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an 7 pour prétendre que l'instruction devait être sommaire, parce que, s'agissant d'une vente consentie et de lettres de ratification obtenues sous l'empire de l'édit de 1771 l'iostruction a dû être faite dans la forme en usage sous le régime de cet édit.

Le créancier qui poursuit l'ordre est en quelque sorte le curateur né des intérêts de chaque créancier; et comme tout -ce qu'il peut faire d'utile, pour y parvenir doit tourner au profit commun, les frais de poursuite doivent être supportés par la masse commune. En décidant le contraire, le tribunal de la Seine est tombé dans une étrange erreur : il a commis une injustice évidente, dont l'effet était de rendre le poursuivant personnellement passible de frais commandés par les circonstances, et qui avaient tourné au profit de tous.

Guyot-Mouton, de concert avec Houveaux, avait également interjeté appel de la disposition principale du jugement de première instance qui avait écarté leur demande à fin de représentation des 50,000 liv. formant le supplément de prix énoncé dans la contre-lettre du 16 prairial.

Tous deux disaient que le droit de tout créancier hypothé caire et privilégié était inhérent à la chose même, et que par voie de conséquence tout ce qui pouvait provenir de cette chose devait contribuer à augmenter leur gage, et non pas. tourner au profit exclusif du débiteur, au préjudice de ses créanciers; qu'ainsi, dans l'hypothèse, les créanciers de Guerre étaient fondés à prétendre que les sieurs Grandin et Delon n'étaient pas libérés envers eux par la représentation des 250,000 liv. énoncées au contrat du 16 prairiał an 6, qu'ils devaient aussi rapporter le supplément de prix stipalé par la contre-lettre du même jour.

et

Guerre, qui dans ce procès était le seul contradicteur sérieux, répliquait, tant pour lui que pour Grandin et Delon, sur le premier chef, qu'aux termes de la loi du 11 brumaire, l'instruction devait être absolument sommaire, et que, l'ordre ayant été introduit postérieurement à sa publication, il était indispensable de s'y conformer.

Arrivant ensuite au principal grief d'appel de Guyot-Mouton et d'Houveaux, Guerre soutenait que, par le contrat de vente du 16 prairial an 6, le prix de Fimmeuble avait été fixé à 250,000 livres, et que la fixation de ce prix était devenue irrévocable par l'exposition du contrat, et par le défaut de surenchère; qu'en droit, des allégations contraires au titre n'étaient point admissibles; que d'ailleurs fût-il prouvé que la contre-lettre existât, elle ne devrait avoir aucune influence dans la cause, parce que la loi sur Fenregistrement des actes déclarait nul un écrit de cette nature, et qu'ainsi celle dont on excipait ne pourrait être produite en justice, ni servir de règle à la décision de la Cour ; qu'enfin il était d'autant plus vraisemblable que le prix de 250,000 liv. énoncé au contrat du 16 prairial était sincère et véritable, que les ventes précédentes avaient été faites à des prix infé

rieurs,

Du 2 germinal an 15, ARRÊT de la Cour d'appel de Paris 3e chambre, plaidans MM. Girard de Buris, Lacroix-Frainville et Gayral, par lequel :

« LA COUR, - En tant que touche l'appel de Guyot-Mouton et de Jean Baptiste Giraud, son cédant, du jugement du 5 thermidor an 10, dans la disposition qui, en ordonnant que les frais de poursuite seront payés par privilége d'après la taxe, a ordonné que, dans cette taxe, les mémoires, requêtes et autres écritures signifiées n'entreraient que pour la partie des conclusions seulement; Considérant, sur ce grief, que la contestation sur l'ordre a été introduite par une demande de Guyot-Mouton, du 23 floréal an 7, et conséquemment depuis la loi du 11 brumaire an 7, qui, loin d'autoriser des procédures en pareille circonstance, veut au contraire que l'ordre soit ouvert au greffe par un procès verbal, dans lequel chaque créancier fait son dire, pour parvenir à être colloqué à son rang; que l'ordre est ensuite rapporté à l'audience, et jugé, après avoir entendu les parties ou leurs défenseurs; Qu'ainsi, c'est avec raison que les premiers juges ont rejeté des frais de poursuite les écritures, mémoires.

et requêtes; par ces motifs, faisant droit sur l'appel de GuyotMouton et de Giraud, du jugement dudit jour 5 thermidor an 10, ORDONNE que ladite disposition sortira effet, etc.;

