Page images
PDF
EPUB

COUR DE CASSATION.

Peut-on, "sous prétexte de contrariété, se pourvoir contre un jugement, par voie de requête civile, lorsque cette contrariété prétendue ne tombe que sur les motifs, et nullement sur les dispositions du jugement? ( Rés. nég. )

BASTEROT, C. CHEYRON.

Le chanoine Cheyron possédait une maison dépendante du chapitre de Saint-Seurin. Il n'en était pas propriétaire; cependant il pouvait l'aliéner, mais seulement à un chanoine, et à condition que celui-ci, s'il avait une maison canoniale, l'abandonnerait au chapitre. Usant de cette faculté, le chanoine Cheyron vendit l'immeuble qu'il occupait au chanoine Basterot, moyennant 10,000 fr., et celui-ci déclara, de son côté, au chapitre, qu'il lui faisait l'abandon d'une maison canoniale qu'il possédait déjà.

Le vendeur mourut peu de temps après, laissant pour héritier Pierre Cheyron son neveu, qui était encore dans les liens de la minorité.

Le chapitre forma, contre son tuteur et contre le chanoine Basterot, une demande en nullité de tout ce qui avait été fait, sous prétexte que l'acte par lequel ce dernier avait renoncé à sa maison était irrégulier. Basterot soutint la régularité de cet acte, et conclut subsidiairement à ce que le mineur Cheyron fût tenu de le garantir de l'événement du procès.

du

Dans l'état de la contestation, ces conclusions subsidiaires n'avaient aucun motif, puisque, si la nullité demandée par le chapitre était prononcée, elle ne pouvait provenir que fait de Basterot lui-même, et l'assujettisait à une garantie envers le mineur Cheyron, loin qu'il pût en résulter contre celui-ci une action récursoire.

Néanmoins, le parlement de Bordeaux, par arrêt du 20 mai 1785, déclara ce contrat de vente nul et de nul effet,

et condamna ledit Cheyron à garantir Basterot des condamnations contre lui prononcées, et, en outre, au rembourscment des frais d'acquisition et aux dépens.

Cet arrêt fut exécuté dans toutes ses dispositions

Pierre Cheyron, parvenu à sa majorité, l'attaqua par la voie de la requête civile; et, le 21 thermidor an 11, la Cour d'appel de Bordeaux le rescinda par un arrêt dont voici les motifs :

« Considérant que, l'arrêt du 20 mai 1783 n'ayant annulé la vente consentie par le chanoine Cheyron au chanoine Basterot que sur le fondement de l'invalidité de l'acte d'abandon fait par ce dernier, au chapitre de Saint-Seurin, de la maison canoniale qu'il possédait, et cet acte ne se trouvant être que le fait propre et personnel dudit Basterot, il est impossible de pouvoir concilier cette première disposition de l'arrêt avec la seconde, qui rend néanmoins l'héritier du vendeur garant et responsable d'une éviction qui n'est causée que par le fait de celui-ci ; que cette seconde disposition, qui choque également la raison et les principes, est en contradiction manifeste avec la première. >>

Pourvoi en cassation, pour fausse application de l'art. 34, tit. 35, de l'ordonnance de 1667, et violation de l'art. 5, tit. 24, de la même ordonnance.

Du 4 germinal an 15, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, M. de Malleville président, M. Zangiacomi rapporteur, MM. Deslix et Granié avocats, par lequel :

« LA COUR, Vu l'art. 5 du tit. 27 et l'art. 34 du tit. 35 de l'ordonnance de 1667; - Considérant qu'il résulte de ce dernier texte que la contrariété qui donne lieu à la requête civile est celle qui existe entre les dispositions d'un arrêt, et non celle qui peut se trouver entre ses motifs; Qu'il n'y a de contrariété entre les dispositions d'un arrêt que lorsque ces dispositions se détruisent réciproquement, en telle sorte qu'elles ne puissent être toutes exécutées; - Que, dans l'espèce, la contrariété que la Cour d'appel de Bordeaux relève dans l'arrêt qu'elle a rescindé tombe sur les notifs qu'elle suppose à cet arrêt, et nullement sur ses dis

COUR DE CASSATION.

Peut-on, sous prétexte de contrariété, se pourvoir contre un jugement, par voie de requête civile, lorsque cette contrariété prétendue ne tombe que sur les motifs, et nullement sur les dispositions du jugement? (Rés. nég.)

BASTEROT, C. CHEYRON.

Le chanoine Cheyron possédait une maison dépendante du chapitre de Saint-Seurin. Il n'en était pas propriétaire; cependant il pouvait l'aliéner, mais seulement à un chanoine, et à condition que celui-ci, s'il avait une maison canoniale, l'abandonnerait au chapitre. Usant de cette faculté, le chanoine Cheyron vendit l'immeuble qu'il occupait au chanoine Basterot, moyennant 10,000 fr., et celui-ci déclara, de son côté, au chapitre, qu'il lui faisait l'abandon d'une maison canoniale qu'il possédait déjà.

