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quiétude rassembler des lambeaux de lois et d'arrêts pour en composer sa défense. S'il est faux, c'est un parjure àffreux qui, s'il ne trouve pas de châtiment dans la rigueur des lois, doit au moins être démasqué, et auquel on ne saurait trop opposer d'obstacles pour empêcher son triomphe.

Que sert, au surplus, au sieur Parricot de vouloir continuer un procès scandaleux pour lui et pour son épouse? La source de leurs divisions n'existe plus : leurs querelles doivent-elles lui survivre ? Tandis que cet enfant, dans le silence de la tombe, jouit d'un calme parfait, le souvenir de son existence éphémère excitera-t-il toujours les reproches d'un mari sans égard et sans pitié? le conduira-t-il sans cesse aux pieds des tribunaux, pour y solliciter la honte et le dés honneur d'une compagne, dont l'unique faute est de l'avoir trop aimé? Non : il est temps de cesser ces réclamations infamantes; son action tombe d'elle-même, puisqu'elle n'a plus d'objet.

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Ce n'est pas seulement, disait-on pour l'intimé, contre la fille de la dame Jumerey, que le sieur Parricot a intenté son action en désaveu, mais c'est aussi contre sa mère. Le souve nir de la première ne l'intéresse plus : c'est contre la seconde qu'il doit agir. Dans l'avenir, s'il se trouvait quelque action à exercer au nom de son enfant, elle pourrait abuser d'un désistement pour fonder des réclamations sur sa légitimité. Il est donc de la plus grande importance pour lui de faire prononcer sur l'état de cet enfant, et de constater le vice de sa naissance.

Tout s'accorde, du reste, à en prouver l'illégitimité. Lorsque, s'apercevant de la grossesse de la dame Parricot, son époux, indigné de sa conduite, la chassa de sa maison, elle n'éleva aucune plainte, aucun murmure. Alors elle craignit de porter une injuste réclamation aux pieds des tribunaux; alors le souvenir de sa faute encore récente l'empêcha de chercher à s'en disculper. Sa famille même, qui ne devait pas voir sans humiliation un de ses membres ignominieusement repoussé de la maison conjugale, dans cette circon

stance si pressante, si impérative, ne se montra pas plus empressée, ne fit pas plus de démarches que la mère n'en avait fait elle-même. Elle a vu le refus de l'époux de cette dernière d'assister à la rédaction de l'acte de naissance de l'enfant; elle a vu inscrire cet enfant sous le titre de bâtard, et cependant aucun de ses membres ne s'est opposé à cette inscription. Ils étaient donc persuadés dès lors de la vérité et de la justice des motifs qui ont fait agir l'intimé.

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Le désaveu a été prononcé de même. La dame Parricot n'a pas osé opposer des moyens dont elle reconnaissait la faiblesse aux argumens victorieux de son adversaire. Comment ose-t-elle aujourd'hui proposer la preuve vocale? Ne saitelle pas qu'il faut un commencement de preuve par écrit pour la faire admettre, surtout lorsqu'il s'agit de la solution d'une question d'état? Les lois romaines permettent à l'ingénu de prouver son état, il est vrai, mais non pas seulement par la preuve vocale. La loi 3, Cod., de testibus, ne laisse là-dessus aucun doute: Si tibi controversia ingenuitatis fiat, defende causam tuam instrumentis et argumentis quibus potes: soli ENIM testes ad ingenuitatis probationem NON SUFFICIUNT. Les témoins seuls ne sont donc pas suffisans: faut des actes, il faut des écrits, instrumentis et argumentis. C'est aussi le vœu du § 1er de l'art. 523 du Code civil: « Néanmoins cette prenve ( celle de la filiation par témoins) « ne peut être admise que lorsqu'il y a commencement de « preuve par écrit, ou lorsque les présomptions ou indices « résultans de faits dès lors constans sont assez graves pour dé<< terminer l'admission.» Or la dame Parricot a-t-elle fourni quelques titres, quelques présomptions, quelques indices assez graves pour faire admettre la preuve par témoins? Aucuns. Sera-ce la présomption qu'elle dit résulter du fait même du mariage? Mais l'admettre, dans l'hypothèse, comme un indice qui produise quelque effet, c'est détruire le vœu de la loi. Sans doute le mariage établit une présomption de paternité contre le mari, si la grossesse de la femme est postérieure à leur union; mais il ne prouve rien pour la Tome VI. 18

grossesse antérieure, à moins que des circonstances particulières, des lettres ou d'autres adminicules, n'opposent une semi-preuve à sa dénégation.

que son

qu'il en

Sera-ce ses allégations touchant sa grossesse,... mari en a eu connaissance avant le mariage,.. était l'auteur, qu'il l'a avoue?..... Mais la dame Parricot a pu inventer tous ces faits; elle a pu dire enfin tout ce qu'elle a voulu rien de tout cela ne constitue un commencement de preuve, ou des indices propres à déterminer l'admission

de la preuve testimoniale.

