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pas recevables à opposer contre un mariage des nullités qui ne troublaient point l'ordre public; et cependant, les monumens de la jurisprudence attestent au contraire que les collatéraux ont toujours été admis à attaquer les mariages de leurs parens, lorsqu'ils ont exercé leur action en temps utile, et qu'ils avaient à le faire un intérêt actuel et lors existant. La jurisprudence n'a jamais consacré à leur égard que deux fins de non recevoir, celles résultantes de la reconnaissance du mariage, et du défaut d'intérêt. Il y a donc dans l'espèce, et fausse application des principes de la matière, et excès de pouvoir.

Quatrième, cinquième et sixième moyens. La donation de 1788, poursuivait le défenseur, était nulle en soi, et cette nullité n'était point de nature à être réparée par une ratification, ni même confirmée par un nouveau mariage.

Il y a deux raisons de le décider ainsi.

La première, parce que la nullité absolue dont les lois du temps avaient frappé cet acte, par rapport à l'incapacité et à la mort civile de l'un des donataires et contractans, avait détruit jusqu'à l'existence de l'acte même."

Il n'y avait pas d'acte réciproque et bilatéral contenant donation mutuelle en 1788, alors que l'un des contractans était mort civilement, et qu'ainsi il ne pouvait ni donner ni recevoir.

Et enfin, comme il s'agissait là d'une nullité puisée dans les lois d'ordre public, et par conséquent d'une nullité radicale et absolue, la ratification, la confirmation subséquente, ne pouvaient lui donner de la consistance.

Ce point de droit proclamé dans nos anciennes ordonnances, dans tous les monumens de notre jurisprudence, rappelé dans l'art. 1539 du Code civil, a été ainsi formellement décidé dans le motif de l'arrêt de la Cour de cassation qui porte << que la Cour d'appel séante à Caen a pu et dû considérer l'acte du 24 brumaire de l'an 2 comme un nouvel acte de mariage, qui n'a point réparé la nullité absolue du mariage qui a été contracté en Suisse en 1788 ».

Sousce point de vue, il y a, dans l'arrêt attaqué, violation expresse des dispositions législatives sur lesquelles ces maximes sont établies. Le sieur Spiess était mort civilement e 1788. Il n'a acquis la vie civile que postérieurement, en 1790

Mort civilement, il n'a pu ni contracter ni recevoir de do nation; la donation mutuelle de la demoiselle Davrilly étai radicalement nulle, ou plutôt elle n'existait pas : elle n'avai pas conséquemment besoin d'être révoquée.

En second lieu, l'acte du 24 brumaire de l'an 2 ne pouvai pas être considéré comme une donation nouvelle et valable Les dispositions de l'ordonnance de 1731 exigent, pour la validité d'une donation, 1° que l'acte en soit passé devant notaire, et qu'il en reste minute, 2o qu'il soit fait dans la forme ordinaire des contrats, et qu'on y observe toutes les formalités relatives à ces actes.

Sur ce point, l'ordonnance de 1731 ne fait que rappeler ce qui existait dans les lois anciennes. Toutes prononcent la nullité des donations, même des dons mutuels, dans lesquels ces formes n'ont point été observées.

Dans l'espèce, l'acte du 24 brumaire de l'an 2 ne contient aucune de ces formes si expressément voulues. 1o. Il est reçu par l'officier civil de la commune d'Ampuis, et non par un notaire. 2o. Il n'est pas non plus dans la forme des actes passés devant notaire. 3o. L'acte passé devant notaire en Suisse ne pouvait être regardé parmi nous que comme un acte sous seing privé. 4°. Cet acte de 1788, tout vicieux qu'il était. n'était pas même représenté à l'officier civil.

Il est impossible d'accumuler plus de moyens contre le dispositions de l'arrêt attaqué.

Cet arrêt objecte en vain, dans ses motifs, que la donation mutuelle devait être considérée, de la part de la demoiselle Davrilly, comme une donation à cause de mort, et que dè lors il faudrait apprécier la capacité au temps du décès du prémourant.

Contre cette objection se présentent tous les moyens déjà développés: car une donation mutuelle, étant irrévocable, a, quant à ce, le caractère d'une donation entre vifs. Il fau

donc Ini appliquer, pour la capacité des personnes, les lois existantes à l'époque de sa confection d'ailleurs, on ne

pourra jamais la faire sortir de la classe des actes bilatéraux et réciproques, et, sous ce rapport, cacore il faut bien l'apprécier au temps qu'elle a été faite, et convenir qu'alors la. capacité dans les deux contractans était indispensable.

Les moyens du défendeur en cassation se confondant avec ceux sur lesquels repose l'arrêt de la Cour, nous nous dispensons de les rapporter.

