir de faire ce qui est indispensable pour que cette assistance ne soit pas illusoire et pour que le but de la loi soit atteint? La loi ne veut pas que le prodigue aliène son bien sans l'assistance de son conseil; malgré cette défense, la vente est consentie par le prodigue, au préjudice des intérêts que l'assistance eût dû sauvegarder; la loi avait voulu que, si le conseil refusait son autorisation, l'aliénation ne put avoir lieu; le conseil a refusé son autorisa. tion, et cependant le prodigue a consommé l'aliénation: est-ce que le devoir imposé au conseil ne comporte pas pour lui l'obligation de faire tomber cet acte illégal? L'action qu'il intente pour cela, il la trouve, non dans le patrimoine du prodigue au nom

sont nuls s'ils sont posés par le prodigue sans l'assistance de son conseil;

Attendu que par là il faut entendre, non seulement l'avis, le consentement ou l'autorisation, mais le concours effectif de celui qui est revêtu de cette mission légale, aux actes mêmes posés par le prodigue et qui sont nuls en dehors de cette coopération immédiate et de la présence de son conseil, la loi, en plaçant ce conseil à côté du prodigue, ayant voulu le protéger efficacement contre sa propre faiblesse;

Attendu qu'il en résulte que, si le conseil assiste, il ne représente pas et n'a pas qualité pour représenter le prodigue en justice, et que, dès lors, il ne peut agir seul, même pour demander la nullité d'actes que le prodigue aurait faits sans son assistance;

Attendu que l'article 513 du code civil en consacrant ce principe qui constitue une restriction à la liberté civile de l'homme, doit être de stricte interprétation;

Par ces motifs, ouï M. Jonnart, substitut du procureur du roi, en son avis, statuant par défaut contre le défendeur du Chasteleer et contradictoirement entre les autres parties, donnant acte à celles-ci de leurs dires, déclarations et réserves, et écartant toutes conclusions autres ou contraires, déclare le demandeur sans qualité pour agir en la cause; en conséquence, dit sa demande non recevable, l'en déboute et le condamne aux dépens

Du 19 janvier 1895. Tribunal de première instance de Mons. - 2 ch. Prés. M. de Patoul, juge.

duquel il l'intenterait, mais dans le mandat même dont il a été investi; il l'exerce en son propre nom, elle lui appartient en propre. Si (ce qui, bien que le texte du jugement ci-dessus n'en dise rien, est, croyons nous, l'hypothèse de l'espèce qu'il a examinée) il s'agit d'un acte simulé par le prodigue et un tiers de mauvaise foi, avant la mise sous conseil, pour paralyser d'avance les effets de celle-ci, un raisonnement identique conduit à une conclusion pareille, celle de la recevabilité de l'action en nullité intentée par le conseil judiciaire personnellement, a raison et en exécution de son mandat. (Voy., en sens contraire du jugement ci-dessus, jug. Bruxelles, 12 mai 1880, Belg, jud., 1880, 1466; jug. Bruxelles, 13 décembre 1882, PASIC. BELGE, 1883, III, 431; just. de paix Liège, 9 août 1875, CLOES et BONJEAN, 18751876, 506, et note conforme; cass. franç., 29 juin 1881, D. P., 1882, 1, 33; app. Lyon, 9 mai 1882, ibid., 1883, II, 21; cass. fr., 20 juin 1883, ibid., 1884, 1, 248. Dans le sens du jugement, on peut citer just. de paix Eecloo, 18 novembre 1874, PASIC. BELGE, 1875, III, 62.)