Le vendeur mourut peu de temps après, laissant pour héritier Pierre Cheyron son neveu, qui était encore dans les liens de la minorité.

Le chapitre forma, contre son tuteur et contre le chanoine Basterot, une demande en nullité de tout ce qui avait été fait, sous prétexte que l'acte par lequel ce dernier avait renoncé à sa maison était irrégulier. Basterot soutint la régularité de cet acte, et conclut subsidiairement à ce que le mineur Cheyron fût tenu de le garantir de l'événement du procès.

Dans l'état de la contestation, ces conclusions subsidiaires n'avaient aucun motif, puisque, si la nullité demandée par le chapitre était prononcée, elle ne pouvait provenir que du fait de Basterot lui-même, et l'assujettisait à une garantie envers le mineur Cheyron, loin qu'il pût en résulter contre celui-ci une action récursoire.

Néanmoins, le parlement de Bordeaux, par arrêt du 20 mai 1785, déclara ce contrat de vente nul et de nul effet,

et condamna ledit Cheyron à garantir Basterot des condamnations contre lui prononcées, et, en outre, au rembourscment des frais d'acquisition et aux dépens.

Cet arrêt fut exécuté dans toutes ses dispositions

Pierre Cheyron, parvenu à sa majorité, l'attaqua par la voie de la requête civile; et, le 21 thermidor an 11, la Cour d'appel de Bordeaux le rescinda par un arrêt dont voici les motifs : << Considérant que, l'arrêt du 20 mai 1783 n'ayant annulé la vente consentie par le chanoine Cheyron au chanoine Basterot que sur le fondement de l'invalidité de l'acte d'abandon fait par ce dernier, au chapitre de Saint-Seurin, de la maison canoniale qu'il possédait, et cet acte ne se trouvant être que le fait propre et personnel dudit Basterot, il est impossible de pouvoir concilier cette première disposition de l'arrêt avec la seconde, qui rend néanmoins l'héritier du vendeur garant et responsable d'une éviction qui n'est causée que par le fait de celui-ci; que cette seconde disposition, qui choque également la raison et les principes, est en contradiction manifeste avec la première. »

Pourvoi en cassation, pour fausse application de l'art. 34, tit. 35, de l'ordonnance de 1667, et violation de l'art. 5, tit. 24, de la même ordonnance.

Du 4 germinal an 15, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, M. de Malleville président, M. Zangiacomi rapporteur, MM. Deslix et Granié avocats, par lequel :

[ocr errors]

« LA COUR, Vu l'art. 5 du tit. 27 et l'art. 34 du tit. 35 de l'ordonnance de 1667; Considérant qu'il résulte de ce dernier texte que la contrariété qui donne lieu à la requête civile est celle qui existe entre les dispositions d'un arrêt, et non celle qui peut se trouver entre ses motifs; Qu'il n'y a de contrariété entre les dispositions d'un arrêt que lorsque ces dispositions se détruisent réciproquement, en telle sorte qu'elles ne puissent être toutes exécutées; - Que, dans l'espèce, la contrariété que la Cour d'appel de Bordeaux relève dans l'arrêt qu'elle a rescindé tombe sur les notifs qu'elle suppose à cet arrêt, et nullement sur ses dis

positions, puisque chacune de celles-ci était susceptible de recevoir et a effectivement reçu son exécution; d'où il suit que la Cour d'appel de Bordeaux a faussement appliqué l'art. 34, tit. 35, et violé l'art. 5, tit. 27, de l'ordonnance de 1667; CASSE, etc. >>

Nota. L'art. 480 du Code de procédure a confirmé ces principes. Il énonce bien que la contrariété dans les dispositions d'un même jugement est un moyen de requête civile; mais il ne permet pas de recourir à cette voie lorsque la conę trariété n'existe que dans les motifs,

COUR DE CASSATION.

Le juge qui n'a pas assisté à toutes les plaidoiries d'une cause peut-il concourir au jugement? (Rés. nég.)

POURVOI DE Chevalier.

La négative, prononcée par la Cour de cassation, est écrite dans la loi du 24 août 1790, qui, en déterminant le nombre des juges suivant les matières et les degrés d'attribution, a nécessairement voùlu que chacnn d'eux fût à portée de recueillir des plaidoiries respectives tous les moyens des parties sans exception, de les comparer, de les balancer, pour en faire résulter son opinion.

C'est un principe d'équité naturelle adopté par toutes les lois civiles, que nul ne doit être jugé sans avoir été ou entendu ou mis en demeure d'être entendu par tous les membres du tribunal chargés de prononcer sur l'objet du litige: or il n'est point suffisamment entendu s'il ne l'est que d'une partie de ses juges.

La loi a voulu que les jugemens fussent le produit de plusieurs opinions, pour prévenir les erreurs et l'effet trop ordinaire des passions, des préventions, des partialités. D'ailleurs, dans une longue discussion, souvent chargée de beaucoup de faits et d'incidens, quelquefois mal présentée et noyée dans un grand nombre de réflexions oiseuses, l'atten-"

« PreviousContinue »