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de voiture qui accompagnait la malle ne contenait pas une description détaillée des objets qu'elle renfermait, ses offres de payer au sieur Girard la somme de 150 fr., conformément à la loi du 24 juillet 1793, fussent déclarées valables et suffisantes.

Le 30 brumaire an 15, jugement ainsi conçu :

« Vu la lettre de voiture adressée de Strasbourg au sieur * Dubois, le deuxième jour complémentaire de l'an 11, pour la faire passer à Angers; et attendu que cette lettre désigne « seulement une malle contenant linge et hardes, et qu'elle «ne contient point la désignation des objets y contenus et « leur valeur, et qu'en ce cas les commissionnaires de roulage ne sont tenus, conformément aux lois, qu'à une in«<demnité de 150 fr., lorsque l'objet se trouve perdu; en conséquence, le tribunal condamne le défendeur à payer, << suivant ses offres, au demandeur, la somme de 150 fr.,

«

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etc.>>

Girard interjette appel. La loi du 24 juillet 1793, a-t-il dit, est exclusivement relative aux messageries royales : c'est une loi d'exception, qui, conséquemment, ne peut s'é~ tendre au delà des cas prévus par le législateur: elle n'est donc point applicable à l'espèce où il s'agit d'une entreprise particulière de roulage. Tout commissionnaire se constitue le mandataire salarié de ceux qui l'emploient; il devient le dépositaire nécessaire des objets qui lui sont confiés; et sous ces deux rapports, il est responsable de la perte et des avaries desdits effets. Voilà le principe général de cette matière, principe reproduit dans les articles 1782 et suivans du Code civil, qui ne prescrivent nulle part la nécessité d'une désignation numérique des objets, presque toujours impraticable, et qui compromettrait souvent les intérêts des particuliers et la sûreté du commerce. Il faut donc que le commissionnaire représente les effets qui lui ont été remis, ou qu'en cas de perte, il suive la foi du propriétaire, parce qu'il n'est pas juste que celui-ci devienne la victime de l'insouciance d'un autre. Le sieur Dubois n'a aucune exception valable à opposer, parce que, jusqu'à la preuve de la force majeure, la

perte des effets en question est nécessairement le résultat présumé de sa négligence, du désordre qui règne dans ses magasins, puisque, de son propre aveu, la malle en est disparue, sans qu'il sache comment et par qui elle a été enlevée ; que dès lors il doit imputer à lui seul cet événement.

Dubois, reproduisant les moyens adoptés par les premiers juges, concluait à la confirmation du jugement attaqué. Du er germinal an 13, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris, plaidans MM. Saint-Amand et Delavigne, par lequel : « LA COUR, Attendu que les commissionnaires de roulage sont responsables de tous les accidens, pertes et vols qui arrivent aux effets qui leur sont confiés, par leur faute ou négligence, ou par celle de leurs préposés; - Attendu que les commissionnaires de roulage, et tous autres établis semens particuliers, ne peuvent invoquer l'exception introduite en faveur des postes et messageries royales; - Attendu que Dubois å reconnu que Girard avait déclaré que la malle en question était remplie de linges et hardes, et que le poids de cette malle était de 179 liv. ;- Attendu que ledit Dubois a pareillement reconnu que ladite malle avait été égarée dans ses magasins, perdue chez lui, et qu'il a offert de s'en rapporter à l'estimation d'un arbitre sur la valeur des objets que la malle renfermait, et ce, suivant l'état qui serait représenté par Girard; - MET l'appellation, et ce dont est appel au néant; émendant, décharge Girard des condamnations contre lui prononcées; au principal, condamne Dubois, et par corps, à payer audit Girard la somme de 2781 fr. 50 cent., pour valeur de ladite malle et des effets y contenus, etc. »

Nota. Voir, sur la responsabilité des commissionnaires de roulage et entrepreneurs de voitures publiques, l'édit de 1576; un arrêt du conseil, du 26 juin 1678; le règlement, du Châtelet, du 18 juin 1681; Jousse, sur l'art. 2, tit. 20, de l'ordonnance de 1667.

Voir aussi divers arrêts rendus dans le même sens que le.

précédent par la Cour de cassation, et rapportés tom. 1o de ce recueil, pag. 290 et 292.

Il résulte de cette jurisprudence que les entrepreneurs de voitures publiques sont non seulement responsables de la perte des effets qui leur sont confiés, mais encore tenus d'en` rembourser la valeur intégrale au propriétaire, sans pouvoir invoquer l'exception introduite en faveur des messageries royales, qui, à défaut de description détaillée des effets, ne sont passibles que d'une indemnité de 150 fr.

COUR D'APPEL DE PARIS.

Les mémoires, requêtes et autres écritures, signifiés par le poursuivant, pour parvenir à l'ordre, doivent-ils entrer en taxe et étre acquittés par privilége? (Rés. nég.) Le créancier hypothécaire, en cas de vente de l'immeuble qui lui est affecté, est-il fondé à réclamer la représentation, non seulement du prix énoncé au contrat, mais encore du supplément de prix stipulé par une contre-lettre? (Rés. aff.)