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LE TRIBUNAL; Vu l'exploit d'ajournement du 12 mars 1894, enregistré, tendant à faire nommer un ou plusieurs commissaires avec mission de vérifier les livres et comptes de la société détenderesse, à préciser les points sur lesquels porteront leurs investigations, et fixer la consignation préalable à effectuer pour le payement des frais;

Attendu que, dans leur requête signifiée en tête de l'assignation et dans leurs conclusions ultérieures, les demandeurs concluent à la nomination de trois commissaires ayant pour mission de vérifier les livres et comptes de la société et notamment de porter leurs investigations sur les points suivants : ... etc.; Attendu que la défenderesse a d'abord combattu la mesure sollicitée en soutenant que les demandeurs ne posséderaient pas, comme l'exige l'article 124 de la loi sur les sociétés, le cinquième des intérêts sociaux;

Attendu qu'il ressort des productions faites en ne s'en tenant qu'aux indications données par la défenderesse elle-même, que les demandeurs possèdent un nombre d'actions même supérieur au cinquième exigé par la loi; que, dès lors, ils sont recevables à agir;

Attendu que la défenderesse prétend ensuite que les demandeurs n'ayant pas tous opéré sur leurs actions les versements appelés par le conseil d'administration, les dites actions n'étant conséquemment pas libérées, ne pouvaient entrer en ligne de compte pour l'établissement du cinquième exigé par la loi;

Attendu qu'aux termes de l'article 124, les actionnaires possédant le cinquième des intérêts sociaux sont recevables à agir; que

le texte est général et ne distingue pas entre les actions libérées et les autres; que si les actions de plusieurs demandeurs ne sont pas entièrement libérées, ils n'en représentent pas moins le capital et demandent la nomination de commissaires précisément pour être édifiés sur l'opportunité de ces versements (contestant, au surplus, la régularité des pouvoirs du conseil qui a fait l'appel de fonds) et sur l'emploi des fonds qu'ils remettent aux administrateurs; que leur refus actuel de verser, que le tribunal aura, du reste, à apprécier séparément en jugeant les actions lui soumises de ce chef, est basé sur les griefs invoqués dans la présente instance; qu'il ne peut les faire destituer du droit que leur confère l'article 124, puisque, dans l'hypothèse contraire, ce droit deviendrait illusoire; qu'il s'ensuit que la demande est recevable; Au fond:

Attendu que le tribunal a un pouvoir souverain d'appréciation, la loi disant : « Le tribunal de commerce peut, dans des circonstances exceptionnelles, nommer des commissaires >> aux fins sollicitées par les demandeurs;

Attendu que la défenderesse prétend que les circonstances exceptionnelles visées par le législateur n'existent pas dans l'espèce;

Attendu que l'ensemble des allégations produites, et dont le non-fondement n'est pas jusqu'ores établi, est de nature à rendre opportune la mesure d'investigation prévue par la loi, l'examen de la pertinence des faits et de leur gravité devant surtout faire l'objet de l'instance à laquelle pourraient donner lieu les faits constatés;

Attendu que les demandeurs reprochent à B..., président du conseil d'administration, et à V..., administrateur délégué de la société défenderesse, d'avoir arbitrairement notifié aux actionnaires présents à l'assemblée générale extraordinaire convoquée à la requête des demandeurs que la réunion était remise indéfiniment, parce que les actionnaires n'avaient pas déposé les procurations, ni fait connaître cinq jours avant l'assemblée le nombre et les numéros de leurs actions;

Attendu que s'il est exact qu'aux termes des statuts, il ne doit pas être justifié de l'envoi de lettres missives aux actionnaires pour les convoquer à l'assemblée, les dits statuts disent néanmoins que ces lettres sont adressées huit jours avant l'assemblée; que du moment que le conseil d'administration envoyait aux actionnaires des convocations, dans lesquelles il leur rappelait précisément la disposition des statuts exigeant le dépôt des procurations et l'indication des actions cinq jours au moins avant l'assemblée, il est étrange qu'il leur ait envoyé ces circulaires de

manière à ne leur faire produire aucun effet et à rendre naturellement impossible l'observation de cette disposition;

Attendu que si la loi n'exige pas in terminis la communication des livres avant une assemblée extraordinaire, le fait de ne pas les mettre, sur leur demande, à la disposition des actionnaires intéressés peut également paraître étrange;

