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régie par la loi du 11 brumaire an 7. Cette loi, après avoir obligé, par l'art. 51, les conservateurs des hypothèques à délivrer à toute personne l'état des inscriptions faites dans leur bureau; après les avoir, par l'art. 52, rendus responsables de l'omission qu'ils feraient, dans ces certificats, de l'une ou plusieurs des inscriptions requises, si ce n'est dans le cas où l'erreur proviendrait du défaut de désignation suffisante, ajoute (art. 53): Au moyen de la responsabilité prononcée par l'article précédent, l'immeuble à l'égard duquel le «< conservateur aurait omis une ou plusieurs des charges in« scrites en demeure affranchi dans les mains du nouveau « possesseur, pourvu qu'il ait requis ce certificat depuis la a transcription de l'acte de mutation, sauf néanmoins aux « créanciers le droit de faire colloquer leurs créances, sui< vant le rang qui leur appartient, tant que le prix n'a point « été payé au vendeur, ou que l'ordre et distribution n'a « point été fait entre les autres créanciers. »>

Ces dispositions se trouvent littéralement répétées dans les art. 2196, 2197 et 2198, du Code civil: ainsi, ce qui a été décidé s'applique infailliblement aux deux législations. >>

Dans le fait, le sieur Biers, créancier du sieur Dufour, de Perpignan, prit une inscription contre lui sur une maison qu'il avait acquise à Chaillot. Dufour vendit cet immeuble au sieur Hubert, qui, sans s'informer s'il existait des charges inscrites, lui paya le prix convenu. L'acquéreur ne fit transcrire son contrat que plusieurs années après. Le conservateur lui délivra l'état des inscriptions: celle du sieur Biers n'y fut pas comprise, parce qu'elle ne désignait pas le sieur Dufour sous tous ses prénoms. Le sieur Hubert ne lui fit conséquemment aucune notification. Instruit des formalités que ce dernier remplissait, le sieur Biers lui signifie copie de son inscription, et l'interpelle de rapporter au conservateur l'état imparfait, pour le réformer; il le somme en même temps de lui notifier son contrat comme aux autres créanciers, à défaut de quoi l'immeuble restera grevé de son hypothèque. Ces diligences étant infructueuses, il se fait délivrer, le 4 frimaire

an 9, un nouvel état des inscriptions, comprenant la sienne, · et le dénonce à Dufour, à Hubert et à tous les créanciers inscrits, en protestant d'exercer les droits qui lui appartiennent.

En effet, bientôt après, il requiert la surenchère. D'an autre côté, les créanciers personnels du sieur Hubert poursuivent l'expropriation du même immeuble. Une instance s'engage sur cette double procédure; et, le 12 pluviôse an 12, le tribunal civil de la Seine déclare Biers créancier hypothé caire régulièrement inscrit, et ordonne, en conséquence, que l'adjudication aura lieu sur sa poursuite.

Hubert et ses créanciers interjettent appel. La Cour de Paris infirme le jugement de première instance, en écartant la surenchère par une fin de non recevoir. La raison donnée est que, l'inscription du sieur Biers ayant été omise dans le premier certificat délivré à l'acquéreur par le conservateur des hypothèques, et le prix de l'immeuble grevé ayant été payé au vendeur, cet immeuble se trouve affranchi de l'affectation hypothécaire, sauf le recours du créancier contre le conservateur, s'il y'a lieu,

Pourvoi en cassation pour fausse application des articles précédemment rapportés de la loi du 11 brumaire an 7.

Le demandeur a dit : Quel a été le vœu de la loi en déclarant affranchi entre les mains du nouveau propriétaire l'immeuble grevé d'une inscription omise dans le certificat délivré par le conservateur des hypothèques? Elle ne s'est proposé autre chose que de protéger la bonne foi de l'acquéreur, que de le garantir des effets d'une omission qu'il lui était impossible de connaître et de réparer. C'est à cette bonne foi seule, et non au fait de l'omission elle-même, qu'est attaché l'affran· chissement de l'immeuble. Ainsi, l'acquéreur a-t-il payé le prix de la vente depuis la délivrance du certificat imparfait et avant de savoir qu'il était erroné? sa libération n'est pas douteuse; on ne peut exercer aucune action contre lui. Mais est-il encore débiteur du prix? alors l'hypothèque existe; le créancier omis. conserve tous ses droits. Dès que l'erreur est

connue,

le tiers détenteur rentre dans le même état que si elle n'avait point été commise. Tel est bien certainement l'esprit de la loi du 11 brumaire. Il en résulte que le paiement fait avant que le conservateur ait délivré le certificat ne peut aucunement être opposé aux créanciers dont l'inscription ne se trouve pas dans ce certificat. La raison en est simple : c'est qu'il y a, de la part de l'acquéreur, une imprudence que ne saurait excuser une omission future, qu'on ne devait pas prévoir. Ce moyen suffit sans doute pour démontrer que la Cour d'appel a mal à propos appliqué à l'espèce les art. 51, 52 et

53 de la loi citée.

