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Charte, au moins en ce qui regarde les agents du pouvoir, ajournant ce qui se rattache plus directement à la responsabilité des ministres.

La proposition de M. Isambert fut développée dans la séance du 17 février, la Chambre des députés en ayant autorisé la lecture.

Dans l'état actuel de la législation, la responsabilité des agents du pouvoir est régie par l'art. 75 de la constitution de l'an VIII. Les agents du gouvernement, y est-il dit, autres que les ministres, ne peuvent être poursuivis pour des faits relatifs à leurs fonctions qu'en vertu d'une décision du conseil d'État. C'est à cette disposition que M. Isambert proposait de substituer une loi en quatorze articles.

Déjà plus d'une fois le parlement avait eu à discuter cette question. Sous la Restauration, trois projets de loi avaient été présentés, en 1814, en 1817 et en 1819, et ils n'avaient pas même été rapportés. Depuis, deux rapports successifs émanéş en 1833 et 1834 de M. Bérenger (de la Drôme), un autre de M. Sauzet, en 1835, avaient éclairé la question sans la faire aboutir à un résultat.

Les agents du pouvoir doivent-ils, comme les autres citoyens, rester dans les termes de droit commun, même pour les faits relatifs à leurs fonctions, et l'action judiciaire doit-elle être pour eux, comme pour tous autres, entière, spontanée, indépendante? L'autorité administrative a certainement le droit, consacré par la constitution de l'an VIII et dont le principe se retrouve dans les lois des 24 décembre 1789 et 24 août 1790, d'intervenir dans les poursuites dirigées contre des agents, et ce droit, sauf à en tempérer l'exercice, n'est que la garantie la plus nécessaire de son indépendance. Cette garantie, M. Isambert proposait d'en régler l'application. A cet égard, la proposition reproduisait la pensée du projet de loi qui fut abandonné après avoir été adopté par la Chambre des pairs, dans les sessions de 1834 et 1835 (voy. les Annuaires).

Les deux premiers articles avaient pour but de déterminer

la nature des fonctions qui rendent nécessaire, dans le cas de poursuites, l'intervention du pouvoir administratif. Les agents du pouvoir que protégerait à l'avenir l'intervention administrative seraient ceux investis de l'action directe du gouvernement: les maires, en qualité de délégués de l'administration générale, les sous-préfets, les directeurs généraux, les préfets, les soussecrétaires d'Etat, les commandants militaires des places de guerre et les commandants des bâtiments de la marine royale, les généraux commandant les départements et les divisions militaires, les préfets maritimes, les généraux commandant les armées et les corps détachés en campagne, les commandants des stations navales, les gouverneurs des colonies et des comptoirs, les consuls et agents diplomatiques à l'étranger.

Les articles 2 et 3 portaient en substance que lorsqu'un agent du pouvoir serait inculpé d'un crime ou d'un délit commis dans l'exercice de ses fonctions, le procureur général près la cour royale, saisi de la plainte du ministère dans les attributions duquel se trouverait le fonctionnaire inculpé, requerrait du premier président la désignation d'un membre de la cour pour procéder à une information préliminaire.

Si le plaignant était un simple citoyen, le premier président pourrait être saisi directement par lui et ferait la même désignation. Le magistrat commis entendrait les témoins ou commettrait un juge pour recevoir leurs dépositions, mais ne pourrait décerner contre le fonctionnaire inculpé aucun mandat, ni le citer devant lui à aucun titre. Le magistrat délégué fixerait le prix du cautionnement qui devrait être fourni par le plaignant dans la huitaine de son ordonnance, sous peine de nullité de la plainte. L'information préliminaire terminée et le plaignant constitué partie civile par le fait seul de sa plainte, le procureur général en adresserait immédiatement copie, ainsi que de la plainte, au ministre auquel ressortirait le fait qui aurait donné lieu à l'inculpation. S'il s'agissait de la plainte d'un particulier, il serait sursis à toutes poursuites pendant le délai de deux mois, à partir du jour de la réception des pièces Ann. hist. pour 1845.

