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ces principes étaient d'autant mieux applicables à la cause, que la jouissance du fermier n'avait pas été interrompue, et que le bail avait reçu toute son exécution. Ainsi, sous ce premier rapport, la Cour de Dijon a violé une loi formelle. Mais il y a plus: son arrêt n'en serait pas moins sujet à cassation, lors même qu'on supposerait que la clause objet du procès a été stipulée dans l'intérêt de toutes les parties. En effet, d'après la loi 13, ff., de verborum obligationibus, aucun engagement n'est résolu de plein droit : il faut toujours s'adresser au juge pour faire déclarer que la condition résolutoire est accomplie, et que, conséquemment, l'acte qui en dépendait cesse d'exister. L'art. 1184 du Code civil prescrit la mème règle; et la généralité des termes dans les, quels ces dispositions législatives sont conçues ne permet pas de distinguer si la condition est potestative ou casuelle. La sanction de la justice est exigée dans tous les cas : autrement le contrat continue de subsister, et produit tous ses effets. Dans l'espèce, l'événement prévu est arrivé, dit-on; mais ici le fermier, ni la caution, ni le propriétaire, ne se sont présentés devant les tribunaux pour le faire constater :au contraire, le bail est allé jusqu'à sa fin sans aucune réclama tion. Ce n'est done qu'au mépris des lois citées qu'on a pu déclarer, après son exécution volontaire et complète, qu'il avait été anéanti par le fait seul de cet événement. -Le demandeur présentait encore un troisième moyen : il prétendait qu'au surplus la condition résolutoire ne s'était pas accomplie, que de fait le gouvernement n'était jamais rentré en possession des biens affermés, etc.

M. Daniels, avocat-général, a conclu au rejet du pourvoi. Du 25 fructidor an 15, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Muraire président, M. Boyer rapporteur, par lequel:

« LA COUR, — Sur le premier et le deuxième moyens ;Attendu que les clauses résolutoires ne sont soumises, pour leur exécution, à l'arbitrage du juge, que dans le cas où elles sont subordonnées au fait de l'une des parties contractantes;Que dans l'espèce la clause dépendait d'une loi d'où résultait

l'inutilité de l'intervention du juge pour constater l'échéance de la condition; - Que le Code civil ne prescrit le contraire que pour des cas étrangers à l'espèce; Attendu, sur le troisième moyen, que l'art. 1 de la loi du to frimaire an 2, révoquant les aliénations des domaines engagés, a fait écheoir l'événement prévu par le bail du 31 mai 1791;- REJETTE, etc.»

COUR DE CASSATION.

en

Une haie separant deux héritages peut-elle éire l'objet d'une action possessoire? (Rés. aff.) C. civ., art. 620. JARNAN, C. LA VEUVE MALQUIN

En l'an 12, le sieur Jarnan fait arracher une haie qui sépare son enclos d'un jardin appartenant à la veuve Malquin. Celle-ci, se prévalant de sa possession plus qu'annale, exerce une action en réintégrande devant le juge de paix de Barbe zieux. Le 20 floréal an 12, jugement qui accueille sa des mande. Jarnan interjette appel pour cause d'incompétence. Mais, sans égard à cette exception, le tribunal civil de Barbezieux confirme la décision attaquée, attendu qu'il ne s'agissait que d'une action possessoire, placée spécialement dans les attributions du juge de paix par l'art. 1o du titre 3 de la loi du 24 août 1790. 3

Pourvoi en cassation pour fausse application de cette loi, et viola tion de l'art. 620 du Code civil.

TOYS

Les haies, disait le demandeur, ne sont point comprises dans la catégorie des immeubles réels, ni assujetties aux mêmes règles. Le législateur les a confondues pour ainsi dire avec les servitudes, puisqu'il a placé dans le chapitre spécial aux servitudes les dispositions qui les Concernent. En les considérant sous ce point de vue il a pu les soumettre à des principes autres que ceux qui régissent les immeubles ordinaires, surtout relativement à la distinction du possessoire et du pétitoire, qui toujours donne lieu à des chicanes interminables.

Or c'est précisément ce qu'il a fait dans l'art. 670 du Code civil. Cet article répute mitoyenne toufe haie qui sépare des héritages, à moins qu'il n'y ait qu'un seul de ces héritages en

état de clôture, ou s'il n'y a titre ou possession suffisante au contraire. Ainsi, en matière de haie séparative, la loi nadmet que deux by pothèses: la mitoyenneté, ou la propriété exclusive fondée sur un titre, une clôture, ou sur une posses sion trentenaire. Mais chacune de ces hypothèses ne se conçilie qu'avec une action pétitoire : or les actions pétitoires, étant réelles, rentrent dans l'attribution des tribunaux de première instance. Le juge de paix était donc incompétent, puisque, par cette disposition, la loi de 1790 était implicitement abrogée.

Du 8 vendémiaire an 14, ARRÊT de la Cour de cassation, section des requêtes, M. Muraire premier président, M. d'Or trepont rapporteur, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Giraud, anocat-général; Attendu que, selon l'art. 670 du Code civil une haie mitoyenne peut se prescrire par une possession suf fisante; que conséquemment on peut posséder exclusivement une haie, et que celui qui jouit d'une telle possession peut, s'il y est troublé, agir en complainte; qu'ainsi le jugement attaqué, loin de violer la loi, s'y est parfaitement conforme REJETTE, etc. ».

