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TOME VIII.

ADDITIONS ET NOTES,

PAR M. DU MÈGE.

A

DU LIVRE TRENTE-QUATRIÈME DE L'HISTOIRE DE LANGUEDOC.

Le P. Bouges ne parle point dans son Histoire ecclésiastique et civile de Carcassonne, de cette immense pièce d'artillerie. On donnait le nom de bombarde à un canon extrêmement gros et court, et dont l'ouverture était fort large. Quelquefois les vieux historiens désignent cette pièce sous le nom de basilic. On a mentionné des bombardes qui ont porté jusqu'à trois cents livres de balles. Froissard parle d'une de ces pièces qui avait cinquante pieds de long; mais ce ne serait plus une de ces pièces grosses et courtes dont nous avons parlé.

2 L'Histoire du Velai, par M. le docteur Arnaud (1), ne donne point de détails sur ce qui se passa en Velai à cette époque. L'auteur ne dit rien de plus que Dom Vaissete.

3 Le P. Bouges (2) raconte ainsi ce qui se passa en cette occasion à Carcassonne : « Les plaintes réitérées que le duc de Bourgogne faisoit à la conr, ne servirent que pour prévenir une partie des malheurs que sa révolte alloit susciter dans tout le royaume. Charles VII, dauphin de France, envoya dans toutes les villes des ordres pour s'opposer aux desseins de ce duc. Béranger Ile du nom, seigneur d'Arpajon, et vicomte de Lautrec, vint dans le Languedoc, et visita, de la part du roi, les principales villes de cette province. Sa visite ne fut pas inutile à Carcassonne. Déjà le sénéchal, Charles de Clermont, chambellan du duc de Bourgogne, Antoine de Vitrac, prévôt de la cité, Foulques de Grave, seigneur de Villegli, et plusieurs autres des principaux du pays, avoient embrassé le parti du duc de Bourgogne, quoiqu'en secret; mais les discours de Beranger d'Arpajon fortifièrent si bien la garnison perpétuelle de cette forteresse, que les intrigues du sénéchal et du prévôt devinrent inutiles. Dès le moment qu'elle eut reconnu les desseins du sénéchal, elle ferma malgré lui la porte du château qui répond à la rivière d'Aude, par laquelle les ennemis auroient pu surprendre la place. Au même temps, ils refusèrent la porte de leur ville au prince d'Orange, que le duc de Bourgogne avoit envoyé pour en prendre possession. Ce prince fit tout ses efforts pour y entrer; mais le comte de Foix, qui vint au secours de la gar

(1) Tom. I, 238.

(2) Ilist. eccl. et civ. de Carcassonne, p. 269.

nison, l'obligea de se retirer. Les autres villes du Languedoc suivirent l'exemple de celle de Carcassonne, et rendirent inutiles tous les projets du prince d'Orange. »

Besse (1) raconte ainsi le même fait : « Que me dira-t-on de ce qui se passa depuis en ce royaume, sous le règne de Charles VI? Est-il pas vray que tout le Languedoc avoit embrassé le party du duc de Bourgogne, et avoit entièrement levé le masque, ensuite de l'entrée en armes qu'y fit le prince d'Orange de son ordre? La cité de Carcassonne demeura tousiours dans les termes de son devoir, et en telle façon qu'un vieux manuscrit que j'ay, où sont particularisées les choses qui se passarent en ce temps-là en ville, en dit ces mots : Foc denegada intrada en ladita ciutat et en lodit castel al princep de Aurenca, loqual se esforsec de intrar en ladita ciutat am poyssansa, loqual foc vilanamen de ladita ciutat rebocatz, ansy quas se apartenio à far en tal cas. Et bien qu'en ce pays tout se fut déclaré contre le roy et Monsieur le dauphin régent en France, la fidélité de nos morte-payes parut alors comme dans son throsne, et leur acquit tant de gloire et de créance dans l'opinion du prince, qu'ils en receurent de sensibles tesmoignages en diverses fois; car, comme cette guerre estoit une trame qu'on ourdissoit de long-temps, nous trouvons encore une lettre que Monsieur le régent escrivit à nos morte-payes et habitans, du remerciment du bon accueil qu'ils avoient faict aux sieurs d'Arpajon et de Thierry, qu'il leur envoya dès l'an 1412, pour les conjurer, de sa part, de se tenir dans leur fidélité accoustumée. Et comme à cause de tous ces troubles, nos morte-payes et habitans obtindrent depuis permission de fermer la porte qui est au chasteau, aboutissant à la rivière, pource que les ennemis pouvoient entrer par là, et receurent de la part de sa majesté l'ordre sur le sujet de la garde, il advint de là qu'ils empescherent que l'evesque et Folquet de Grave, sieur de Villegli, ne se saisissent de la ville, comme ils en avoient le dessein, et encore chasserent un lieutenant de la ville à cette même occasion. Si bien que le seneschal et le conestable ayant osé informer contre eux, je parle des morte-payes et habitans de la cité, le roy, par lettres-patentes de l'an 1418, en cassa toute la procédure. Voyez l'estat auquel estoient à combattre des ennemis domestiques tels que l'eves

(1) Hist. des Antiquités et Comtes de Carcassonne.

que, le seneschal et le connestable, que nous disons ঠprésent gouverneur. »

4 On sait que le connétable d'Armagnac avait demandé d'être enterré à Bonneval en Rouergue, ou dans l'église cathédrale d'Auch en Gascogne, selon qu'il mourrait plus près de la première ou de la seconde de ces deux églises. On sait aussi que, d'après l'inscription placée au-dessus de son tombeau, neuf cents prêtres assistèrent à la cérémonie funèbre, que l'église était ornée de cent quarante draps d'or ou de soie, et que vingt-deux mille torches y avaient été allumées.