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au ministère. Dans ce délai, si le ministre prenait le fait sous sa responsabilité personnelle, la justice ordinaire serait dessaisie et il ne pourrait être donné suite à la plainte qu'en cas d'accusuation admise contre le ministre dans les formes constitutionnelles. S'il n'était intervenu aucune décision du ministre compétent acceptant la responsabilité du fait, il serait passé outre aux poursuites, et, s'il y avait lieu, à la délivrance des mandats contre l'agent inculpé. Il serait procédé conformément aux articles 236 et suivants du Code d'instruction criminelle, sans préjudice des dispositions des articles 10 et 18 de la loi du 20 avril 1810. Enfin, les articles 483 et 484 du Code d'instruction criminelle seraient appliqués à tous les agents du pouvoir, ainsi qu'aux ministres des cultes, pour tous les crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions.

Le titre 11 de la proposition de M. Isambert déterminait les règles à suivre dans l'action civile qui pourrait être intentée par toute partie lésée, à raison des faits commis par un agent du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions, soit avec l'intention de nuire, soit par suite de fautes graves. Cette action serait soumise à la 1 chambre de la cour royale, et communiquée par le procureur général au ministre compétent. La marche en ce cas serait la même que ci-dessus; seulement l'inculpé pourrait appeler en cause l'État, le département ou la commune qui aurait profité de l'acte signalé par la partie civile.

Telles étaient les principales dispositions de la proposition développée par M. Isambert. Après quelques observations de M. le garde des sceaux sur les dangers d'une innovation déjà repoussée dans de précédentes sessions, la prise en considé ration fut écartée à une assez forte majorité.

Proposition relative aux incompatibilités. La proposi tion annuelle relative aux incompatibilités fut présentée par M. de Rémusat. Les bureaux de la Chambre des députés en autorisèrent la lecture le 25 février.

Le principe des incomptabilités est inscrit dans l'article 64

de la loi électorale du 19 avril 1831. Il s'agissait d'étendre ce principe.

L'administration, par l'organe de M. Guizot, s'opposa, comme d'ordinaire, à la proposition, qui ne fut pas prise en considération.

Proposition relative à l'abolition du cens d'éligibilité, Indemnité des députés. - M. Ledru-Rollin présenta, le 8 mars, une autre proposition par laquelle eût été aboli le cens d'éligibilité, et qui eût accordé une allocation quotidienne à la chaque membre de la Chambre des députés, à titre d'indemnité.

Cette proposition n'arriva pas à la lecture.

Proposition relative à l'adjonction des capacités. L'éternelle proposition de l'adjonction des capacités fut présentée cette année par M. Crémieux. Combattue par M. le ministre de l'intérieur, elle fut écartée par la Chambre, au scrutin public, à une majorité de 28 voix sur 330 votants.

Un des incidents les plus curieux de la discussion fut l'opposition faite à la proposition par l'honorable M. de La Rochejaquelein, qui la repoussa, parce qu'il n'y voyait que l'établissement d'un nouveau privilége, que ce fût ou non en faveur de l'intelligence.

Proposition sur la liberté individuelle. — Une proposition de M. Roger (du Loiret), tendant à faire introduire dans notre Code d'instruction criminelle plus de garanties pour la liberté individuelle, fut admise à la lecture par tous les bureaux de la Chambre des députés. Depuis l'établissement du gouvernement constitutionnel, à diverses époques, et notamment en 1832 (voy. l'Annuaire), des changements importants avaient permis de mettre cette législation de plus en plus en harmonie avec nos mœurs constitutionnelles. L'auteur de la proposition n'avait cessé de réclamer, depuis lors, de nouvelles modifications; et déjà, en 1838, sur le rapport remarquable de M. Dessaigne (voy. l'Annuaire), la Chambre, après une longue délibération, avait fait modifier quelques-unes des dispositions qui régissent l'ar

restation et la détention. Mais la Chambre des pairs n'ayant pas donné son approbation au projet de loi, il n'y avait pas eu de suite.

Aujourd'hui, M. Roger (du Loiret) en proposait la reprise. La proposition eut, cette année, le même succès à la Chambre des députés ; elle fut prise en considération à une grande majorité (15 février.)

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