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COUR D'APPEL DE METZ.

Les chemins vicinaux appartiennent-ils aux communes sur le territoire desquelles ils passent, à l'exclusion du domaine public? ( Rés. aff. ) Cod. civ., art. 558.

Cette question a été agitée entre la commune de Vouziers et le nommé Lefebvre, comme usurpateur d'un chemin vieinal.

Un jugement du tribunal de Vouziers, du 21 ventôse, permettait à la commune de faire preuve du fait que, depuis plus de trente ans, le chemin qu'elle réclamait était vicinal et servait au public.

Sur l'appel, le sieur Lefebvre la soutenait non recevable dans son action, en ce que, les chemins vicinaux étant du domaine public, c'est aux préfets seuls qu'appartient le droit de poursuivre la réparation des atteintes portées à cette propriété nationale.

que

Voici comment il raisonnait pour établir sa proposition., Dans l'ancien régime, les chemins vicinaux,, ainsi la voirie, étaient des dépendances de la haute justice. Lors de la suppression des justices seigneuriales, tous les attributs de la féodalité étant passés au domaine national, les chemins vicinaux sont devenus dès ce moment une de ses propriétés. Ce raisonnement est une conséquence naturelle de l'art. 1er de la loi du 26 juillet 1790, qui porte : « Le régime féodal et la justice seigneuriale étant abolis, nul ne pourra dorénavant, à l'un ou à l'autre de ces deux titres, prétendre à aucun droit de propriété ni de voirie sur les chemins publics, rues, etc. >>

Ce qui n'appartient plus ni aux seigneurs féodaux qui eu étaient investis, ni à personne en particulier, et sert à l'usage de tous, ne peut être qu'une propriété de l'Etat, à moins qu'une loi particulière n'en ait fait une attribution communale; ce qui n'est pas.

Le Code civil a-t-il apporté quelque modification aux principes de cette législation transitoire ? Non: il les a tous adoptés et confirmés. En effet, on lit dans l'art. 538 : « Les chemins, routes et rues, à la charge de l'Etat, les fleuves et rivières navigables ou flottables, les rivages, etc., et généralement toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles d'une propriété privée, sont considéré's comme des dépendances du domaine public. » Cette disposition est générale, et n'admet point de distinction. Tout ce qui du territoire national n'est pas susceptible d'une propriété privée appartient à l'Etat. Or les chemins vicinaux ne sont pas susceptibles d'une propriété privée; tous en ont l'usage, et personne n'en peut faire sa chose exclusivement : ils sont donc, d'après le principe qu'établit l'article cité, une dépendance du domaine de l'Etat. C'est donc au gouvernement seul, s'il y a entreprise sur la voie publique, usurpation` du domaine national,à poursuivre la réparation de cette espèce de délit, à la diligence du préfet des lieux, qui a seul caractère et mission pour revendiquer : ainsi la fin de non recevoir proposée est établie.

La commune répondait qu'avant la publication du Cotle, les chemins vicinaux n'étaient point regardés comme propriété nationale, proposition dont il n'est pas permis de douter. En rapprochant les lois de 1790, 1791, 1792 et 1795, rendues sur cette matière, on y voit que les rues, places et chemins publics, à l'usage des communes, sont un bien communal qui leur est attribué exclusivement. Voilà pourquoi la loi du 11 frimaire an 7, et un grand nombre d'arrêtés du Conseil, les ont chargées de leur entretien, suivant la maxime Qui sentit commodum debet incommodum sentire.

Tel était le dernier état de la législation, lorsque le Code civil a paru. La discussion au Conseil, qui en a précédé le projet, suppose cet état comme constant; ce qui résulte des observations de MM. Regnault, Treilhard et Tronchet, consiguées au procès verbal.

D'abord. l'art. 558 était proposé en ces termes : « Les che

les rues

mins publics, les rues et places publiques, etc., sont considérés comme des dépendances du domaine public. » Cette rédaction déclarait tous les chemins sans distinction, et places publiques, propriétés nationales. C'est à cette occasion que les personnages dont on vient de parler revendiquérent les droits acquis aux communes sur les chemins vicinaux, les rues et places publiques, par lesquels ne passaient pas de grandes routes. Le moyen de distinguer celles de ces voies publiques qui appartenaient à l'Etat où aux communes sortait naturellement de l'obligation de les entretenir. La réflexion qu'en fit M. Regnault fut saisie, et l'art. 538 fut modifié tel qu'on le trouve dans le Code. Le sens qu'il présente est qu'il ne faut regarder comme propriétés publiques que les chemius, routes et rues, à la charge de l'État; que toutes les autres routes, rues et voies publiques, à la charge des communes, sont propriétés communales.

