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AVERTISSEMENT.

L298V6

1840 V.8

CE volume renferme les livres trente-quatrième, trente-cinquième, trente-sixième, trente-septième et trente-huitième du texte de Dom Vaisette; c'est-à-dire, la fin du tome iv et une partie du tome v, de l'édition donnée par ce savant bénédictin.

Ce huitième volume de notre édition, doit être considéré comme l'un des plus intéressans de l'Histoire de Languedoc. Il commence en 1417, sous le règne de Charles VI, monarque infortuné qui mérita d'abord l'épithète de Bien-aimé, que les peuples avaient ajoutée à son nom. La France, livrée depuis trop long-temps à l'avarice et à l'ambition des oncles du roi, gémissait sous le fardeau toujours croissant des impôts. Les ducs d'Anjou, de Berry et de Bourgogne, qui, par leur naissance, étaient les tuteurs du prince et les défenseurs du royaume, semblaient n'en avoir l'administration que pour opprimer et ruiner les provinces, dont ils étaient les tyrans ; le Languedoc, surtout, souffrait alors, et de l'insatiable avidité de ses gouverneurs, et des divisions des grands.

On verra dans ce volume, tout ce que fit la reine, d'accord avec le duc de Bourgogne, pour prendre possession de ce pays, et les efforts du dauphin, secondés par le comte de Foix, pour résister aux Bourguignons. Cette époque est l'une des plus terribles de notre histoire. La France fut, en ce temps, livrée, en grande partie, aux Anglais, tandis que, divisés d'intérêts, les citoyens combattaient les uns contre les autres. En vain le duc de Bourgogne fut tué, en 1419, par Tanneguy Duchâtel; sa mort, loin de mettre un terme aux troubles, sembla les augmenter encore.

Bientôt Philippe-le-Bon, son fils, s'unit avec Henri V, roi d'Angleterre, et avec Isabelle de Bavière, femme de Charles VI. Par ce complot, cette princesse dénaturée veut faire perdre la couronne au

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dauphin son fils. Henri V déclaré régent et héritier du royaume, par son mariage avec Catherine, dernière fille de France, est reçu par les Parisiens, et s'empare des rênes du gouvernement. En vain le légitime héritier du trône, secondé par quelques braves, combat encore, autant pour sauver l'indépendance nationale, que pour conserver ses droits au trône; la fortune seconde mal la valeur du jeune prince, et ceux qui s'étaient inclinés devant la toute-puissance des événemens accomplis, accréditent l'opinion d'après laquelle la couronne de France est à jamais acquise à la maison de Lancastre. Mais Henri d'Angleterre meurt à Vincennes. Charles VI, atteint d'une frénésie qui avait donné de grandes inquiétudes, mais qui était interrompue par des momens lucides, tombe dans une imbécilité presque absolue, et descend aussi dans le tombeau. Montpellier avait des médecins habiles qui auraient pu, d'après des moyens, avoués par la science, tenter de rendre à ce prince l'usage de la raison, mais on leur préfère un soi-disant magicien venu de la même ville, et l'art prétendu d'un imposteur avance, peut-être, le temps marqué par la nature pour la fin du monarque français.

Charles VII est proclamé, et une époque de dévouement et de gloire commence pour le Languedoc. Cette riche et puissante province oublie, en effet, que, depuis sa réunion à la couronne, on s'est attaché à lui ravir ses libertés, à lui enlever ses franchises et ses richesses. Elle se dévoue pour la cause du nouveau roi, cause qui, pour elle, pourrait bien cependant ne pas être la cause nationale. Elle épuise toutes ses ressources, elle offre chaque année, à Charles VII, avec une générosité sans exemple, le tribut de l'or et du sang. Elle s'impose extraordinairement; elle lève une nombreuse et vaillante milice, et elle peut s'attribuer, en grande partic, le triomphe de son souverain.

Le rétablissement du parlement de la Languedoc date de cette époque; et lorsque la paix est rendue à la France, l'administration se perfectionne, la justice est rendue avec plus d'uniformité. La province, attachée par une affection sincère, bien plus que par les traités, à la grande unité française, conserve cependant encore son caractère propre, sa langue et ses coutumes, et offre l'image d'un état,

allié pour toujours à un autre, et reconnaissant le même monarque, mais ne perdant point néanmoins le sentiment de son individualité, le désir de conserver son indépendance, et l'invincible résolution de demander, si les circonstances l'exigeaient un jour, le rappel de l'union, conséquence nécessaire de la violation des traités, si on tentait de lui enlever son système représentatif, son parlement, ses priviléges, et ses libertés municipales.