Attendu que les demandeurs soutiennent, et qu'il n'est pas méconnu que les fonctions de président du conseil d'administration sont remplies par B..., qui est en même temps administrateur délégué de la société anonyme, qui a fourni et doit fournir tout le matériel de la société défenderesse pour une valeur de plus de 300,000 francs, se rapportent seulement à la partie construite de la ligne; que, le 27 janvier 1892, le dit B... s'est engagé vis-à-vis de F..., alors administrateur de la société défenderesse, à partager les bénéfices résultant du marché conclu entre les deux sociétés; que les demandeurs soutiennent que les prix de vente ont été exagérés, et que les intérêts de la défenderesse n'ont pas été sauvegardés dans les fournitures à effectuer;

Attendu que ce point très important pour les intérêts des actionnaires doit être vérifié;

Attendu que les demandeurs invoquent ensuite la composition irrégulière du conseil d'administration; que du moment qu'il y avait une assemblée générale fixée pour la nomination des administrateurs et des commissaires, il n'appartenait plus aux membres du conseil de s'en adjoindre d'autres et de compléter ainsi le conseil; que les demandeurs soutiennent que B... s'est adjoint comme membres du conseil son beau-frère et son chef-ouvrier; qu'il échet de faire des investigations à cet égard; qu'en effet, il y a lieu de vérifier les livres des procès-verbaux, la réalité des dépôts des titres devant être affectés à la garantie de la gestion des administrateurs et des commissaires, et tous documents relatifs à cette gestion;

Attendu, enfin, qu'il résulte d'un jugement de ce siège que le conseil d'administration et l'administrateur délégué V. B... ont mis en gage des actions qu'ils détiennent; qu'il importe de rechercher quel est le nombre des actions d'apport que le conseil d'administration devait détenir devers lui, pour compte de qui il devait les détenir, et, le cas échéant, où et pour quelle cause ces actions ont été engagées;

Attendu qu'il importe également de rechercher à quel titre et pour compte de qui V... a pris des engagements vis-à-vis de D... auquel il a dû payer 12,500 francs en actions et 2,500 francs en obligations de la société

défenderesse, et quelle est la nature des services que le dit D... aurait pu prester à la société;

Attendu que dans les circonstances signalées, il convient de faire porter les investigations des commissaires à désigner, sous réserve de tous droits ultérieurs des parties sur les points indiqués dans le dispositif ci-après;

Attendu qu'il convient de fixer à 4,000 fr. la consignation préalable à effectuer pour le payement des frais;

Par ces motifs, écartant hic et nunc toutes autres conclusions, nomme Alfred Donnet, avocat, Charles Lauwers, comptable à la Banque centrale anversoise, et Henri Lecorbesier, directeur des Tramways nationaux à Anvers, en qualité de commissaires aux fins, au vœu de l'article 124 de la loi sur les sociétés, vérifier les livres et comptes de la société anonyme X..., et de dresser un rapport détaillé et motivé de leurs opérations, qu'ils déposeront au greffe de ce siège et dans lequel ils répondront notamment aux questions suivantes :

1° Quelle a été la nature de l'intervention de B... dans la fourniture du matériel de la société?

2o Quelle est l'importance des marchés conclus entre les deux sociétés ?

3o Ces marchés ont-ils été conclus à des conditions et à des prix normaux?

4° La société a-t-elle subi un préjudice par le fait des arrangements conclus entre B... et des tiers relativement à ces marchés, et notamment la société aurait-elle pu acquérir à un prix moindre sans l'engagement conclu avec F...?

5o Y a-t-il des dépenses dépassant les limites dans lesquelles doit se restreindre une administration prudente?

6o Quelle est la situation active et passive de la société ?

7o Les actions de la société ont-elles reçu leur affectation statutaire, et notamment certains titres n'ont-ils pas été mis en gage et pour quelle cause? Cette opération était-elle régulière ?

8° Quels sont les rapports entre B... et les membres du conseil d'administration, nommés en dehors de l'intervention des actionnaires, et quels intérêts ont-ils dans la société ?

9o La société subit-elle un préjudice par des engagements pris par l'un ou l'autre de ses administrateurs, et dans l'affirmative quel est le montant de ce préjudice et la nature des engagements qui l'ont occasionné?

10° Les écritures de la société sont-elles régulièrement tenues, et les actionnaires ont

ils pu être à même d'en faire une vérification utile?

