Page images
PDF
EPUB

sidérable pour que le serment doive la compléter. C'est l'opi. nion de Dumoulin ( ad L. 3, Cod., de reb. cred.): Rationes ejus, quamvis non plenam probationem, nec omnino semiplenam inducant, tamen inferunt aliquam præsumptionem ex quá possit ei deferri juramentum, ita ut per se rationes probent.

Voyons quels sont les rapports de ces principes à l'espèce.

Le sieur Fessart, meunier à Margicourt, est en relation de commerce avec Pierre-Gérard Durand, marchand farinier à Pontoise; il y a entre eux un compte courant. Fessard vend des farines au sieur Durand, et lui en confie à vendre pour son compte, par commission. Il n'écrit rien ni de ce qu'il livre, ni de ce qu'il reçoit; quelques notes seulement et sa mémoire, voilà son journal. Durand, de son côté, ne tient pas des écritures bien exactes; cependant il rapporte une espèce de journal où se trouvent activement et passivement eonsignées toutes ses opérations commerciales avec Fessart.

Celui-ci forme contre Durand, au tribunal civil de Pontoise, à défaut de tribunal de commerce, une action en paiement de la somme de 1,649 liv. 4 s., dont il se prétend créancier, déduction faite des à-compte reçus. Durand se confesse débiteur de 905 liv. 4 s., d'après le compte qu'il fournit, ce qui offre une différence de 744 liv.

Les parties sont renvoyées devant un propriétaire de moulins, qui, faute de les concilier, doit donner son avis. Elles comparaissent devant lui. Le sieur Fessart ne produit rien à l'appui de ses prétentions: son adversaire présente un compte qu'il étaie de son journal.

L'arbitre rejette du compte un article de 144 liv., ayant pour cause une indemnité à raison de farines prétendues avariées; de manière qu'il ne reste plus entre les deux plaideurs qu'une différence de 600 liv. Cette somme est portée au compte du sieur Durand comme payée sous la date du thermidor an 12. Sur le journal, au contraire, le paiement est inscrit à la fin d'une page sous la date du 17 fructidor: c'est une remarque que l'arbitre, dans son avis, sou

£7

met aux juges. Elle les a frappés au point que, par leur jugement du 23 prairial an 13, ils ont condamné Durand au paiement de toute la somme demandée, à la charge par Fessart d'affirmer qu'elle lui est due.

Leurs motifs sont 1° que, si Durand avait payé les 600 liv. en question, l'objet était assez important pour en retirer quittance; 2° que Fessart, devant l'arbitre, n'avait point varié sur sa c'énégation d'avoir reçu cette somme, et sur l'impossibilité qu'elle eût été comptée à lui ou à son épouse, à l'époque indiquée par le compte.

Sur l'appel, le sieur Durand a prétendu que les juges de Pontoise n'avaient pu, sans violer la loi, déférer le serment à son adversaire. - Le sieur Fessard était demandeur, disait l'avocat de l'appelant : c'était à lui à justifier sa demande, et il ne rapporte aucune preuve de la créance qu'il réclame. Si le sieur Durand eût été de mauvaise for, it pouvait se renfer mer dans une dénégation générale, et sans difficulté il eût obtenu gain de cause. Sa probité lui a fait repousser ce moyen que la conscience désavoue : il a déclaré la vérité, et c'est dans sa confession seulement que le sieur Fessart a trouvé la preuve qui lui manquait. Mais cette confession est indivisible; il faut la prendre telle qu'elle est : on ne peut en admettre la partie favorable, pour rejeter celle qui est contraire. En même temps que le sieur Durand s'avoue redevable de 905 liv. 4 s., qu'il offre de payer; en même temps qu'il propose une déduction de 144 liv., déduction qu'on admet, il articule s'être libéré de 600 liv. par un versement effectif. Il ne reste donc la preuve que d'une dette de 1049 liv. 45., preuve résultante uniquement de la bonne foi du débiteur.Quant aux 600 liv., cette partie de la demande n'est pas soutenue du plus léger indice, du moindre adminicule: elle doit donc être rejetée. La méprise sur la date du paiement, qui n'est, dans le compte présenté, qu'une erreur de copiste; le défaut de concordance entre le journal et le compte; la constance de Fessart dans ses dénégations; l'invraisemblance du paiement à l'époque du 17 thermidor; toutes ces circonstan

ces ont-elles pu faire naître des doutes parmi les juges de Pontoise, et les déterminer à les disssiper par le serment? Alors c'était à celui du sieur Durand qu'ils devaient s'en rapporter, dès qu'il était défendeur, et que le demandeur n'avait tout au plus en sa faveur que de légères présomptions. D'ailleurs, le serment ne pouvait être déféré qu'à lui, tant à raison de sa bonne foi, qui le rendait digne de la confiance de la justice, qu'à raison des preuves qu'il rapportait à l'appui de son allégation. Quelque critique qu'on pût se permettre sur la forme de son journal, sur la place qu'y occupait l'inscription du versement des 600 liv., le sieur Durand prouvait toujours plus que son adversaire, qui ne justifiait de rien. Il avait l'avantage de rendre vraisemblable au moins une allégation vraie, qui n'avait besoin, pour être accueillie, que d'être proposée, puisque encore une fois il était défendeur.