Du 3 floreal an 13, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, au rapport de M. Vergès, et sur les conclusions conformes de M. le procureur-général Merlin (1), plaidant M. Becquey Beaupre pour les demandeurs, et Spiess pour luimême, par lequel:

« LA COUR,-Sur le premier moyen ;-Considérant que la Cour d'appel de Rouen a reconnu que le premier mariage, contracté en Suisse en 1788, était nul par l'effet de l'incapacité civile de l'un des contractans; Que par conséquent cette Cour s'est conformée aux lois et à la jurisprudence qui étaient en vigueur à cette époque;

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« Sur le deuxième moyen, Considérant que cette Cour, en déclarant que la nouvelle législation avait fait cesser cette incapacité civile, n'a fait 'qu'appliquer à la cause les dispositions de la loi de 1791; - Qu'en effet, le législateur a déclaré dans le préambule de cette loi qu'il ne reconnaissait plus ni vœux religieux, ni aucun autre engagement contraire au droit naturel; Qu'il n'a été donné à cette loi aucune ré-' troactivité; Qu'il a été considéré, au contraire, par cetteCour, qu'un nouveau mariage avait été contracté en France sous l'empire de la nouvelle législation, dans les formes légales, le 24 brumaire an 2, devant l'officier public de la commune d'Ampuis;

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« Sur le troisième moyen,-Considérant que la Cour d'ap

(1) On peut voir la savante dissertation de ce magistrat sur cette affaire, lorsqu'en l'an 11 elle fut discutée, pour la première fois devant la Cour de cassation, en ses Questions de droit, vo Mariage, § 5.

pel de Rouen ne s'est pas Lornée à déclarer les héritiers collatéraux non recevables dans leur demande en nullité; Que cette Cour a déclaré en outre ces héritiers collatéraux mal fondés dans leur demande;

« Sur le quatrième moyen,-Cousidérant que, lors du nouveau mariage contracté le 24 brumaire an 2, sous l'empire des lois françaises, Spiess et son épouse ont confirmé, ratifié et pris même de nouveau, pour quelque cause que ce pût être, tous les engagemens qu'ils avaient pris en 1788, lors de leurs conventions matrimoniales; Que la Cour d'appel n'a pas violé par conséquent les anciennes lois, qui défendaient aux individus qui avaient fait des voeux religieux de passer des contrats dépendans du droit civil; - Qu'en effet, le 24 brumaire an 2, époque de la confirmation, de la ratification et de la reprise des engagemens contractés en 1788, les lois ne reconnaissaient plus depuis long-temps ni vœux religieux, ni aucun autre engagement contraire au droit naturel;

« Sur le cinquième moyen,- Considérant que la Cour d'appel de Rouen s'est conformée aux véritables principes, en déclarant que le sort de l'obligation réciproque résultant de la ratification ne dépendait pas des anciennes règles, mais bien de celles positivement établies par la nouvelle législation; Qu'il impliquerait en effet qu'une obligation réciproque, contractée sous l'empire des lois qui la protègent, fût annulée sur le fondement d'une nullité prononcée par des lois qui ont été abrogées; Que le principe sur les nullités, invoqué par les demandeurs, suppose un ordre social, dans lequel la même législation sur l'incapacité se perpétue; que ce prineipe devient inapplicable lorsqu'une nouvelle législation, faisant cesser cette incapacité, rend habiles à contracter, sans exception, tous les individus que cette incapacité atteignait auparavant; Que la ratification, étant en harmonie avec la loi générale, produit les effets qui sont dans son essence; Que le nouveau mariage, contracté le 24 brumaire an 2, a été suivi d'une possession d'état de plusieurs années ;-Que l'obligation réciproque, résultante de la ratification des con

ventions matrimoniales, a été déterminée par le nouveau mariage légalement contracté le 24 brumaire an 2; -Que cette obligation n'a jamais été l'objet de la moindre réclamation de la part d'aucun des époux; que les lois n'ont pas déterminé la forme dans laquelle les ratifications doivent être conçues; —Que l'obligation réciproque, résultante de ladite ratificacation, est positive, absolue et revêtue des formes nécessaires pour constituer une véritable obligation civile; qu'en prononçant, dans ces circonstances, contre les héritiers collatéraux, la validité de cette obligation, la Cour d'appel a fait une juste application des lois qui protègent essentiellement les mariages et les conventions matrimoniales; « Sur le sixième moyen,- - Considérant ciproque, qui a donué principalement lieu à la contestation, était une véritable donation à cause de mort; Que cette donation se référait évidemment au temps de la mort, puisque c'était l'époux survivant qui devait en recueillir le fruit; - Que par conséquent la Cour d'appel n'a pas violé les art. 1 et 2 de l'ordonnance de 1731, qui sont uniquement relatifs aux donations entre vifs;

que

« REJETTE la demande en cassation, etc. »

la donation ré

COUR DE CASSATION.

Les tribunaux peuvent-ils déclarer qu'un procès verbal de saisie d'ouvrages contrefaits ne mérite aucune foi, parce qu'on n'a pas appelé le prévenu lors de sa rédaction et de la visite faite pour constater le délit? (Rés. aff.)

BUISSON, C. JOLY.

Le 25 brumaire an 11, le sieur Buisson, libraire à Paris, fait saisir chez le sieur Joly, imprimeur-libraire à Avignon, deux ouvrages qu'il prétend contrefaits, intitulés, l'un Soupers de Vaucluse, et l'autre Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations.

Le procès verbal dressé, il rend plainte en contrefaçon et fait entendre des témoins; mais, par jugement du 25 germi

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