11° Les procès-verbaux des séances du conseil d'administration ont-ils été régulièrement tenus et les observations faites par les administrateurs démissionnaires ont-elles été actées?

Fixe la consignation préalable à effectuer pour le payement des frais à la somme de 4,000 francs; condamne la défenderesse aux dépens, et déclare le présent jugement exécutoire par provision nonobstant appel et sans caution.

Du 11 avril 1894.- Tribunal de commerce d'Anvers. 2e ch. Prés. M. De Wael, président. Pl. MM. Ryckmans, De Curte

et A. Van Zuylen.

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LE TRIBUNAL; Attendu que le délit d'usure n'existe plus sous l'empire de la législation actuellement en vigueur, qui admet la liberté de l'intérêt (art. 1er de la loi du 5 mai 1865);

Attendu que l'article 494 du code pénal prohibe, il est vrai, le fait de fournir habituellement des valeurs à un taux excédant l'intérêt légal et en abusant des faiblesses ou des passions de l'emprunteur;

Attendu, toutefois, qu'il n'est pas établi que l'obligation litigieuse entre parties serait due à un abus des faiblesses ou des passions du défendeur, et devrait, en conséquence, être déclarée nulle comme étant basée sur une cause illicite;

(1 et 2) Voy. NYPELS, Code pénal interprété, t. III, p. 451, no 4.

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Attendu, en effet, qu'aux termes de la convention dont s'agit, telle qu'elle est relatée dans un acte visé pour valoir timbre et enregistré à Bruxelles, etc., etc., Marc Levy, ici représenté par le demandeur, s'est engagé à verser le cautionnement imposé au défendeur comme garantie de sa gestion, ce moyennant certains versements mensuels à effectuer par ce dernier; qu'il était, en outre, stipulé entre parties que, ces versements opérés, le défendeur deviendrait propriétaire du cautionnement, et que, en cas de retard dans le payement de deux quittances, le solde encore dû deviendrait immédiatement exigible;

Attendu qu'il suit de là que ce ne sont ni les faiblesses ni les passions du défendeur qui l'ont incité à contracter; qu'on ne peut, en effet, assimiler à une faiblesse ou à une passion le désir parfaitement légitime d'obtenir une place en vue de se procurer des ressources;

Attendu que les moyens pécuniaires du défendeur ne lui permettant pas de fournir personnellement le cautionnement exigé pour l'obtention de cette place, ce sont ses besoins seuls qui l'ont déterminé à recourir à autrui et à souscrire l'engagement onéreux lui imposé;

Attendu que, lors des discussions parlementaires qui ont précédé le vote de l'article 494 du code pénal, il a été formellement reconnu que l'abus des besoins de l'emprunteur, s'il s'agit d'un majeur, n'est pas punissable;

Attendu, en effet, que le texte émané de la commission de la Chambre visait celui qui fournit habituellement des valeurs à un taux excédant l'intérêt légal, en abusant de l'ignorance, des faiblesses ou des passions de l'emprunteur; qu'un amendement fut proposé à la Chambre aux fins de remplacer les mots de l'ignorance par les mots des besoins; qu'au second vote, la Chambre supprima les mots de l'ignorance, en ne maintenant que l'abus des faiblesses ou des passions;

Attendu qu'au Sénat, un amendement ayant été déposé en vue d'insérer dans le texte l'abus des besoins, cet amendement fut rejeté sur les observations du ministre de la justice, faisant remarquer que donner à l'article une telle portée, ce serait supprimer la loi sur la liberté de l'intérêt;

Attendu que le défendeur ne peut, en conséquence, se dégager des effets d'une convention légalement obligatoire et qu'il a librement acceptée; qu'il ne peut non plus être admis à se libérer par payements partiels, alors que, des termes mêmes de cette convention, il résulte qu'il a perdu le bénéfice du terme;

Attendu qu'il n'est pas, d'ailleurs, établi

que le défendeur, qui, à cet égard, ne fournit aucune explication, serait dans une position telle qu'un délai de grâce pourrait lui être accordé ;

Par ces motifs, entendu en son avis conforme M. Demeure, substitut du procureur du roi, écartant toutes fins et conclusions plus amples ou contraires, condamne le défendeur à payer au demandeur: 1o la somme de 240 francs restant due en principal sur le montant de l'obligation du défendeur; 2o la somme de 10 fr. 15 c., coût d'une sommation; déclare bonne et valable la saisie-arrêt pratiquée, etc., etc.; condamne le défendeur aux intérêts judiciaires et aux dépens; déclare le présent jugement exécutoire par provision, nonobstant appel et sans caution.