Sur ces débats, ARRÊT de la Cour d'appel de Besançon, du 29 prairial an 13, par lequel :

« LA COUR, - Considérant que le décès de l'enfant n'a pas été signifié; que, dans les questions d'état, le décès d'un enfant n'arrête pas l'action ouverte pour faire prononcer sur sa légitimité; que les successions que l'enfant peut laisser à son décès, ou recueillir de son vivant, rendent nécessaire l'obligation de faire statuer sur sa légitimité ou illégitimité; que, d'ailleurs, l'action n'était pas dirigée ici contre l'enfant seul, mais encore contre Jeanne Jumerey;

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<< Considérant, au fond, que toutes les circonstances s'élèvent en faveur du désaveu, tels que le silence de la femme et de sa famille, en première instance, au bureau de paix, dans l'acte de nomination du tuteur, à l'acte de naissance de l'enfant, inscrit comme fille naturelle, sans qu'il y eût aucune opposition; enfin, le désaveu du père, si fortement prononcé ;

Que les faits posés par l'appelante, étant repoussés par des indices aussi formels, ne peuvent être admis, soit d'après la loi 2, Cod., de testibus, soit d'après le Code civil, art. 514 et 540;

« Qu'ainsi, l'on doit s'en rapporter au désaveu du mari, et au serment par lequel il a affirmé, devant les premiers juges, qu'il n'avait eu, avant son mariage, aucune connaissance de la grossesse de Jeanne Jumerey;

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COUR DE CASSATION.

'action du vendeur contre l'adjudicataire d'une superficie de bois, en réparation de malversations prétendues commises dans l'exploitation et d'excès des termes du contrat, est-elle de la compétence des tribunaux correctionnels?

Cette question a été résolue négativement entre l'Admistration forestière et le sieur Parent-la-Garenne, par arT de la section criminelle du 2 messidor an 13. Les motifs : la décision sont développés avec une étendue qui nous spense de toute discussion; les voici :

« LA COUR, —Vu l'art. 456 du Code du 3 brumaire an et les art. 5 et 6 du tit. 9 de la loi du 29 septembre 1791; ·Attendu 1o que, d'après l'art. 168 de ce Code, la juridicon des tribunaux correctionnels est renfermée dans la conissance et la punition des délits dont la peine n'est afflicve ni infamante, mais est néanmoins au-dessus de l'attribuon conférée aux tribunaux de police par la même loi; ue l'ordre des juridictions est de droit public; qu'il est ême indépendant de la défense des parties, relativement rtout à la séparation des pouvoirs et des attributions des ibunaux civils et des tribunaux correctionnels; - Que si, mns le cas d'une adjudication de coupe, qui a été précédée un martelage et d'un balivage, où l'objet de l'exploitation les droits de l'acheteur ont été ainsi fixés d'une manière récise, la coupe des arbres marqués antérieurement à l'addication, ou celle d'arbres placés hors la surface dans laaelle elle a été circonscrite, présente par elle-même le fait un délit indépendant de toute contestation civile, dont le gement ne dépend que de la preuve matérielle qui en est roduite, et dès lors est évidemment soumise à la juridiction prrectionnelle, il ne peut en être de même vis-à-vis l’adjuicataire de la coupe d'une surface quelconque de bois, qui

doit être abattue dans l'espace de plusieurs années, d'après le martelage qui en est postérieurement fait, en vertu de clauses d'un contrat qui, renfermant des conventions et des charges réciproques, peut donner lieu à des doutes et à de différends sur son exécution; que, lorsqu'il y a contestation sur le mode ou sur l'étendue de la jouissance qu'a pu exercer l'adjudicataire, sur les droits qu'il prétend faire dériver de son bail, les délits dont il peut être accusé dépendent essen tiellement alors de la question si les faits sur lesquels la plainte est fondée étaient ou n'étaient pas légitimes, d'après les clauses et les conventious du bail; que cette question préjudicielle, qui a pour objet l'interprétation d'un contrat et la fixation des obligations et des droits qui peuvent en résulter est essentiellement civile, et est conséquemment hors du do maine des tribunaux criminels; -Que ce n'est que par le ré sultat de l'examen des tribunaux civils et de leur jugement que peut être fixé le fait du délit, et que ce n'est qu'alors que ce fait ainsi déterminé peut devenir l'objet d'une poursuite criminelle; - Que dans l'espèce que présente le pourvoi de Parent-la-Garenne, il avait été consenti une vente de super ficie de bois, dont l'exploitation devait être faite dans le cours de dix années; - Que, la réserve stipulée par le vendeur avait été de deux arbres anciens, deux modernes, e seize baliveaux par arpent; - Que, le 29 fructidor an 10,1 fut fait un récollement de la partie du bois vendue qui étai exploitée à cette époque, sans que, suivant le dire de Parent la-Garenne, il y eût été appelé, et hors sa présence, c'est-àdire sans que la vérification eût été contradictoire, contre le vœu formel des différens articles du tit. 16 de l'ordonnand de 1669, et spécialement des art. 1 et 3 de ce titre ; — Que lors du récollement fait le 9 brumaire an 12, en présence de Parent-la-Garenne, sur l'exploitation faite postérieuremen au récollement du 9 fructidor an 10, La Garenne contest l'arpentement, qui servait de base à ce récollement, et fi d'autres observations et protestations qui furent consignée dans le procès verbal de récollement; -Que, dans sa re

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