5 L'ouverture des sessions de l'assemblée des trois états de la province du Languedoc fut quelquefois retardée, parce que, ainsi que le disent les anciens registres, le capitoul chef du pays n'étoit pas encore arrivé. On n'avait point les mêmes égards pour les consuls des autres villes, et c'est ce que prouve évidemment ce que rapporte dom Vaissele, relativement à l'assemblée des trois états à Montpellier, en 1419.

6 Dom Vaissete se trompe alors qu'il attribue l'origine de la noblesse dont jouissaient les capitouls de Toulouse à l'octroi que Charles, dauphin, leur aurait fait du privilége de posséder toutes sortes de terres et de seigneuries, sans payer aucun droit. Ce privilége était accordé à tous les habitans de Toulouse, et, en Languedoc, il ne constituait pas seulement la noblesse. Celle des Capitouls, comme nous l'avons dit plusieurs fois, remontait bien plus haut que le quinzième siècle : elle datait de la fondation du Municipe romain à Toulouse. Les membres de la Curie, et ceux du Sénat, jouissaient des priviléges de la noblesse, par cela seul qu'ils appartenaient à la Curie ou au Sénat. Les Capitulaires de Toulouse, qui formaient le sénat du comté, jouissaient des mêmes droits, et il n'est pas rare de trouver, dans des actes bien antérieurs au quinzième siècle, la preuve de la noblesse personnelle et transmissible de ces magistrats. Nous devons renvoyer, relativement à la noblesse des Capitouls, au traité spécial que Lafaille a fait à ce sujet, et aux différentes notes que nous avons données, sur le même sujet, dans les volumes précédens.

7 Les villes du midi de la France ont toujours été attachées à leurs priviléges, à leurs libertés; on ne pouvait leur infliger de plus fortes peines, qu'en leur enlevant ces droits : c'est ce que le dauphin fit à Nimes. Colonie romaine, cette ville avait conservé les lois, les coutumes qu'elle avait reçues des maîtres du monde, et le dauphin ne pouvait donc mieux la punir qu'en la privant du consulat, qu'en lui ôtant ce qui lui onnait une sorte de liberté et de nationalité particuliere.

8 Le comte de Clermont, capitaine-général en Languedoc, pour le dauphin, étant venu renforcer les troupes qui assiégeaient Aigues-Mortes, la place fut resserrée de toutes parts; Louis de Malepue, qui y commandait, avait, jusqu'à ce moment, fait de fréquentes sorties et dévasté les environs; mais l'arrivée du comte de Clermont le contraiguit de rester enfermé dans les murs. Les hauts remparts d'AiguesMortes, défendus par des fossés profonds, redoutaient peu les assauts, et moins encore l'artillerie en usage à cette époque. Il aurait donc pu se maintenir pendant long-temps dans cette ville, s'il n'avait point, par sa tyrannie, soulevé la haine des habitans, et travaillé ainsi à sa ruine prochaine.

Quelques citoyens courageux s'étaient mis en rapport avec l'armée assiégeante. Une nuit, vers la fin de janvier 1421, les plus déterminés d'entr'eux se dirigent en silence vers les portes de la ville. Partout la garde surprise est égorgée, sans avoir pu résister. Les troupes du comte de Clermout, qui s'étaient avancées sans bruit, sont introduites dans la ville. Les habitans les conduisent au quartier des Bourguignons. Vainement ceux-ci tentent de fuir ou de se défendre. Ils sont tous impitoyablement massacrés. On cherche partout le gouverneur, on ne le trouve point d'abord, et l'on met le feu à la maison du roi, qu'il habitait. Le lendemain matin on découvre Malepue. Le peuple, irrité, allait le mettre en pièces; mais le comte de Clermont le sauve de la fureur populaire, assemble une sorte de tribunal, le condamne et le fait décapi ter. Les rues étaient remplies des cadavres des Bourguignons; on les relève, on les jette dans une des tours de l'enceinte, et pour éviter les pernicieux effets de leur corruption, on apporte de la côte voisine une immense quantité de sel; on en recouvre ces cadavres, et la tour, transformée en tombeau, prend le nom de Tour des Bourguignons.

9 On voit dans la conduite du dauphin, ou de son général, une nouvelle preuve du système constamment employé par le gouvernement contre les villes qui résistaient aux exigences du pouvoir. On les privait de leur municipalité, on leur enlevait leurs priviléges, on détruisait leurs marailles; ce qui avait eu lieu à Nîmes par les ordres du dauphin, fut renouvelé à Beziers. Effrayer, tourmenter les peuples, proscrire ou immoler les citoyens, démanteler les villes, et surtout leur ravir les lois, les coutumes, les priviléges, les libertés, auxquelles elles étaient plus attachées qu'à leur prospérité matérielle, qu'à ce que l'on nomme aujourd'hui le bonheur, tel fut le système fatal que l'on adopta. Toulouse, Montpellier, Nîmes, Beziers, et presque toutes les autres cités de la Languedoc, ont constamment été soumises à ce régime d'intimidation, ou menacées de l'être. Placées sous l'autorité despotique des ministres, livrées à la rapacité des gouverneurs, depuis leur réunion forcée à la couronne, ces villes ont presque toujours été en hosti

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