De longues guerres avec la maison d'Autriche, viennent ensuite troubler la félicité de notre province, qui doit, non-seulement, songer à se défendre contre l'Espagne, mais aussi sacrifier, et sa noblesse, et ses milices, pour assurer à nos rois une domination éphémère dans quelques portions de l'Italie. De cette époque, date le renouvellement des calamités qui, durant la fin du quinzième siècle, et la première moitié du suivant, viennent affliger le Languedoc.

Ces maux n'étaient que les précurseurs de plus grands encore.

Le lutheranisme, importé d'au-delà du Rhin, amène de fatales et longues divisions. Les tribunaux, qui devaient laisser à l'église le soin de combattre les erreurs du moine de Wittemberg, déploient l'appareil des supplices, et leurs rigueurs excessives ne produisent aucun résultat heureux. Les chefs de l'église oublient d'ailleurs leurs plus saints devoirs, en ne veillant plus sur les peuples qui leur sont confiés. Le désordre s'introduit partout. Sous le nom de Renaissance, le polythéisme reparaît, non point avec ses croyances, mais avec sa littérature sensuelle, et avec tous les arts dépendans du dessin. Dans des palais ornés, comme le furent autrefois ceux des Césars, nos rois Franks oublient la sévérité des mœurs nationales; dans des temples, où, aux formes grandioses et majestueuses de l'art chrétien, on substitue les formes voluptueuses de l'art antique, la parole de Dieu est écoutée avec moins d'attention; les maximes de la morale éternelle sont moins goûtées par des auditeurs qui lisent avec avidité les poètes de l'Hellénie, de la Sicile et du Latium, et si les idées religieuses, imprimées dans les cœurs, n'en sont pas encore entièrement arrachées, elles doivent lutter désormais contre tous les systèmes nés sous l'influence du polythéisme, et aussi contre les raisonnemens captieux, les fausses interprétations des docteurs de la secte qui s'elève, et qui

grandit chaque jour, forte de l'absence, ou de la coupable incurie des défenseurs nés de la vérité catholique.

Le récit des événemens arrivés depuis l'introduction du luthéranisme, jusqu'aux premiers combats livrés entre les partisans de l'ancienne religion et ceux des nouvelles doctrines, remplit en grande partie le trente-huitième livre de cette histoire. On Ꭹ voit les premières tentatives des protestans contre l'autorité royale, et leur intolérance native, et leur acharnement contre les catholiques, et leurs attaques à main armée, et les représailles exercées contre eux, et quelques importans épisodes de cette guerre, sans cesse renouvelée, qui devait, pendant si long-temps, ensanglanter la

France.

Ici, nous devons rapporter une portion de l'Avertissement du vo volume de Dom Vaisette, passage qui fait connaître ce que le savant bénédictin a exécuté pour recueillir des matériaux dignes de confiance, afin de mieux raconter les événemens, qui, depuis l'an 1417 jusqu'à la mort de Louis XIII, arrivée en 1643, offrent le plus d'intérêt dans les annales du Languedoc. Cette portion de l'Avertissement de Dom Vaissete servira aussi au tome ix de notre édition ; tome qui contient les livres trente-neuvième, quarantième, quarante-unième, quarantedeuxième et quarante-troisième. Nous ajouterons quelques lignes à ce fragment de l'ouvrage du savant Bénédictin.

« Le morceau le plus important.de ce volume, est l'histoire des troubles et des guerres que les religionaires exciterent dans la province pendant près d'un siècle; guerre qui y fit couler encore plus de ruisseaux de sang, que dans tout le reste du royaume. Nous avons puisé dans les sources le récit de ces évenemens tragiques, comme tout le reste de notre Histoire ; et on peut voir aisément par nos citations, que nous n'avons pas manqué de matériaux. Outre les Auteurs du tems, dont les ouvrages sont imprimés, que nous avons consultés, et qui sont en fort grand nombre, nous avons fait usage de plusieurs autres ouvrages manuscrits, composés la plupart dans la province, dans le tems même des évenemens.

» L'un des plus considérables, est les Mémoires de Jacques Gaches, avocat en la chambre de l'édit de Castres, contenant une histoire

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