Le créancier peut-il, pour réclamer ce supplément de prix, se servir de la preuve qui résulte à cet égard de la contrelettre, quoique la loi sur l'enregistrement en prononce la nullité? (Rés. aff.)

GUYOT-MOUTON ET HOUVEAUX, C. GUERRE, GRANDIN

ET DELON.

Par contrat notarié du 19 messidor an 5, Weuzel vendit au sieur Guerre une maison sise à Paris, rue de l'Echiquier, moyennant la somme de 230,000 liv., sur laquelle celle de 190,000 liv. est déleguée à divers créanciers.

Le 16 prairial an 6, Guerre revend la même maison aux sieurs Grandin et Delon. Le prix porté au contrat est de 250,000 liv. Les acquéreurs sont, en outre, tenus de faire compte aux différens locataires des loyers payés d'avance au vendeur, jusqu'à concurrence de 40,000 liv. Mais outre le prix stipulé au contrat, il paraît qu'il a été souscrit au même

instant par les parties une contre-lettre sous seing privé, dans laquelle le fondé de pouvoir de Guerre, vendeur, déclare que le véritable prix de la vente faite à Grandin et Delon est de 300,000 liv. ; que ceux-ci lui ont payé les 50,000 liv. d'excédant, et qu'il les en acquitte et décharge; en conséquence, il s'engage, en cas d'éviction ou de tout autre trouble, de leur restituer, outre le prix porté au contrat, les 50,000 livres formant le supplément de ce prix. Un sieur Rondot, caution de Guerre, vendeur, intervient aussi dans la contre-lettre, fait la même déclaration, et se rend garant de ce supplément de prix, comme il l'était déjà du prix principal énoncé au

contrat.

Quoi qu'il en soit, Graudin et Delon obtiennent des lettres de ratification scellées, à la charge d'un grand nombre d'oppositions, notamment de celles de Giraud, comme constructeur, et de Houveaux, en sa qualité de précédent propriétaire de la maison, et tous deux créanciers privilégiés.

Dans cet état de choses, un sieur Guyot-Mouton, au nom et comme cessionuaire de Giraud, poursuit l'ordre et la distribution du prix de l'immeuble au tribunal civil de la Seine.

Un premier jugement, du 14 fructidor an 9, ordonne qu'il sera procédé à l'ordre devant un juge cominis à cet effet.

Dans la discussion qui eut lieu à ce sujet, Guyot-Mouton et Houveaux, qui avaient appris l'existence de la contrelettre, soutinrent que les sieurs Grandin et Delon ne devaient pas seulement la représentation des 250,000 liv. exprimées au contrat du 16 prairial an 6, mais encore des 50,000 liv. stipulées dans la 'contre-lettre susdatée, contre-lettre dont l'objet évident avait été, de la part de Guerre, de soustraire à ses créanciers une partie de leur gage.

Grandin, interrogé sur faits et articles, avoue l'existence de la contre-lettre. Delon, moins sincère, cherche à expliquer différemment la cause de cet acte clandestin. Mais de ses tergiversations mêmes résulte la preuve qu'il existe.

Le 5 thermidor an 10, jugement définitif qui donne acte

à Grandin et Delon de la déclaration faite par Jean Guerre qu'il entendait prendre leur fait et cause, «En conséquence', en ce qui concerne la demande formée par Guyot-Motiton et Houveaux, à fin de rapport des 300,000 liv., pour prix de la maison dont il s'agit; - Attendu 1° que l'obligation imposée à Grandin et Delon, acquéreurs, de supporter toute anticipation de loyers, ne doit être considérée que comme charge de la vente, et non comme partie du prix; — 2o Qu'il ne résulte point des réponses de Grandin et Delon à leurs interrogatoires sur faits et articles que le prix réel de la vente eût été de 300,000 liv.; - 36 Que, par le sceau des lettres de ratification, du 5 brumaire an 7, sans surenchère, le prix conventionnel porté au contrat de Grandin et Delon, du 16 prairial an 6, est demeuré définitifà l'égard des créanciers; Ordonne que le prix à distribuer, et dont le rapport doit être fait par Grandin et Delon, est et demeure fixé, suivant leurs offres, à la somme de 250,000 livres, etc.;

« En conséquence des dispositions ci-dessus, le tribunal a colloqué 1o Guyot-Mouton, pour ses frais de poursuite d'après la taxe, dans laquelle n'entreront les mémoires et requêtes signifiés que pour la partie des conclusions seulement, etc., etc.»>

Sur l'appel, Guyot-Mouton attaque d'abord la dernière disposition de ce jugement, qui rejette de la taxe et de la collocation les mémoires et requêtes par lui signifiés en sa qualité de poursuivant l'ordre,

Dans une affaire, disait-il, aussi immense par le nombre des créanciers opposans que par la diversité de leurs intérêts et de leurs prétentions, il eût été impossible de faire pénétrer la lumière et de parvenir à connaître le droit de chaque créancier, à l'aide d'une instruction sommaire. On ne pouvait arriver à ces résultats que par une discussion approfondie, que par des mémoires, des défenses écrites, et non par de simples conclusions, qui, pour l'intelligence même des moyens, doivent toujours être très-précisées, très-analysées. On ne serait pas fondé à exciper de la loi du 11 brumaire

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