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charité peut-il être acquitté par l'héritier en rentes sur l'Etat? (Rés. nég.)

POURVOI DU MINISTÈRE PUblic.

Par son testament du 5 octobre 1785, la dame Gallien charge le sieur Capelle, son héritier institué, d'un legs de 80,000 fr. en faveur des pauvres de l'OEuvre de miséricorde de la ville d'Aurillac. Depuis 1789, époque du décès de la testatrice, jusqu'en l'an 7, on ne fit aucune démarche pour obtenir la délivrance du legs. Mais alors le bureau de bienfaisance, substitué par la loi du 7 frimaire an 5 à l'établissement de l'OEuvre de miséricorde, s'est pourvu contre le sieur Capelle. Un arrêté du gouvernement, du 18 messidor an 10, avait même autorisé l'acceptation de ce legs et ordonné l'emploi des 80,000 fr. en acquisition de rentes sur l'Etat.

Cependant le sieur Capelle conteste et soutient le legs nul, ou tout au moins réductible. Un jugement du 20 floréal an 11 lui adjuge ses conclusions, et déclare en conséquence les administrateurs du bureau de bienfaisance non recevables dans leur demande.

Ceux-ci interjettent appel. L'intimé persiste dans ses moyens de nullité; mais subsidiairement il soutient que dans tous les cas il doit être admis à payer en rentes sur l'Etat.

Le 27 messidor an 12, arrêt par lequel la Cour d'appel de Riom réforme le jugement de première instance, dans la disposition qui déclare le legs nul; ordonne en conséquence son exécution; mais faisant droit sur les conclusions subsidiaires de l'intimé, et « attendu qu'en vertu des lois qui avaient eu lieu au temps de l'ouverture de la succession, l'héritier avait le droit de l'acquitter, en offrant des capitaux de rentes sur l'Etat; que c'est aussi en cette espèce de rentès que doit être convérti le montant du legs, aux termes de l'arrêté du gouvernement du 18 messidor an 10, et que l'héritier doit être maintenu dans le droit de faire lui-même cette conversion ». Le même arrêt autorise le sieur Capelle à se libérer en rentes sur l'Etat.

La cassation de cet arrêt a été requise d'office par M. le procureur-général, pour violation des lois romaines sur le paiement des legs, pour fausse application de l'édit du mois d'août 1749, et de la déclaration du roi, du 26 mai 1774, purement relatifs aux legs faits aux établissemens de charité en rentes foncières ou constituées.

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Le 8 fructidor an 13, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, au rapport de M. Bailly, par lequel :

« LA COUR, Vu l'art. 18 de l'édit du mois d'août 1749; les art. 8, 9, 10, 11, 12 et 13, de la déclaration du roi, du 26 mai 1774; la loi 11, ff., § 17, n° 3, de legatis ; la loi 12, au même titre, § 2, no 2, et la loi 71 aussi du même titre, § 54; Considérant que le legs porté au testament de la dame veuve Gallien, du 5 octobre 1785, au profit des pauvres de l'OEuvre de miséricorde de la ville d'Aurillac, était d'une somme fixe de 80,000 fr., qui, d'après les lois romaines qui viennent d'être rappelées, ne devait être payée qu'en numeraire; qu'aucune loi n'a autorisé le débiteur d'un legs en argent à s'en libérer en rentes sur l'Etat; que les lois françaises ci-dessus énoncées n'ont eu pour objet que des donations ou legs faits aux établissemens de charité, en rentes foncières ou constituées sur PARTICULIERS, en biens-fonds et en immeubles quelconques; d'où il suit que le sieur Capelle, neveu et héritier de la veuve Gallien, n'était point fondé à s'en prévaloir pour payer en rentes sur l'Etat un legs purement mobilier; et que la Cour d'appel ne pouvait en exciper, pour lui transporter l'avantage que le bureau de bienfaisance avait à espérer de l'emploi des 80,000 fr. argent, eu acquisition de rentes sur l'Etat, ainsi qu'il y était autorisé par l'arrêté du gouvernement, du 18 messidor an 10;CASSE et ANNULLE dans l'intérêt de la loi, et sans préjudice de la transaction résultante de l'acquiescement du bureau de bienfaisance d'Aurillac, l'arrêt du 27 messidor au 12, taut pour fausse application desdits articles de l'édit du mois d'août 1749 et de la déclaration du 26 mai 1774, que pour contravention aux lois romaines ci-dessus indiquées, qui veu

ent qu'un legs ne puisse être acquitté que par la prestation éelle et effective de la chose même qui a été léguée, lors nême que le testateur n'a pas laissé en nature la somme qui st l'objet du legs.

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COUR D'APPEL DE PARIS.

Peut-on attaquer l'état civil d'une personne, après son décès ?

Et particulièrement, l'époux contre lequel le divorce a été prononcé pour cause d absence est-il recevable à l'attaquer de nullité après la mort de l'autre époux, qui avait contracté un nouveau mariage ?( Rés. aff. )

Un mariage déclaré nul produit-il les effets civils à l'égard de l'époux non convaincu de mauvaise foi? (Rés. aff. ) LA DAME DUFAY DE PROVENCHÈRE, C. LA DAME Grandelle.