Cette interprétation, donnée par les rédacteurs mêmes du Code, ne souffre point de contradiction, et ne laisse aucune prise à l'équivoque. Il faut donc tenir pour certain que les chemins vicinaux sont du domaine particulier des communes; qu'à ce titre, celle de Vouziers a pu, par l'entremise de son maire, s'élever contre l'entreprise que le sieur Lefebvre s'est permise sur une voie publique de son territoire, et que son action, autorisée dans la forme légale, est recevable. Du 28 thermidor an 13, ARRÊT de la Cour d'appel de Metz, par lequel:

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« LA COUR, Considérant que le Code civil, promulgué antérieurement au nouveau système embrassé par l'appelant, a des dispositions qui expliquent d'une manière positive quels sont les chemins que l'on doit envisager comme des dépendances du domaine public; Considérant que l'art. 538 lève tous les doutes qu'aurait pu présenter la loi de 1790; qu'il n'y a en effet, d'après cet article, que les chemins, routes et rues, à la charge de la nation, et autres objets qu'il déterminent, qui doivent être considérés comme des dépendances du domaine public : les chemins vicinaux à

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la charge des communes sont donc exceptés; que, la difficulté portant sur une usurpation prétendue de la largeur, d'un chemin, vis-à-vis la propriété de l'appelant, le maire de Vouziers a le droit incontestable et qualité pour réclamer par les voies judiciaires; que tout particulier pourrait même le faire, si l'usage de ce chemin lui était nécessaire pour aller sur ses propriétés, ou pour toute autre communication relative à l'effet d'en user et profiter; Sans s'arrêter à la fin de non recevoir proposée, MET l'appellation au néant, avec amendes et dépens.

D

COUR DE CASSATION.

Dans l'ancienne jurisprudence, les libéralité's entre concubins libres étaient-elles autorisées, surtout quand elles n'étaient point excessives? (Rés. aff.)

LES HÉRITIERS D'HEUDICOURT, C. La demoiselle HALLATE. En 1 1790, la demoiselle Victoire Hallate accouche d'un enfant qui fut baptisé sous le nom de Victor-Henri, sans désignation de père.

Le 2 floréal an 10, le sieur d'Heudicourt, ci-devant chevalier de Sinceny, fait un testament, dans lequel il s'exprime

en ces termes :

Je donne et lègue à Victoire Hallate, fille majeure, de« meurante avec moi depuis nombre d'années, en toute pro« priété, ma maison de Sémilly, et tout ce qui en dépend. « Je lui donne également tous les biens par moi acquis de« puis le jour de mon acquisition de ma maison de Sémilly, « et tous les meubles meublans de ladite maison, à l'excepa tion de l'argenterie et des tableaux. »

Enfin, le 30 du même mois, le sieur d'Heudicourt décède, après avoir reconnu Victor-Henri pour son fils naturel.

Question s'élève, entre ses héritiers et la demoiselle Hallate, de savoir si, comme concubine du sieur de Sinceny, ainsi que l'établissait l'acte de reconnaissance du fils naturel,

présente une rétroactivité: elle n'est que l'application simple et naturelle des dispositions législatives sur les enfans nés hors mariage, dans les rapports existans entre eux et les auteurs de leur naissance.

Du 1er fructidor an 13,

ARRÊT de la section des requêtes, M. Muraire président, M. Chasle rapporteur, M. Dupont avocat, par lequel:

Attendu

que,

dût-on se référer aux dis

« LA COUR, positions de l'ordonnance de 1629, il faudrait les prendre telles qu'elles avaient été modifiées par la jurisprudence des ci-devant Cours de parlement, qui admettaient, rejetaientou modifiaient les donations de l'espèce de celle dont il s'agit, selon les circonstances, et d'après les considérations qui militaient pour ou contre les donataires; Que les donations de cette espèce ont été le plus souvent maintenues, soit lorsqu'elles étaient modiques, et qu'elles avaient pour cause la recompense de services rendus, et pour objet d'assurer des alimens aux donataires, soit lorsqu'elles étaient faites entre des personnes libres;-Attendu que la donation dont il s'agit ici est de cette espèce, puisque la Cour d'appel a reconnu et déclaré en fait qu'il résultait des circonstances de la cause que la volonté du testateur avait été de récompenser personnellement la demoiselle Hallate des soins qu'elle lui avait donnés constamment jusqu'à son décès; que l'un et l'autre étaient libres et non engagés dans les liens du mariage, et enfin que le legs n'excédait pas la quotité disponible d'après la loi : d'où il suit que les vices reprochés à l'arrêt attaqué n'existent pas; REJETTE, etc. »>

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Nota. Sur la question de savoir si, dans notre législation intermédiaire, l'action en nullité du legs fondée sur le concubinage était admissible, voy. les Quest. de Droit, Concubinage.

Et sur la question de savoir si les libéralités entre concubins sont permises par le Code civil, voy. le Traité des Don. de M. Grenier, les Quest. transit. de M. Chabot, le Répertoire de M. Merlin, et nos observations, p. 431 du t. 4.

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