« En ce qui touche l'appel de Guyot-Mouton, comme poursuivant l'ordre, et de Houveaux, créancier privilégié, dudit jugement du 5 thermidor an 10, en ce que, par ledit jugement, ils ont été déboutés de leur demande en rapport à l'ordre de la somme de 50,000 liv., pour supplément de prix de la vente faite par Guerre à Grandin et Delon, par contrat du 16 prairial an 6; et en ce que, d'après leurs offres, le prix à distribuer dans l'ordre a été fixé à 250,000 l., portées audit contrat, avec les intérêts tels que de droit;→ Considérant, en principe, 1o que les créanciers opposans ou inscrits au bureau des hypothèques doivent être colloqués sur la totalité du prix de la vente de l'immeuble affecté à leurs priviléges et hypothèques, encore bien que le prix, qui est leur gage, soit stipulé dans un seul ou plusieurs actes; qu'autrement, un débiteur se permettrait de ne stipuler dans le contrat notarié qu'une partie du prix, et le surplus dans un acte privé dont il déroberait la connaissance à ses créanciers pour les en dépouiller;- En second lieu, que les lois rendues sur le régime hypothécaire ne portent pas qu'à défaut de surenchère, les créanciers seront privés du droit de réclamer contre la fraude et la simulation qu'ils ont découvertes depuis l'expiration du délai pour surenchérir; que souvent, faute de moyens pécuniaires, les créanciers sur lesquels les fonds manquent sont dans l'impuissance de mettre une 'surenchère, dans la crainte que l'immeuble ne leur reste, si elle n'est pas couverte ; - Considérant, en fait, qu'il résulte de l'interrogatoire sur faits et articles subi par Grandin le 11 germinal an ro, des aveux de sa part, que le jour même du contrat de vente du 16 prairial an 6 il a été souscrit un acte privé, tant par Musset, fondé de la procuration de Guerre, vendeur, que par Boudot, qui avait stipulé comme caution; acte privé par lequel l'un et l'autre se sont obligés envers Graudin et Delon, acquéreurs, à la garantie de la vente, et

en cas d'éviction ou de tout autre trouble, de leur restituer, outre le prix porté au contrat, 50,000 liv., supplément du prix;-Considérant aussi que la loi sur l'enregistrement, du 22 frimaire an7, dont Guerre excipe, comme prenant le fait et cause de Grandin et Delon, ne peut pas les affranchir de l'obligation de représenter l'écrit privé ou la contre-lettre dont il s'agit, et de rapporter à l'ordre le supplément du prix qui s'y trouvera stipulé: car, par l'art. 40 de cette loi, conforme à l'art. 32 de celle du 9 vendémiaire an 6, en déclarant nulle toute contre-lettre sous signature privée qui aurait pour objet une augmentation de prix stipulé dans un acte public, le législateur n'a eu pour objet que de punir les seuls contractans de la contravention qu'ils commettent sciemment au droit d'enregistrement; qu'il a voulu non seulement dénier au vendeur l'action contre l'acquéreur en paiement du supplément de prix contenu en la contre-lettre, mais encore qu'ils fussent tenus du triple droit d'enregistrement des sommes ou valeurs stipulées dans la contre-lettre dont l'existence est constatée; que c'est donc faire une fausse application de ces lois ici où il s'agit de l'intérêt de tierces personnes, de légitimes créanciers qu'on a trompés à leur insçu par la contre-lettre dont il s'agit, dans laquelle ils ne sont point parties, et que le vendeur, d'intelligence avec les acquéreurs, a voulu priver d'une partie de leur gage; que ce serait autoriser le dol contre les créanciers, et les rendre victimes de la simulation ou de la fraude qu'ils n'ont pu empêcher,si on annulait à leur égard le titre qui la constate; —ORDONNE que, dans quinzaine, Grandin, Delon et Guerre, rapporteront l'original de la contre-lettre dont il s'agit, et faute par eux de le faire, les condamne à payer et rapporter à l'ordre la somme de 50,000 liv. faisant le supplément de prix stipulé par ladite contre-lettre, etc. »>

COUR DE CASSATION.

Commet-il le crime de faux, celui qui fait inscrire au regis

ire de l'état civil comme ses enfans légitimes des enfans ne's d'un commerce adultérin? (Non rés.)

Le magistrat coupable d'une telle déclaration est-il dans le cas de la suspension prononcee par l'art. 85 du senatusconsulte du 16 thermidor an 10? (Rés, aff.)

LE MINISTERE PUBLIC, C. LE SIEUR CAMPMAS.

Sur la première question, il a été déjà jugé par plusieurs arrêts de la Cour que la déclaration faite par le père, dans l'acte de naissance de l'enfant, que la mère est sa femme légitime, bien qu'elle ne soit que sa concubine, ne constitue pas le crime de faux, mais une simple déclaration mensongère (1), Ces décisions forment sans doute une autorité imposante. Toutefois M. le procureur-général Merlin a cru devoir profiter de la réunion de toutes les chambres dans la cause actuelle, pour soumettre cette question à un nouvel examen, Ce magistrat n'a point dissimulé que son opinion était contraire, sur ce point, aux arrêts précédens; mais cet appel à la révision de l'ancienne jurisprudence n'a point eu son effet la Cour suprême a cru devoir garder le silence. La question fut sans doute agitée dans sa délibération; mais elle n'a point été résolue (2). Ainsi tout ce qu'on peut dire, c'est qu'à cet égard les arrêts subsistent, et, avec eux, l'opinion contraire de M, Merlin. Quel est celui des deux systèmes qui doit obtenir le triomphe? C'est au temps à nous l'apprendre.

Quant à la seconde question qui a exclusivement fixé l'attention de la Cour, elle a été décidée pour l'affirmative.

Dans ces séances solennisées par la présence du chef de la justice, par la réunion de toutes les chambres, par l'aspect du premier tribunal du royaume, par l'assistance d'un barvau nombreux et justement considéré, enfin par Vaffluence

(1) Voir ces divers arrêts, tom. 4 de ce receuil, pag. 54 et 598.

(2) M. de Malleville, dans son Analyse raisonnée du Code civil, nous apprend qué, lors de la délibération, la grande majorité fut pour s'en tenir à la jurisprudence existante.

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