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Du g nivóse an 14, ARRÊT de la Cour de cassation, section. des requêtes, M. Muraire président, M. Borel rapporteur, M. Pons avocat-général, M. Leblanc avocat, par lequel : « LA COUR, - Attendu que le certificat délivré le 25 brumaire an 9, par le conservateur des hypothèques, a rempli le vœu de l'art. 51 de la loi du 11 brumaire an 7; que, dès ce jour, l'acquéreur a pu procéder sur la foi de ce certificat; que dans cette position la Cour d'appel de Paris n'a point faussement appliqué les art. 51, 52 et 55, de ladite loi du 11 brumaire, en déterminant que les droits du demandeur ne pouvaient être plus étendus que ceux d'un créancier omis par le conservateur; REJETTE, etc. »

Nota. Voir, sur les effets de l'art. 2198, du Code civil, qui remplace l'article 53, de la loi de brumaire an 7, le Traité des Hypothèques de M. Grenier, tom. 2, pag. 319 et suivantes. D'après cet auteur, l'omission d'une inscription dans le certificat délivré à l'acquéreur, après la transcription, anéantit totalement l'hypothèque à l'égard de celui-ci, quelles que soient d'ailleurs les considérations qu'on puisse faire valoir. Il s'agit, dit-il, de la sûreté des acquéreurs, qui tient à l'ordre public.-Voir aussi le Répertoire de Jurisprudence, vo Transcription, §7, nos 12 et 13. M. Tarrible, auteur de l'article, pense que le créancier omis a néanmoins, et dans tous les cas, le droit de suren

chérir. M. Grenier combat fortement cette opinion : il invoque, à l'appui de son système, l'arrêt que nous venons de rapporter; mais cet arrêt n'est applicable qu'au cas où l'acquéreur a payé le prix de la vente, et non à celui où il en serait encore débiteur.

COUR DE CASSATION.

Peut-on poursuivre une action civile contre un accusé contumax? (Rés. aff.)

LES SIEURS ET DAME MAIRESSE, C. THIEULAINE. Les sieurs et dame Mairesse, acquittés par contumace d'une accusation de banqueroute frauduleuse, ont été, pendant l'instruction du procès, expropriés d'un immeuble sur la poursuite du sieur Thieulaine, l'un de leurs créanciers hypothécaires.

Ils ont interjeté appel du jugement d'adjudication, et ont prétendu que, pendant leur contumace, on n'avait pu diriger aucune action contre eux. Mais la Cour de Douai a rendu, le 27 messidor an 12, un arrêt confirmatif de la sentence d'adjudication, sur le fondement qu'il fallait distinguer le condamné par contumace et l'accusé contumax; que le premier, frappé de mort civile, est incapable de toute action, soit en demandant, soit en défendant; tandis que le second ne peut, il est vrai, exercer lui-même aucun droit en justice, mais n'en est pas moins susceptible d'être poursuivi et d'ester en jugement comme défendeur.

Pourvoi eu cassation pour violation de l'art. 464 du Code du 3 brumaire an 4.

Cet article, disait l'avocat des demandeurs, en prononçant le séquestre au profit de l'État, contre l'accusé contumax, paralyse entre ses mains la disposition de ses biens, dont il n'est plus, au moins momentanément, ni le possesseur, ni l'administrateur ; il ne peut les vendre et en toucher le prix, au préjudice de la mainmise du domaine national:

il ne peut donc en être exproprié. La contumace des sieur et dame Meiresse s'étant prolongée, sous les liens d'une ordonnance de prise de corps, jusque après l'adjudication de leur maison, ils ont été dans l'impuissance de se défendre ; leur créancier ne pouvait procéder régulièrement contre eux qu'en se donnant un contradicteur, et à eux un représentant, soit dans l'agent de la régie domaniale, soit dans la personne d'un curateur spécialement nommé. Il répugne à toute raison que celui qui a perdu tous les moyens de se faire entendre puisse devenir immédiatement et sans intermédiaire l'objet d'une action.

La distinction de la Cour d'appel de Douai est donc plus subtile que vraie. Les motifs qui ont fait interdire à l'accusé contumax toute provocation judiciaire s'appliquent nécessairement à la défense: la loi ne veut pas qu'au moment où il fuit les tribunaux criminels, il puisse être écouté activement et passivement dans le sanctuaire de la justice civile. Quel sera l'objet d'une demande de sa part? Ce sera ou d'acquérir des droits ou d'en recouvrer. Quel sera le but de sa défense? Ce sera de conserver, ou d'éviter le dommage dont le menace une prétention injuste. Dans l'un et l'autre cas, la parité de raison est exacte. Il ne doit pas plus être admis à paraître en jugement en défendant qu'en demandant, et la prohibition de l'action s'étend infailliblement à la défense comme aux autres actes de la vie civile. Le pouvoir de défendre suppose la faculté de compromettre, de transiger, d'aliéner, en un mot, la libre disposition de tous les droits civils; il ne présente pas plus d'inconvénient que l'action directe; il exige la même latitude de droits et de moyens : l'avoir décidé autrement, c'est avoir violé ouvertement l'article cité du Code du 3 brumaire an 4.

Du 10 nivóse an 14, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Muraire premier président, M. LigerVerdigny rapporteur, M. Giraud avocat-général, par lequel :

« LA COUR, -Considérant que la distinction faite par

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