En 1771, le sieur Blanchard de Pégon épousa la demoi-, selle Dominé Dufay de Provenchère. Ce mariage fut longtemps heureux. En 1790, des revers de fortune obligèrent les époux à se séparer. Pour éviter les poursuites de ses créanciers, Blanchard se réfugia successivement à Liége, à Paris, et enfin à Bruxelles, où l'appelait une place importante. La dame Blanchard, retirée à Vitry-le-Français, attendait, au sein de sa famille, des événemens plus heureux; mais, pendant ce long période de vicissitudes et de malheurs, une multiplicité de lettres, respectivement écrites et répondues, signalaient la tendresse des deux époux, et le besoin, vivement senti de part et d'autre, de se réunir au plus tôt.

Telle était leur situation vers la fin de l'an 4; mais la scène change tout à coup : l'horizon s'obscurcit; Blanchard propose brusquement à son épouse un divorce par consentement mutuel. Sur le refus de celle-ci, il vient à Paris, et, mettant à profit le séjour qu'il y avait fait anciennement, il fait constater, par un acte de notoriété signé de deux témoins, « que la demoiselle Dominé, femme Blanchard, a quitté, depuis

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aux fins de non recevoir proposées par la partie de Balmain, dont elle est déboutée, déclare lesdits actes de divorce et de mariage nuls et de nul effet; ordonne qu'ils seront biffés de tous registrés de l'état civil, et qu'en marge d'iceux il sera fait mention du présent arrêt; Et néanmoins, attendu qu'il n'est pas justifié que la partie de Balmain ait été de mauvaise foi en contractant mariage avec ledit feu Blauchard, après le divorce de celui-ci, ordonne qu'au résidu des dispositions du jugement dont est appel, relativement à l'exécution du contrat de mariage passé entre ledit feu Blanchard et ladite partie de Balmain, ledit jugement sortira son plein et entier effet. »>

COUR D'APPEL D'AMIENS.

L'assemblée de famille composée de plus de six parens ou alliés délibérans est-elle nulle? (Rés. aff.)

CHARMOLUE, C. CORRÉ.

D'après l'art. 407 du Code civil, le conseil de famille se compose de six parens ou alliés. Les frères germains, les maris des sœurs germaines, les ascendans et les veuves d'ascendans, sont seuls exceptés de cette limitation de nombre. En conséquence, l'art. 410 prescrit au juge de paix de réduire à six les parens et alliés convoqués. Dans l'esprit et le vœu du Code, le nombre de six est donc de rigueur, sans qu'il soit permis, sous aucun prétexte, de l'outrepasser, si ce n'est dans le cas particulier qu'il a prévu; et l'importance que le législateur attache à cette fixation doit faire regarder comme infectée de nullité la délibération de famille prise par des parens ou amis plus nombreux.

Ainsi l'a jugé la Cour d'appel d'Amiens dans l'espèce sui

vante.

Le sieur Corré avait été nommé subrogé tuteur de la demoiselle Hatté, par une délibération du conseil de famille, prise le 14 germinal an 15, par six parens et un ami. - Le

sieur Charmoluc, tuteur de la mineure, avait été autorisé à faire vendre les meubles de celle-ci, à l'exception des livres. Le subrogé tuteur obtint une délibération contraire.

Il s'agissait de savoir si elle devait être exécutée. Le tribunal de première instance, sur la demande du sieur Charmolue, la déclara nulle et de nul effet. Mais sur l'appel, la contestation a changé de face. La Cour a cru devoir porter son examen sur la délibération qui avait nommé le subrogé tuteur, et la trouvant irrégulière, en ce qué plus de six personnes y avaient concouru, elle en a prononcé d'office la nullité.

Voici le texte de son ARRÊT, rendu le 11 fructidor an 15, deuxième chambre:

« LA COUR, - Vu les art. 407 et 410 du Code;-Considérant que le conseil de famille du 14 germinal a été composé de six parens et un ami; que par conséquent il a excédé le nombre fixé par l'art. 407, et que l'art. 410 défend d'outrepasser; qu'ainsi, ledit conseil a nullement opéré, et que cette nullité frappe tout ce qui en est résulté; DÉCLARE nuls et de nul effet, tant l'assemblée du conseil de famille, du 14 germinal dernier, que tout ce qui s'en est suivi. »

COUR DE CASSATION.

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L'antidate que fait sur son registre un courtier ou agent de change, pour valider une opération déclarée nulle par la loi, constitue-t-elle un faux dont la recherche soit de la compétence des Cours spéciales? (Rés. aff.)

MASENCAL, CAMBON, LASTRAPE et Laplêne.

Les sieurs Lastrape et Lapléne, négocians de Bordeaux, font faillite le 21 prairial an 13. Leurs créanciers, croyant s'apercevoir qu'une partie considérable de vins a été livrée à un sieur Cambón, l'un d'eux, en fraude de la masse com→ mune, et dans les dix jours qui avaient précédé la faillite, attaquent la validité du bail en paiement. Les faillis et Cam bon, au contraire, soutiennent l'opération valable, et ils s'apTome VI.

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