Le sieur Fessart s'est attaché principalement aux faits recueillis comme motic par les juges de Pontoise; il ajoutait que le sieur Durand, proposant une déduction dans un compte établi, dont la recette n'était point contestée, devait justifier cette exception; qu'en cette partie il était demandeur, suivant la maxime Reus excipiendo fit actor; que, les preuves rapportées par lui étant insuffisantes, c'était l'affirmation du demandeur, dont la réclamation se trouvait établie, qui seule pouvait être désirée.

[ocr errors]

Du 12 fructidor an 13, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, deuxième chambre, M. Blondel président, MM. SaintAmand et Delavigne avocats, par lequel :

[ocr errors]

« LA COUR, Attendu que la partie de Delavigne (le sieur Fessard) n'a d'autre titre pour réclamer la créance dont il s'agit que la confession de la partie de Saint-Amand (le sieur Durand), et qu'en matière civile, la confession ne peut pas se diviser; d'où il snit que celle qui a été faite dans l'espèce, par la partie de Saint-Amand, était en effet indivisible, et que les premiers juges ne devaient pas, sur le fondement de la division, déférer le serment litis-décisoire à la

-

partie de Delavigne, qui était demanderesse, tandis que d'ailleurs il ne s'élevait aucun soupçon de fraude ni de mauvaise foi contre la partie de Saint-Amand; A Mis et MET l'appellation et ce dont est appel au néant, en ce que le jugement dont est appel a condamné la partie de Saint-Amand à payer la somme de 600 fr. dont il s'agit; - Emendant, décharge ladite partie de Saint-Amand des condamnations contre elle prononcées à cet égard; Au principal, déboute la partie de Delavigne de sa demande en paiement de ladite somme de 600 fr., en affirmant néanmoins par la partie de SaintAmand, en personne, à l'audience de la Cour, qu'elle a payé ladite somme de 600 fr.; le jugement dont est appel sortissant, au résidu, son plein et entier effet. »

--

COUR D'APPEL DE BORDEAUX:

L'acte par lequel un enfant de famille, voulant se marier, a fait à ses père et mère une sommation de lui donner le conseil mentionné dans l'art. 151 du Code civil, est-il censé irrespectueux, et conséquemment nul? (Rés. aff.) La copie de cet acte doit-elle étre revêtue de la signature du notaire et de celle de l'enfant? (Rés. aff.)

La notification par un notaire et deux témoins, prescrite par l'art. 154 du Code civil, emporte-t-elle la nécessité de la signature des témoins? (Rés. aff.)

La demande en mainlevée d'opposition à fin de mariage est-elle, comme toute action principale, soumise à l'épreuve de la conciliation? (Rés. aff.)

LA DEMOISELLE ROSALIE P...., C. SON PÈRE.

En accordant aux enfans qui ont atteint l'âge fixé par l'art. 148 du Code le droit de se marier contre la volonté même des auteurs de leurs jours, le législateur les a soumis à une formalité qui concilie à la fois les droits de la nature et ceux de la société.

Sous le premier rapport, l'homme devenu citoyen et af

I

franchi, par son âge et son expérience, de la puissance paternelle, n'en reste pas moins sous le joug que la morale et les convenances sociales lui imposent: c'est donc sur ces deux rapports que le législateur devait fixer son attention et faire reposer sa sollicitude. Il a ordonné, en conséquence, qu'à l'instar de l'usage religieusement observé en pareil cas sous la monarchie, l'enfant de famille fût obligé de faire un acte respectueux aux parens qui refusaient de souscrire à son union

Mais en quoi consiste un acte de cette espèce? Sa rédaction comporte-t-elle un choix d'expressions tel que l'emploi de toutes autres pourrait en compromettre l'efficacité?

Un acte respectueux, pour mériter cette dénomination, ne doit avoir, dans son contexte, rien de ce qui est incompatible avec le sentiment révérentiel dont il est l'essence et le fondement: c'est la raison seule qui l'inspire. Ainsi, une locution peu mesurée, une injonction déplacée, en dénaturant le rapport qui existe du fils au père, détruit la naturé même de l'acte voulu par la loi; il cesse d'être respectueux, et, par cela seul, il est nul.

C'est l'effet que produit naturellement tout acte dans lequel, au lieu de se borner à la demande du conseil désigné par l'art. 151, on requiert et somme le père ou la mère de donner son consentement.

La raison et les convenances sont blessées par ce langage: la raison, parce qu'il est de la nature du consentement d'être libre et volontaire, et qu'une sommation ou une injonction de le donner ne suppose jamais cette liberté; les convenances, น parce que, comme nous le disions, les rapports de dépendance sont entièrement méconnus, et qu'on n'y trouve point cette teinte révérentielle sans laquelle il ne peut y avoir d'acte respectueux. Et, bien que la loi n'ait point introduit de formule particulière à cet égard, il suffit du simple bon sens et des inspirations du cœur dans cette conjoncture pour ne pas se méprendre sur la rédaction d'un pareil acte.

« PreviousContinue »