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(1) Voy. DEMOLOMBE, édit. belge, t. I, nos 44 et suiv.; DALLOZ. Répert., vo Mariage, no 655; AUBRY et RAU, t. VI, p. 106; FUZIER-HERMAN, Code civil annoté, art. 203, nos 2 et 3, et les nombreuses autorités citées; Bordeaux, 16 février 1828 (DALLOZ, Répert., vo Mariage, no 655 en note); Douai, 16 janvier 1882 (D. P., 1885, 2, 69); Gand, 19 juillet 1890 (PASIC. BELGE, 1891, II, 100. Contrà : LAURENT, t. III, no 98; POTHIER, no 390.

La solution admise par le tribunal a pour elle la majorité des auteurs et de la jurisprudence. Elle rencontre néanmoins des objections très graves. L'obligation alimentaire a pour base les besoins du créancier », l'impossibilité où il se trouve de subvenir a ses besoins. Peut on dire que cette impossibilité existe du moment où le créancier possede, soit en capital, soit en revenus, des ressources suflisantes pour écarter de lui le besoin. La distinction que fait le tribunal entre le capital et le revenu peut paraître non fondée. Comment la faire, lorsqu'il s'agit de savoir si, au moment où la réclamation se produit, le demandeur peut ou ne peut pas se procurer ce qui lui est nécessaire pour vivre; que les sommes au moyen desquelles il paye ce dont il a besoin soit du capital ou le produit d'un capital, il n'est pas dans le besoin, du moment où il est à même de subvenir aux nécessités de l'existence.

Tel capital, insuflisant lorsqu'il est placé en rentes sur l'État, peut, s'il est mis en viager, suflire à faire vivre son possesseur. Serait-il équitable d'imposer une charge alimentaire a un parent ou un allié du créancier, afin de permettre à ce dernier de laisser intact après sa mort un capital qui pouvait le faire vivre.

Un capital considérable pourrait être laissé improductif par son propriétaire. Celui-ci peut possé

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der des terrains d'avenir ne produisant aucun revenu, comme des terrains à bâtir, il pourrait être intéressé dans une entreprise de construction de chemin de fer, ne donnant aucun intérêt pendant la période de construction. Pourrait-on soutenir que, dans des cas semblables, l'absence de revenus constitue le besoin, et que, pour permettre à une personne d'accroître son patrimoine, une autre soit tenue de pourvoir à son existence.

Il faut considérer surtout l'intérêt du débiteur, auquel le code civil se montre favorable, et entre les intérêts qui, dans les cas analogues, se trouvent en conflit, ménager surtout celui de la personne tenue de l'obligation alimentaire.

Déjà sous le droit ancien, Pothier s'exprimait comme suit :

Pour que les parents puissent faire condamner leurs enfants à leur fournir des aliments, il faut qu'ils soient sans biens. Il suit de là que, lorsqu'un pere et une mère qui ont un peu de biens, qu'ils prétendent n'être pas suffisants pour les faire vivre, demandent à leurs enfants des aliments, il faut, pour qu'ils soient écoutés dans cette demande, qu'ils offrent d'abandonner à leurs enfants le peu de biens qui leur reste ».

La possession d'un capital excluait donc le droit aux aliments: c'est ce que Laurent admet en disant :

Il faut que le demandeur soit dans le besoin, et celui qui possède des immeubles n'est certes pas dans le besoin, s'il peut se procurer les moyens de vivre en les vendant. »

Voy., dans le sens de ces observations, la note sur un jugement du tribunal civil de Bruxelles, 28 mai 1892 (PASIC. BELGE, 1892, III, 263.)

C. D.

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