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Nota. Voir l'art. 3 du Code de procédure, qui considère comme actions possessoires celles relatives aux usurpations de haies, fossés et autres clôtures. 1

ཆོ

COUR DE CASSATION:

Les émigrés éliminés ou amnistiés peuvent-ils opposer, en compensation des droits de mutation par décès doni its sont débiteurs, les créances qu'ils ont à exercer contre l'Etat, pour raison du prix de leurs biens vendus? (Rés. nég.)

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La Régie de l'ENREGISTREMENT, C. LEROI DE NEUVILLE. RÉGIE

Du 8 vendémiaire an, 14, ARRÊT, de la Cour de cassation, section civile, M. Kergès rapporteur, par lequel:

« LA COUR,

Sur les, conclusions de M. Jourde, avor cat-général ; —- Vu l'art, 3 de l'arrêté du gouvernement du

floréal an 11, et l'art. 4 de la loi du 22 frimaire an 7 ; onsidérant qu'il résulte uniquement de l'art. 3 dudit arrêté ue les créances s de l'Etat sur des individus éliminés ou amistiés sont éteintes par compensation lorsque lé trésor pulic a reçu, du prix des biens vendus, une somme égale au ontant de ces créances; Que les dispositions de cét arrêté e doivent pas être étendues au delà du principes de com-> ensation qu'elles ont consacré; Qu'on ne peut entendre s créances dont il est fait mention dans cet arrêté d'une maière différente dont on les entendrait à l'égard des particuers; Qu'il est évident, en effet, que le gouvernement a atendu compenser ce qui pourrait lui être dû, en vertu de ontrats ordinaires, avec ce qu'il aurait reçu du prix dès entes; - Qu'on ne peut, sans forcer les expressions de cet rrêté, étendre la compensation qu'il autorise à des droits 'enregistrement dus par décès; Que ees droits d'enregis ement forment un impôt indirect qui ne rentre pás dans la› lasse des créances ordinaires établies par les contrats synalagmatiques; Que ces droits sont assimilés, par leur desti-i ation, aux contributions directes; Que la compensation es créances sur le trésor public avec le montant des contriutions directes n'ayant jamais été admise, on ne peut non plus admettre à l'égard des contributions indirectes, dont la des-: ination est essentiellement la même; que, par conséquent, e jugement attaqué contient une fausse application de l'art. 5ludit arrêté, et une violation de l'art. 4 de la loi du 22 frinairean 7 CASSE, etc. »

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COUR DE CASSATION.

Lá Régie de l'enregistrement est-elle privilégiée pour les droits de mutation par décès? (Rés. aff.)

Les Créanciers du SIEUR LEPRÊTRE, C. LA RÉGIE DE L'ENRE

GISTREMENT.

Antoine Leprêtre décède, laissant une succession obérée. Le6 fructidor an g, le receveur de l'enregistrement décerne

contre ses héritiers bénéficiaires une contrainte en paiement de 2,400 fr. pour droits de mutation par décès, etle 17 vendémiaire suivant, il fait faire une saisie-arrêt entre les mains de deux locataires d'une maison dépendante de l'hérédité. L'un des créanciers du défunt avait aussi formé de semblables saisies. Ce concours de poursuites donne lieu à des difficultés entre les saisissans. Le receveur prétend avoir un privilége; le créancier lụi conteste ce droit.

Le 9 messidor an 10, jugement du tribunal civil de Lyon, qui adjuge les conclusions de la Régie, attendu que, suivant l'article 32 de la loi du 22 frimaire an 7, elle a un privilége pour le recouvrement des droits de mutation par elle réclamés.

Pourvoi en cassation pour fausse application de cet article.

Les priviléges, disait le demandeur, sont des exceptions au droit commun: conséquemment ils ne peuvent être étendus d'un cas à un autre ; ils doivent résulter d'une loi positive et formelle, et non pas d'une simple induction. L'art. 32 de la loi du 11 frimaire an 7 porte, il est vrai, que « l'Etat aura « action sur les revenus des biens à déclarer, en quelques a mains qu'ils se trouvent, pour le paiement des droits de mu« tation »; mais cet article accorde une action, et non un privilége, sur tous les eréanciers: si telle avait été l'intention du législateur, il se fût exprimé en termes positifs et formels, et de son silence il faut conclure qu'il n'a voulu donner à la Régie qu'un simple droit de concurrence.

La Régie répondait que l'art. 52 de la loi de frimaire an 7, rapproché de l'art. 15, établissait le droit de préférence que les premiers juges lui avaient accordé ; qu'en effet il résulte de l'art. 15 que le droit de mutation doit être calculé sur la valeur des biens, sans distinction des charges, et de l'art. 32, que la Régie peut en poursuivre le recouvrement sur les biens du défunt, en quelques mains qu'ils passent; que dès lors le privilége ne saurait être contesté, puisque les charges imposées par le défunt, les aliénations consenties par l'héritier, ne font aucun obstacle à l'exercice de l'action. Régie invoquait encore une décision du grand-juge, du 23

-La

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